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Poisons de Dieu, remèdes du Diable, Mia Couto

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 15 Février 2013. , dans La Une Livres, Afrique, Les Livres, Recensions, Langue portugaise, Roman, Métailié

Poisons de Dieu, remèdes du Diable, traduit du portugais (Mozambique) Elisabeth Monteiro Rodrigues, Janvier 2013, 167 p. 17 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

 

On entre en littérature portugaise par la plus belle langue du monde, la plus musicale, entre graves et moelleux, la plus dépaysante à regarder habiter les pages, à l’image de ce pays unique. On y entre souvent par son grand (le plus grand ?) écrivain : Antonio Lobo Antunes, le maître du « Barroco », et sa perle étrange des livres et de l’imaginaire… on y voyage – n’est-ce pas le pays des Grandes Découvertes ? parfois, au fin fond de l’Afrique colonisée si tard (le dernier pays à avoir « rendu les clefs », fut en effet le Portugal)…

Ce petit et dense livre est à l’image, et du pays, de son Histoire, et de sa littérature. C’est bien un livre qui sonne portugais, mais vu, écrit d’ailleurs, du coup, étrange. De ces terres, anciennes colonies du bas d’une Afrique qui semble vivre à un autre rythme : le Mozambique. Pas l’Angola dans les griffes d’une infinie violence, perpétuelle et culpabilisante, du Cul de Judas de Lobo Antunes, justement. Un Mozambique calme – immobilité d’alizés – post-colonial, relié encore à sa métropole d’antan, par une corde usée, dépenaillée, mais solide, comme ces bateaux colorés qui brinqueballent à Nazareth ou ailleurs… relié, à l’évidence, surtout par la langue et la langueur de son écriture, plus, ça et là, quelques effluves de mélancolie.

Madame Bovary, maniaco-dépressive ?

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 08 Décembre 2012. , dans La Une CED, Les Chroniques

On a tous nos humeurs ; la bonne – recherchée, se faisant rare de nos jours – la mauvaise, devenue si banale, facteur d’explication de tout un peu. Le bonheur, la tristesse ou la colère de nos « hauts et de nos bas » finit par se confondre avec notre quotidien : « je suis basse, aujourd’hui ; moral dans les chaussettes ! ». Rien à voir, pourtant avec ces autres hauts, ces autres bas : ceux d’une personne atteinte – dûment repérée médicalement – d’une maladie bipolaire, ou manie dépression ; alternance pathologique de périodes d’accélération, d’intense exaltation, avec des dépressions abyssales. Causée par des modifications de la chimie du cerveau, avec, du coup, incriminée, une combinaison de gènes à caractère familial, c’est, de nos jours une maladie invalidante, sévère, mais rémissible et traitée.

Flaubert, en écrivant son « Madame Bovary », en a fait un prototype de dépressive – bien autre chose, déjà, qu’une simple déprimée. Quand on dit de quelqu’un : « c’est une Bovary », s’inscrit aussitôt en fond d’écran la mélancolie d’une province qui s’ennuie ; un automne trop mouillé, le soir qui tombe tôt, le silence qui entrecoupe de chiches conversations au coin d’une cheminée, dans laquelle le feu s’étiole aussi ; l’insupportabilité des lieux, des choses, des gens… bref, tout ce qui fait qu’on « bovaryse ». Mot, du reste, réservé au genre féminin, associé, sans doute dans l’imaginaire collectif, aux fluctuations brusques et imprévisibles de l’humeur, aux larmes (non, aux pleurnicheries), à l’instabilité… alors que le mâle, lui, est solide et raisonnable, accroché au réel – l’autre, décrochant et rêvant…

Arguments d'un désespoir contemporain, Richard Millet

Ecrit par Martine L. Petauton , le Dimanche, 01 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Hermann

Arguments d’un désespoir contemporain, 156 p., 18 euros. . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Hermann

C’est un livre à l’image de ces eaux noires, vivantes par en-dessous, mais presqu’immobiles à l’œil ; mystérieuses, attirantes ; celles qui essaiment sur le grand plateau de Millet : Millevaches - Millesources. On les regarde, partagés entre fascination et crainte ; elles font partie d’un autre nous, lointain ; elles murmurent les origines ; elles n’invitent pas à la baignade…
Un essai, ce petit livre dense ? C’est à la fois plus vivant et plus personnel – l’homme, l’écrivain habitent chaque page, en une genèse pudique et un peu austère – on imagine qu’on aurait pu l’intituler : « souffles », « cri », ou simplement « dires ».
C’est âpre, rugueux comme le granite, bousculant comme le « Jean d’Auvergne » qui sature le Limousin en hiver ; en même temps, le son a la pureté d’un cristal. On retrouve, là, dans cet « arguments… » l’itinéraire et l’œuvre de cet auteur, définitivement haut perché, à part, dans la grande littérature.
Livre d’amour de la littérature et de la langue, qu’il faut mériter, et, pour moi, le chemin a été dur, car il faut en passer par deux ou trois choses qui sont en Millet, qui le façonnent, qu’on sait de lui, qu’on n’aime pas vraiment ! « la foule… relents de produits de chez Mac Donald… diverses sortes de métis… créolisation générale… vacarme ».