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Critiques

Scholomance, Tome 1 Éducation meurtrière, Naomi Novik (Par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Scholomance, Tome 1 Éducation meurtrière, Naomi Novik, éd. J’ai Lu, avril 2023, trad. anglais (USA) Benjamin Kuntzer, 384 pages, 8,60 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

La carrière éditoriale de l’Américaine Naomi Novik vient d’entrer dans une troisième période. La première fut celle de la remarquable série Téméraire (2006-2016), une rencontre en neuf tomes entre Cecil Scott Forester et Robin Hobb, pour faire très bref. La deuxième fut composée de deux romans sublimes : Déracinée (2015) et La Fileuse d’argent (2018), deux histoires qui plongeaient dans le folklore de l’Est de l’Europe, tant yiddish que slave, proposant chacune la destinée d’une jeune femme confrontée à une magie terrifiante et pourtant magnifique ; deux romans multi-primés, deux chefs-d’œuvre d’une fantasy plongeant aux racines du genre, en l’occurrence le conte (dans le genre, on ne voit que la Trilogie d’une nuit d’hiver de Katherine Arden à posséder autant de grâce et de puissance narrative).

La Maison, Julien Gracq (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Editions José Corti

La Maison, Julien Gracq, éditions Corti, avril 2023 (récit inédit, incluant le récit, son manuscrit et la postface), 77 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

La Maison, ce titre banal et qui recouvre un terme familier, rassurant. Un abri, une terra cognita. Dans ce court récit, Julien Gracq ménage la montée en puissance de l’inconnu, de l’autre côté des choses.

La maison à la façade austère, biscornue, mangée de végétation dont pourtant elle ne cesse d’émerger, là où rien ne paraît habitable, où tout se retranche, du paysage et de la vie, la maison symbole de stabilité, de durée, de plain-pied, reprise par les herbes folles, les lierres et la végétation accrochés à elle sans pour autant la faire sombrer, peu à peu s’anime.

Pour le narrateur, il s’agit d’en avoir le cœur net – belle expression pour ce cheminement à travers paysages et climats variés sur une distance pourtant très restreinte, pour cet égarement, puisque cette entrée en matière, où celui qui guette, qui chasse, à l’affût, se mue peu à peu en proie, et le pouvoir, la force d’attraction de la maison en guet-apens.

Hommage à Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Gallimard

Edition: Gallimard

Photographie Francesca Mantovani © Éditions Gallimard.

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Je ne tiens pas du tout à mourir, mais, s’il le faut physiquement, j’accepte, comme prévu, qu’on enterre mes restes au cimetière d’Ars-en-Ré (Sollers en Ré), à côté du carré des corps non réclamés, des très jeunes pilotes et mitrailleurs australiens et néo-zélandais, tombés là, en 1942 (pendant que les Allemands rasaient nos maisons), c’est-à-dire, pour eux, aux antipodes ;

Simple messe catholique, à l’église Saint-Etienne d’Ars, XIIe siècle, clocher blanc et noir servant autrefois d’amer aux navires, église où mon fils David a été baptisé ;

Sur ma tombe, 1936-20…, cette inscription : Philippe Joyaux Sollers, Vénitien de Bordeaux, écrivain ;

Si un rosier pousse pas trop loin, c’est bien. (Philippe Sollers).

Philippe Sollers, que nous pensions immortel, s’est éteint. C’est une perte immense pour la littérature et pour l’édition. De Tel Quel à L’Infini, d’Une curieuse solitude (1958) à Grall (2022) qui s’ouvrait sur cette parole de Jean : « Alors entre aussi l’autre, arrivé le premier au tombeau. Il voit, et il croit », il aura marqué son temps, qui est devenu le nôtre.

Divorce à l’anglaise, Margaret Kennedy (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La Table Ronde

Divorce à l’anglaise, Margaret Kennedy, La Table Ronde, avril 2023, trad. anglais, Adrienne Terrier, Anne-Sylvie Homassel, 396 pages, 24 € Edition: La Table Ronde

« Eliza […] se rendait compte – peu à peu mais irrémédiablement – que les Canning ne formaient plus une famille. Ils étaient désormais cinq individus sans existence commune ».

 

Ce que divorcer veut dire

Sur la couverture, dessinée par Mathieu Persan – jaune sur fond vert, un vert de la crudité des impeccables pelouses britanniques – deux fauteuils vides, dos à dos, et des nuages derrière les fenêtres interrogent : faut-il persister, malgré le confort qu’elle procure, dans la vie commune si celle-ci n’est devenue qu’un décorum au parfum étouffant comme celui d’un bouquet disproportionné ? Alec et Betsy Canning ont décidé que non. Ils vont donc divorcer. Betsy l’annonce par lettre à Mrs Hewitt, sa mère. Et voilà qu’une situation claire et simple, un divorce à l’amiable, se transforme en affaire assez complexe pour qu’il y ait de quoi en faire un roman tragi-comique dans lequel l’auteur ne discute pas le bienfondé de ce divorce ni du divorce en général mais s’attache à explorer, avec minutie, ce qu’est psychologiquement, socialement et matériellement, un divorce.

Faits divers, Bernard Delvaille, Seghers, 1976, repris dans Œuvre poétique (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 24 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

Faits divers, Bernard Delvaille, Seghers, 1976, repris dans Œuvre poétique, La Table Ronde, 2006, 487 pages, 29 € Edition: La Table Ronde

Notule sur Faits divers de Bernard Delvaille

 

À la mémoire de Dominique Preschez (1954-2021)

 

Avec Faits divers, Bernard Delvaille, né en 1931 à Bordeaux (comme Jean de la Ville de Mirmont) et mort à Venise en 2006 (comme Frederick Rolfe), essayiste et diariste de talent par ailleurs (1), a sans doute publié son recueil le plus personnel et abouti, sinon le plus accessible. Les quelque soixante poèmes qui composent le livre sont courts, voire lapidaires (une vingtaine de vers pour les plus longs). Le vers se caractérise lui-même par sa brièveté, réduit à trois ou quatre mots. Cette disposition, jointe à l’irrégularité rythmique, à l’absence de titres (à de rares exceptions près), de ponctuation et de rimes, au relâchement épisodique et délibéré de la syntaxe, donne à la voix de l’auteur un ton vite identifiable.