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Le chien de nuit, Roger Béteille

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 04 Juin 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Rouergue

Le chien de nuit, mars 2014, 327 pages, 20 € . Ecrivain(s): Roger Béteille Edition: Le Rouergue

 

Il est des livres qui emmènent, loin, profond, et dès la première page. Ce sont ceux – rares – qu’on part retrouver, dès qu’un moment se présente, comme on irait se ressourcer dans un coin de campagne, un peu secret, rien qu’à soi. Il est des livres qui sont simplement un bonheur de livre. Celui-là, par exemple.

Le Rouergue des Grands Causses, au-delà de Millau ; les grands domaines (beau nom de celui de Roqueserre) comme autant de châteaux forts, gardés par des chiens de garde, la nuit ; juste à deux pas de la fin de la Grande Guerre. Un jeune homme, revenu – meurtri, comme tant d’autres ; sa mère et ses gens se coltinant aux dolines, aux moutons ; un projet de mariage – enfin d’apariage entre domaines ; quelques gars cassés – cet amputé, Antoine – par la grande boucherie ; deux institutrices… Un beau sujet. De quoi bâtir un roman de genre historique/terroir, collection « du pays de ».

Et puis, il y a ce Chien de nuit et cet écrivain, Roger Béteille, et c’est bien autre chose !

Un bon fils, Pascal Bruckner

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 12 Mai 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Grasset

Un bon fils, février 2014, 250 pages, 18 € . Ecrivain(s): Pascal Bruckner Edition: Grasset

 

« On appartient au monde qu’on a fait, pas à celui d’où on vient ».

Depuis quelque temps – il en fallait, du temps ! – les publications prolifèrent, ainsi que les témoignages-coups de poing, sur ces enfants de collaborateurs déclarés ; ceux qui se sont « mangé » le père facho, le traîneur des rues de Sigmaringen, l’antisémite bien marqué à la Céline – le talent en moins, souvent. On a lu Marie Chaix et ses Lauriers du lac de constance, plus récemment ce Gérard Garouste sorti de ses chefs d’œuvre tourmentés pour décliner dans L’intranquille son insupportable paternel, qui le traitera d’« enjuivé ».

Ils ont eu la totale, les gamins, et plus tard, les adultes issus de là : ces pères ; la violence conjugale, le plus souvent, à la hauteur d’une haine des autres jamais assouvie ; le prosélytisme féroce en guise d’instruction civique, et ces Juifs emportés jusqu’au bout de leur vie ; boucs-émissaires dont le noir, comme on dirait de la lumière stellaire, brilla au-delà même de leur propre mort… Il est des enfers dont on sort, ô combien plus difficilement que le grandir de tout un chacun – disent tous ces échappés, Pascal Bruckner en remarquable porte-drapeau :

No Sex, Tim Parks

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 08 Mai 2014. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman

No Sex, traduit de l’anglais par Isabelle Reinharez, février 2014, 268 pages, 22 € . Ecrivain(s): Tim Parks Edition: Actes Sud

 

 

Il est des livres qui nous attachent par une écriture sans pareille – celle qui ne parle qu’à nous ; d’autres par un format, une syntaxe qui nous agrippent ; d’autres encore, c’est une histoire, un récit comme on dit, « prenant » ; on peut encore succomber à des personnages, des lieux, un autre temps…

No Sex, c’est avant tout l’histoire, un documentaire parfaitement boulonné, animé, serré comme café noir, et – Tim Parks, et son art abouti ! – tout le reste en attelage…

No Sex emballe et tant, qu’on laisse volontiers le monde continuer sans nous ! Livre à part ; histoire à part, et une Beth anglaise (« tu as l’air d’un génie échappé d’une bouteille… les cheveux en bataille, de grandes dents… des nichons fantastiques ») unique dans le paysage romanesque.

Au départ d’Atocha, Ben Lerner

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 03 Mai 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

Au départ d’Atocha, traduit de l’anglais (USA) par Jakuta Alikavazovic, février 2014, 206 pages, 21 € . Ecrivain(s): Ben Lerner Edition: L'Olivier (Seuil)

 

« Le héros de Ben Lerner restera une voix incontestablement singulière… ». C’en est une autre, inoubliable – celle de Paul Auster – qui le dit. On a envie de lui faire confiance en mettant le pied dans ce livre « singulier ». On ne le regrette pas !

L’histoire tient dans le sac de voyage vite bouclé que le héros traîne partout avec lui. Un américain – époque Bush 2 – est en résidence à l’ombre d’une confortable bourse (et de la carte bleue – pour urgences – de papa, maman) à Madrid. Il est enregistré « poète » et doit au bout de son année maîtriser l’Espagnol. Il loge quelque part au-dessus de la Plaza Santa Ana, boit à toute heure, grappille des tortillas, et surtout fume des joints. Un remake littéraire de L’auberge espagnole, avec Romain Duris dans le rôle-titre ? Pertinent, souventes fois ; en moins léger, pourtant ! Car, important, aussi, le gars est  bipolaire sujet aux crises d’angoisse, et ne fait rien sans « ses pilules blanches… après des heures à réécrire des poèmes, je fondais soudain en larmes, le visage enfoui dans une serviette pour ne pas déranger les voisins, ou, en sortant pour acheter des cigarettes, du vin ou du shit, je ressentais un léger clivage et le monde s’incurvait aux angles ». Voilà l’histoire.

La porte souterraine, Etienne Raisson

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 02 Mai 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Gallimard

La porte souterraine, janvier 2014, 127 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): Etienne Raisson Edition: Gallimard

 

Si jeune, Etienne Raisson, et pourtant capable de nous offrir ce petit – joyau – le mot s’impose. Maîtrise littéraire, originalité, atmosphère et rythme. Tout nous séduit, nous emporte. Incontestablement, un univers, qu’on n’oublie pas et qu’on garde – un peu secret, en nous, comme pour certains recueils de poèmes très aimés… une « Porte souterraine » qu’on pousse avec le plus grand bonheur.

Chaque nouvelle – le genre le veut – et on sait à quel point il est exigeant – est ciselée comme un bijou à part : ses lieux (le midi moins le quart du Quercy, qui semble connu comme une deuxième peau ; l’Amérique ; celle de l’Histoire du Far West et les flopées d’images – vraies ou moins, qui vont avec, qui nous éclaboussent, comme une résurrection rêvée par l’enfant-Raisson, pas si loin) ; ses « gens », ceux qui appartiennent à Etienne (ou, du moins on le croit) ; grands-parents, parents, copains, dont il dit parfois beaucoup, et d’autres, pas plus que ça ; monde du travail, des émigrés, du chômage de ce temps…