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Intérieur, Thomas Clerc

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 16 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Roman, Gallimard

Intérieur, Gallimard l’arbalète, Juin 2013, 386 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Thomas Clerc Edition: Gallimard

 

Conseil : ne pas laisser traîner ce livre, n’importe où, exposé à l’œil curieux de vos visiteurs… le risque serait trop grand de la salve des « quoi !!! c’est fou ce bouquin ? Tu appelles ça comment ? de la littérature !! »… et d’accompagner le commentaire de rires qui vous moqueront encore, la nuit tombée.

Cet Intérieur est effectivement fou, parfaitement inimaginable, et totalement littéraire. Une sorte d’épice nouvelle jamais goûtée et définitivement adoptée.

Explication qui vaut baptême : l’auteur « a passé ses premiers mois rue de Lille, et se souvient d’avoir entendu, bébé, les plaintes des analysants de Jacques Lacan, dont le cabinet était proche, puis d’avoir habité plus tard rue de Quatrefages, où il reçut les voix de Georges Perec, et de ses Choses, avant d’aménager le 11 Septembre 2001 dans son intérieur… ». 50 m2, rue du Faubourg Saint Martin, et presque 400 pages de… visite ? certainement pas, plutôt de parcours initiatique dans le chez lui de Thomas Clerc. « Autobiographie d’une maison », nous est-il dit.

Le cas Eduard Einstein, Laurent Seksik

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 01 Octobre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Flammarion

Le cas Eduard Einstein, septembre 2013, 294 pages, 19 € . Ecrivain(s): Laurent Seksik Edition: Flammarion

 

Laurent Seksik connaît bien Albert Einstein, le père d’Eduard, dont il a rédigé une biographie, et les fils et les pères sont souvent son affaire, comme en atteste La légende des fils, un de ses – beaux – et précédents romans. Médecin, la notion de « cas » fait évidemment partie de son univers. Mais, est-ce vraiment cela qui explique la réussite de ce roman-ci ? Fallait-il seulement l’expertise biographique et scientifique pour – à ce point – emporter le lecteur dans la noria à la fois sobre et dense des émotions qu’on garde une fois le livre refermé…

Voyage terrible que celui qu’on commence, accompagnant une mère, abandonnée de son mari, « déposant » au fond d’un asile de Zurich un fils psychotique, probablement schizophrène : Eduard (« ses grands yeux clairs toujours perdus dans le vide »), le cadet d’Albert Einstein et de Mileva. On est en 1930 ; il n’en sortira plus : « Jusqu’alors, elle n’avait pas pleuré. Elle n’était pas encline à la tristesse. Seule, la peur occupait ses pensées, une frayeur immense, une terreur de mère ».

Courir sur la faille, Naomi Benaron

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 23 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, USA, 10/18

Courir sur la faille, traduit de l’anglais (USA) par Pascale Haas, août 2013, 476 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Naomi Benaron Edition: 10/18

 

 

Métaphore du titre. Courir, donc survivre, ou bien, fuir ; sur la faille, la béance ouvrant sur l’enfer du Rwanda face à son génocide. 1994, date arrêtée, pour l’Afrique et le monde, à la page définitivement noire-suie de l’indicible du genre qu’on dit, humain…

Premier roman de Naomi Benaron, scientifique, écrivain, marathonienne américaine, Courir sur la faille est un – le, peut-être – coup de poing de la rentrée. Un livre qui confisque le souffle, prend aux tripes, noue le ventre ; un livre unique qui demande à son lecteur de le lire, comme l’athlète, à grandes foulées, surveillant les pulsations du cœur, maîtrisant, s’il veut arriver au bout, le sang qui monte, les yeux qui fondent, l’intellect qui lâche… Ce livre – un des rares – qui nous fait nous relever la nuit, pour aller plus loin avec lui… mais en renâclant, limite refus ; faut-il lire encore, savoir ce que on sait déjà…

Dis-leur qu’ils ne sont que cadavres, Jordi Soler

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 19 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Roman, Belfond

Dis-leur qu’ils ne sont que cadavres, traduit de l’espagnol (Mexique) par Jean-Marie Saint-Lu, septembre 2013, 236 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jordi Soler Edition: Belfond

 

Eh bien, voilà un livre à plusieurs entrées – toutes, portes riches –, qui nous permet ainsi, plusieurs voyages. Pas vraiment étonnant, avec la signature poétique, et burlesque de Jordi Soler – un des grands noms de la littérature espagnole actuelle ; un barroco à la hauteur des grands retables de Salamanque.

Il y a l’entrée – Irlande ; magnifique, musicale, éclairée, comme il se doit par cet Irlandais d’adoption qu’est J. Soler, qui vous la décline à tous les parfums de l’infini de ses bières : « la tourbe… est vendue en lingots sombres dans les supermarchés, se place dans la cheminée ou le poêle, comme si c’était un tas de rondins ». Odeurs, pluie, une Irlande-de-livre…

Il y a l’entrée – Mexique ; couleurs violentes d’un baroque bavard et mystérieux, dans lequel, par moments, passe le souvenir de cet autre hispanisant, l’écrivain chilien Hernan Rivera Letelier, dans son inoubliable Art de la résurrection. Soler, là encore, est en pays de connaissance ; il est de ce pays.

Septembre ! Septembre !, Emmanuelle Maffesoli, Clément Bosqué

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 12 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Roman, Léo Scheer

Septembre ! Septembre !, 12 septembre 2013, 262 pages, 19 € . Ecrivain(s): Emmanuelle Maffesoli, Clément Bosqué Edition: Léo Scheer

 

Un premier roman ; un Léo Scheer-éditeur souvent inspiré ; un titre et ses deux points d’exclamation comme une scansion un peu étrange ; cela suffit peut-être au cœur de l’été pour tenter le voyage… et pour en ressortir tout simplement heureux, ce petit livre restant en mémoire comme une promesse de qualité pour le Septembre littéraire à venir…

Ils sont deux auteurs – mystère de leurs pattes respectives… – pour un seul petit fleuve de pages qui, fièrement, ne ressemble à – presque – rien d’autre. Court et riche ; couleurs qu’on imagine entre vert et gris – la Seine, probablement ; récit à la fois tonique et murmurant ; quelques forts personnages jouant au bord… une balade des « jeunes du temps actuel », osons ! L’écriture est maîtrisée, juste classique ce qu’il faut ; elle sert cette petite histoire à merveille comme une petite sonate ciselée.

Paris – belle escapade qui ravira ceux qui l’aiment, de la Grande Bibliothèque aux quais de Seine ; la place de la Nation à contre-jour ; Notre-Dame en fond d’écran ; rues, échoppes, quartiers… huit clos d’appartements à peine boboïsés : « il avait envie, très envie de couvrir de son allure, comme un loup son enclos, ce territoire large, cet enchevêtrement de gris d’huitre et de jaune d’œuf qu’est Paris… ».