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Soleils chauves, Anise Koltz

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 06 Juin 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Arfuyen, Poésie

Soleils chauves, Editions Arfuyen, 2012, 10 € . Ecrivain(s): Anise Koltz Edition: Arfuyen

Filiation à propos d’Anise Koltz


Entrer dans ce livre par un poème qui semble avoir des relations avec le Paysage aux arbres verts de Maurice Denis, ouvre la porte poétique et intrigante, spirituelle et rêveuse de ce recueil au drôle de titre. D’ailleurs, ce dernier livre d’Anise Koltz est illustré par un détail de la Campagne romaine de Schirmer qui donne selon moi le ton général à cette suite de poèmes assez courts dont le propos est resserré. On y voit de petits monticules de terre peints avec de l’ocre brûlé sur un fond de ciel rose thé, sorte de dolmens, de stèles, vue profonde sur le Latium. J’écrivais il y a peu à Gérard Pfister, le directeur de la maison Arfuyen – qui suit le travail d’Anise Koltz depuis plusieurs années –, que ces stèles donnaient une impression nocturne, de monde déserté. Et, avec des petits instants pris dans le réel, cette série de 134 poèmes finit par se nouer autour de quelques thèmes, que je vais essayer de rendre visibles au lecteur.

Je, tu, il, Valère Novarina

Ecrit par Didier Ayres , le Dimanche, 15 Avril 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Arfuyen, Théâtre

Je, tu, il, editions Arfuyen 2012. 10 € . Ecrivain(s): Valère Novarina Edition: Arfuyen

La lecture de Je, tu, il a été tout de suite envahie par deux choses extérieures - tel que Michaux l'écrit si bien : Je cherche un être à envahir. Deux choses donc, le Relief à l'assiette de Jean Pougny (Ivan Puni, 1884/1956), et  le chapitre 1 de Matthieu. Pour la première occurrence, c'est sans doute à cause de la proximité de ce tableau et de la Danseuse de Jean Arp (1886/1966), dans un catalogue d'art moderne. Car il va d'évidence que l'univers plastique du livre avec des répliques comme : "Nous mangeons le carré, le triangle, le cercle et sa courbe, et nous mangeons le point" a un rapport avec Arp. Mais cet univers semble entretenir aussi une relation significative avec le tableau de Pougny, qui représente une assiette, sorte d'auréole blanche cerclée de vert amande en relief, accrochée sur un bois de tilleul sienne rouge, sorte de repas dernier ou encore de croix, de Cène ou de Golgotha.

En second lieu, la deuxième chose forte qui vient à l'esprit, et à diverses reprises au cours de la lecture, c'est la ressemblance assez vive avec l'énumération du chapitre 1 de Matthieu, où l'évangéliste décline l'identité du Christ depuis la genèse. C'est en fait un nom qui engendre un autre nom. Cela permet de voir aussi dans ce texte de Valère Novarina le corps, l'animal, la forme géométrique, des angles, l'intérieur de l'humain, des bouches, Isaac et Abraham, et diverses épithètes, dont il faudrait sans doute dresser la liste - on sait d'ailleurs que l'écriture a été inventée pour énumérer (et qu'elle a accompagné le développement d'une nouvelle zone du cortex cérébral).

Moi, Je, Zucco, Bernard-Marie Koltès

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Mars 2012. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

Une petite étude sur le Zucco de B.-M. Koltès


Pour comprendre Roberto Zucco, le héros éponyme de la pièce de B-M. Koltès, et si on fait le choix de ne pas s'en tenir uniquement à l'affaire Succo, la vraie affaire criminelle, il faut dire quelque chose sur l'identité. Identité, entendue ici, comme un processus, la projection d'un moi vers d'autres moi, où, Zucco cherche une issue à sa violence du dedans.


Il s'approche, la caresse, l'embrasse, la serre; elle gémit.

Il la lâche et elle tombe, étranglée.

Zucco se déshabille, enfile son treillis et sort.

Koltès, R. Z.; p. 18

Théographie de Mouchette de Robert Bresson, 1967

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 21 Février 2012. , dans La Une CED, Ecriture


Mère (marmonnant). Sans moi, que deviendront-ils. Ça me tient

jusqu'au milieu de la poitrine..., on dirait qu'en dedans c'est de la pierre.


Peut-être, cette première phrase de la Mère à l'église, qui sont les premiers mots du film, résume le projet global de l'oeuvre. Tout y est. C'est-à-dire l'importance d'une présence au milieu du réel, comme une caméra par exemple, et les deux questions de la chair et de Dieu, si vous voulez bien me suivre jusqu'à cette limite. Car, pour faire entendre un sens au-delà des simples faits que relate le film, il n'est besoin que d'une ligne, pour moi, ici, et au prix même de cette espèce de néologisqme bien pratique en ce cas, avec le vocable "théographie". Les critiques de cinéma sont bien sûr plus habilités à discourir, et il y a sans doute des hardiesses que je me suis permises, sans, je l'espère, me trouver pour cela en défaut. Mais, c'est le projet de théographie qui m'est venu à l'esprit dès que j'ai ouvert le scénario du film.

L'obscur travaille, Henri Meschonnic

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 02 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arfuyen, Poésie

L’obscur travaille, Ed. Arfuyen, Janvier 2012, Paris-Orbey, 98 p., 9 € . Ecrivain(s): Henri Meschonnic Edition: Arfuyen

Comment parler de la poésie sinon en faisant suivre les citations jusqu’à l’instant où il paraît possible que le poème se fasse entendre ? Pour ma part, j’ai toujours trouvé difficile d’écrire sur l’œuvre d’un poète, parce qu’il y a un feuilletage typique à la poésie, une épaisseur que l’on connaît, à la lecture, mais que n’arrive pas à rendre le flot continu de l’escorte du discours critique.

Cependant, rien n’empêche d’essayer. Et pour le cas présent avec le recueil d’Henri Meschonnic, L’Obscur travaille, publié cette année par l’éditeur Arfyuen, l’occasion est bienvenue. Et pour pallier aux questions que je soulevais dans mon introduction, j’ai pensé, un moment, faire une lecture approfondie du Meschonnic critique, qui œuvrait depuis 1970 dans le champ de la réflexion sur la littérature et la philosophie, en allant vers ses livres successifs autour de la poétique. Mais pour finir, et pour affronter seul à seul le silence et la quasi nudité des poèmes de cet ultime recueil, j’ai choisi la voie la plus simple, et j’ai lu, espérant pouvoir m’allier assez à l’auteur pour porter un peu de lumière sur les poèmes, sinon, sur la poésie.

Silence, donc, raréfaction des images, peu ou pas de couleurs ou de métaphores, et pour finir une impression de pas dans la neige – deux pieds de neige sur le plancher écrivait Kerouac –, d’une empreinte, laissée par un absent, de la nudité, du soustraire, la recherche d’une quintessence, d’une voix de dedans presque sourde car ténue, labile.