Identification

Critiques

Œuvres complètes I, Roberto Bolaño (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, L'Olivier (Seuil)

Œuvres complètes I, février 2020, trad. espagnol (Chili) Robert Amutio, Jean-Marie Saint-Lu, 1227 pages, 29 € (25 € jusqu’au 31 août 2020) . Ecrivain(s): Roberto Bolaño Edition: L'Olivier (Seuil)

 

« Celui qui cligne des frontières s’appelle Destin

mais moi je l’appelle Petite fille Folle.

Celle qui court très vite sur les lignes de ma main

s’appelle Destruction

mais je l’appelle Petite fille Silencieuse

Avui i sempre,

Amics ».

 

Les Editions de l’Olivier se lancent dans une étourdissante aventure éditoriale : publier l’ensemble des poèmes, des courtes histoires et des romans de Roberto Bolaño, qui doit s’achever en 2022.

Hank Stone et le cœur de craie, Carl Watson (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman

Hank Stone et le cœur de craie (Hank Stone and the Heart of Chalk), Carl Watson, éditions Vagabonde. Traduit de l’américain par Brice Matthieussent. 63 p. 7,50 €

 

Une novella peut-être, un très court roman qui laisse sous le coup le lecteur incrédule. La puissance de ces brèves de quartier, d’un immeuble, le Stratford Arms – le héros vit, regarde et raconte ce qu’il voit de la fenêtre de son appartement – est proprement extraordinaire. Et c’est pourtant de l’ordinaire qu’il s’agit, de gens ordinaires, dans des scènes ordinaires, dans un quartier ordinaire de … New York peut-être ou bien ailleurs, partout.

Hank Stone est un regard et une oreille. On ne saura rien de plus de lui. Ni son allure, ni son métier (travaille-t-il ou passe-t-il tout son temps à regarder à travers sa fenêtre ?), ni ses pensées, ni ses émotions. Non. Juste un regard et une oreille. Sans le moindre commentaire. Il est difficile de ne pas évoquer le Grand Raymond Carver dans ce parti pris d’objectivation des scènes, dans cette mise à distance du vécu. Les bruits et les lumières/ombres peuplent ces brèves, les emplissant d’une inquiétude permanente, d’une tension dont il faut tenter de trouver l’origine. Des obsessions de Hank Stone sûrement. Son regard est panoptique, son écoute hyper perceptive. Il y a dans ces obsessions la fiche clinique d’un paranoïaque qui regarde le monde comme si, de chaque personne, de chaque objet, de chaque scène ordinaire pouvait surgir soudain, terrible et menaçante, une horreur.

Les Vagues, Virginia Woolf (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 28 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Le Livre de Poche

Les Vagues, trad. Marguerite Yourcenar, 320 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Virginia Woolf Edition: Le Livre de Poche

 

Dans son journal, Virginia Woolf a noté : « Il y a peu de livres que j’aie écrits avec autant d’intérêt que Les Vagues. (…) Je trouve que cela valait la peine de lutter ». Est-ce à en déduire que la rédaction de ce roman fut une véritable épreuve pour l’écrivaine ? Et d’ailleurs, est-ce un roman, comme on peut se poser la question pour d’autres œuvres de Virginia Woolf ?

Dans tous les cas, il est intéressant de relever une contradiction : se donnant pour but de représenter « la vie elle-même qui s’écoule », la romancière a vraisemblablement eu à se battre pour exprimer les mouvements d’une fluidité propre à l’eau. Cependant, à la façon d’un musicien qui doit lutter longtemps avant de donner naissance à une virtuosité sans effort, Virginia Woolf honore ses intentions de départ : nous voguons, en effet, et le courant n’est pas particulièrement violent. On pourrait même déplorer une forme de lenteur, notamment dans la description des paysages qui ouvre chaque partie du livre (descriptions au reste composées comme de véritables tableaux).

L’Artiste en petites choses, Patrick Reumaux (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 28 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Récits

L’Artiste en petites choses, Patrick Reumaux, Klincksieck éditions, coll. De Natura Rerum, janvier 2020, 248 pages, 21 €

 

L’Artiste en petites choses est un recueil de souvenirs. Il y est question de l’enfance, des demeures de l’auteur, des amitiés, des figures familiales, d’animaux, de plantes, de mycologie, de littérature…

Ces miscellanées de la mémoire prennent la forme de fragments racontant une scène ou une anecdote, déployant une rêverie ou une pensée. Leur succession obéit à un ordre qui nous échappe et ne doit rien à la chronologie : les temporalités se confondent en « un temps qui n’est ni le temps ni la durée, mais quelque chose comme une figure courrière de l’éternité ». C’est qu’elle n’importe guère, la chronologie, pas plus que la vérité ou la réalité des faits. Non que l’auteur ne soit pas précis, pas exact : il l’est, rigoureusement. Il ne raconte pas non plus le moindre mensonge. Parfois, peut-être, il conte des songes, lorsqu’il ranime certains souvenirs, certaines visions, qui sont nimbés d’onirisme et enluminés d’une aura fantasmagorique. Mais rien n’est plus réel, plus vrai, plus fidèle, que ces songes, dès lors que ce qui compte, ce sont les impressions, empreintes et gravures de l’âme, et le sens toujours provisoire et parcellaire qui leur est donné. Dès lors, aussi, que l’on admet les fluctuances et les errances de la mémoire, son étroite connivence avec l’imagination – aujourd’hui attestées.

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, Jean-Louis Bernard (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone Coll. Surya, 2019, 64 pages, 17 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard

 

 

Le nouveau recueil que nous livre aujourd’hui Jean-Louis Bernard se compose de 54 poèmes qui sont à vrai dire des textes en prose dont certains, au nombre de 10, abritent en leur sein un poème proprement dit. Faisant fi des distinctions traditionnelles pour aller à l’essentiel, là où se nouent énergie et rythme, images et sons, le poète, par ce recours à la prose, loin de diluer la concentration et la puissance de ses mots (telles qu’elles apparaissent dans ses précédents titres, A l’ordre de l’oubli, et Ce lointain de silence, dont on trouvera ici la critique), au contraire les déploie dans un nouvel espace. Car, si l’on y retrouve, comme dans toute œuvre élaborée, ses thèmes récurrents, l’absence, le silence, le paradoxe du langage qui dit et ne dit pas, ils se trouvent cette fois pris dans une perspective plus large qui les propulse, les enrichit, et les consacre.