Identification

Essais

Un été avec Jankélévitch, Cynthia Fleury (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 11 Décembre 2023. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Editions des Equateurs

Un été avec Jankélévitch, Cynthia Fleury, Editions Equateurs, mai 2023, 189 pages, 14 € Edition: Editions des Equateurs

Pour qui n’a pas lu Jankélévitch, un été avec… constitue un premier pas et plus qu’une simple initiation à la philosophie du susnommé. Ne pas l’avoir lu peut avoir pour cause un abord parfois difficile, encore que, ou une aridité apparente de certains textes. Avec Cynthia Fleury, ces possibles entraves volent en éclat, l’abord y étant écrit de manière claire et limpide, les aspects du travail du philosophe présentés méthodiquement et sans verbiage, sans cette logorrhée qui n’est souvent présente que pour satisfaire l’ego du scripteur. Ici, le rapport au lecteur est de l’ordre du partage de l’intérêt évident que la philosophe porte aux raisonnements, aux intuitions aussi de Jankélévitch. En voici quelques exemples.

« Ne manquez pas votre unique matinée de printemps », cette phrase extraite du Je ne sais quoi et le Presque rien, Cynthia Fleury en dit « qu’elle manie l’évidence et l’énigmatique, signe le renouveau mais aussi la disparition, la grâce et la gravité, un certain lyrisme ». Cette phrase « condense toute la philosophie, métaphysique et morale, et donc politique de Jankélévitch », ajoute-elle. Une injonction qui interpelle le sujet, vous, moi, en écrivant ne ratez pas, ne perdez pas, un impératif qui indique aussi que c’est ici et maintenant, « c’est à saisir, il faut être plus rapide que le temps, car le temps file, irréversiblement ». Enfin le printemps comme symbole du commencement, du seuil inaugural de la décision : c’est l’énergie vitale de Jankélévitch, cet héritage de Bergson qui infuse toute sa pensée.

Apologie de Socrate, Platon (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 07 Décembre 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Apologie de Socrate, Platon, Folio, avril 2023, trad. grec ancien, Léon Robin, Joseph Moreau, 80 pages, 3,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Zut, un livre dont le héros meurt à la fin ! Oui, mais quel héros ! Celui de la pensée libre de toute convenance, de toute contrainte, de tout désir autre qu’exister et se perpétuer dans la vérité ! Plus sérieusement, l’Apologie de Socrate est un des « dialogues socratiques » de Platon, celui qui présente le plaidoyer de Socrate lors de son procès en -399. Ce plaidoyer, parfaite machine argumentative qui malheureusement ne convaincra pas les citoyens athéniens, s’articule en trois parties : le plaidoyer à proprement parler, la plus longue ; le « débat contradictoire sur la peine », Socrate ayant été jugé coupable ; enfin, la réaction de Socrate face à la peine choisie, c’est-à-dire la mort.

Ici n’est pas le lieu d’une exégèse philosophique ou d’un commentaire sur les tenants et aboutissants historiques du procès de Socrate ; ici est le lieu de relever dans ces quelques pages la fulgurance qui les rend toujours indispensables aujourd’hui ; ici est le lieu de célébrer la liberté avec laquelle Socrate défend la vérité au risque de sa vie.

L’art et son miroir, Hubert Haddad (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 05 Décembre 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Zulma

L’art et son miroir / Hubert Haddad / Editions Zulma Essais / 624 pages / 26,50€ / Octobre 2023 . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Effets de miroirs

 

D’emblée, l’ouvrage de Hubert Haddad « L’art et son miroir » nous conduit à l’essentiel, le premier texte s’intitulant « Sans préambule ». Pas de fioritures, ni de préliminaires, donc, il faut aller au cœur de l’œuvre d’art. Ce qui frappe en premier lieu, selon lui, c’est la profusion des œuvres, celles des musées où se célèbre une « grand-messe ininterrompue », celles des collectionneurs dont la quête a « quelque chose de pathétique », celles encore d’Internet « encyclopédie dédalique » où la moindre œuvre est répertoriée et à portée de clic. Que penser de toute cette profusion ? Est-ce un « sanctuaire déconsacré » selon l’antienne malrucienne, une « divine brocantaille », ou encore un ensemble de « butins de guerre, contrebandes royales, pillage des colonialisme, potlatchs diplomatiques » ? Derrière toute cette corne d’abondance qui dégueule de partout, il y a le geste créateur sur lequel s’interroge Hubert Haddad.

Dialogue, Primo Levi, Tullio Regge, Les Belles Lettres, édition Ernesto Ferrero (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Novembre 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les Belles Lettres

Dialogue, Primo Levi, Tullio Regge, Les Belles Lettres, édition Ernesto Ferrero, avril 2023, trad. italien, Renaud Temperini, 104 pages, 11,50 € Edition: Les Belles Lettres

En 1959, un chimiste anglais, Charles Percy Snow (1905-1980) prononça une conférence retentissante intitulée « Les deux cultures », dans laquelle il décrivait (pour le déplorer) l’éloignement croissant, au sein de la civilisation occidentale, de la sphère technico-scientifique et du monde des humanités. Disons que, si les scientifiques en général et les plus grands d’entre eux en particulier, disposent souvent d’une bonne, voire d’une excellente culture littéraire, l’inverse est rarement vrai. George Steiner l’avait regretté de façon amère : « Aujourd’hui, la grande aventure de l’âme, ce sont les sciences qui se trouvent placées devant les trois portes – ne disons pas ultimes mais phénoménales : réussir à créer de la vie humaine complètement in vitro, et à la cloner ; comprendre ce qu’est le moi, la conscience […] ; découvrir les limites de l’univers en déterminant quand a commencé le temps (les recherches comme celles de Stephan Hawking). Devant de telles questions, que voulez-vous, j’éprouve un certain ennui à lire un roman sur le thème d’un adultère à Neuilly. Les écrivains de nos belles-lettres ne veulent pas suer un peu, faire le boulot pour avoir une approche, même la plus rudimentaire, de l’univers de l’imagination dans les sciences et de cette poétique de l’énergie pure qu’on y trouve »

Francis Ponge, Philippe Sollers, Correspondance 1957-1982, Didier Alexandre, Pauline Flepp (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 09 Novembre 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Francis Ponge, Philippe Sollers, Correspondance 1957-1982, Didier Alexandre, Pauline Flepp, Gallimard, Coll. Blanche, juin 2023, 528 pages, 32 € Edition: Gallimard

 

« De l’aveu de Ponge, la lettre n’est donc parfois qu’un pis-aller au silence, ce « silence-quant-aux-conversations-ou-aux-lettres-banales-qui-les-remplacent », que la rencontre physique peut, elle, accueillir, puisque rue Lhomond les deux amis fument, se taisent, écoutent sur le vieux gramophone les disques de Rameau apportés par Sollers… » (Présentation, Didier Alexandre et Pauline Flepp).

« La journée d’hier fut donc enchantée, abricotée, comme par une très intime réussite » (Philippe Sollers à Francis Ponge, Vendredi 28 février 1958, Ph. Joyaux (extrait).

« Le triomphe final (et prochain je le crois) du Parc est certain. La merveille est d’avoir réussi à faire virer tant de richesse (tant de beaux détails) à l’harmonie. Cela ne se pouvait que par une organisation rigoureuse, fine et cachée » (Francis Ponge à Philippe Sollers, Paris, jeudi 12 octobre 1961 (extrait).