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Roman

La Prime Lumière, Emanuele Tonon

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 13 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Verdier

La Prime Lumière, mars 2016, trad. italien Laurent Lombard, 128 pages, 15 € . Ecrivain(s): Emanuele Tonon Edition: Verdier

 

La Prime lumière est le second roman d’Emanuele Tonon, et son premier traduit en français (de l’italien).

Ce texte autobiographique est le long cri lancé à la figure du monde d’un être désemparé et fou de désespoir après avoir perdu la seule femme qu’il ait aimée : sa mère.

A presque quarante ans, il a vécu à ses côtés les dix dernières années après être passé par le noviciat au couvent franciscain de Spello, sans se soucier jamais de savoir ce qu’il deviendrait sans elle. Cette mère éternelle dans son dévouement exclusif et total était, il est vrai, à peine âgée de soixante ans quand un accident vasculaire cérébral l’emporta.

Texte d’une intimité douloureuse et fragile comme l’est cet être qui doit désormais apprendre à grandir sans soutien, à regarder le monde sans appui, ce monde qu’il a essayé par tous les moyens de fuir (en s’enfermant à la recherche de Dieu, puis dans l’alcool…).

Le monde extérieur, Jorge Franco

Ecrit par Zoe Tisset , le Mercredi, 13 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Le monde extérieur, traduit de l'espagnol (Colombie) par René Solis, mars 2016, 267 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jorge Franco Edition: Métailié

Dans ce livre, plusieurs histoires s’entremêlent. Le lecteur est un peu comme un géologue étudiant les différentes strates d’une terre. Ici, c’est la Colombie, mais c’est aussi les états d’âme de personnages bigarrés, rencontres improbables d’une femme allemande désinhibée vivant à Berlin et d’un colombien plutôt sectaire, amoureux de musique classique et dont le meilleur ami est un ancien nazi.

« Il n’était pas encore habitué à la promiscuité de la nudité chez une femme bien élevée. Il ne lui avait jamais dit, mais il préférait qu’elle se change dans la salle de bain et qu’elle ressorte en peignoir. Lui n’était pas capable de se déshabiller devant elle, il mettait toujours son pyjama. Qu’elle lui enlève après c’était une autre histoire ».

Don Diego fait construire un château en Colombie pour habiter avec Dita, de cette union naît une fille : Isolda. Pour s’échapper de cette prison dorée, celle-ci avec la complicité de la forêt toute proche s’invente des coiffures incroyables, imbibée de terre, de fleurs et de feuilles, elle fuit l’ennui. « Dans la forêt, les cheveux d’Isolda se transforment en spirale qui grandit à mesure que les amirages les lui tressent. Et ils l’ornent avec des gueules de loup et des pensées mauves, jaunes et blanches. Elle, sereine, les laisse volontiers la coiffer avec leur corne jusqu’à ce que sa tête ressemble à un cornet de crème glacée ». Et puis il y a Mano, le garçon pauvre, extérieur au château, qui jour après jour observe Isolda, cette princesse, si loin de son monde.

Les obus jouaient à pigeon vole, Raphaël Jerusalmy

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 12 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les obus jouaient à pigeon vole, éd. Bruno Doucey, février 2016, 177 pages, 15,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy

 

C’est une magnifique mise en pages des dernières vingt-quatre heures d’Apollinaire au front, avant l’impact de l’éclat d’obus. Apollinaire qui s’engage pour voir l’autre côté, être sur le fil du rasoir, à la fois dans sa peau de poète et voir comment rejaillit sur la poésie la tension absurde de la guerre. Voir s’il est possible de la rendre utile, dans le sens où l’on dit : à quelque chose, malheur est bon.

Tout engranger, tout accepter, ne rien rejeter, ne pas s’exposer plus, mais non plus pas moins que ses hommes, qui l’ont surnommé « Cointreau-Whisky », plus facile à retenir, plus camarade. Apollinaire est celui qui les écoute, qui les entend en tant (en temps) qu’homme, pas en tant que supérieur. Même si lui reçoit lettres et revues d’art, il reste proche d’eux, ils l’enrichissent, enrichissent sa pensée, sa langue, entremêlant ses mots à lui, les leurs et la façon de les dire, de les accorder, d’en faire des acolytes.

Apollinaire n’est pas entre deux, mais de plain pied dans les deux mondes : à Paris et sur le front, à la guerre et en poésie. Il cueille en passant les éclats de vers et les éclats d’obus, sans rendre la guerre inoffensive mais en l’apprêtant, pour mieux la désarmer.

Rouge écarlate, Jacques Bablon

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 11 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Jigal

Rouge écarlate, février 2016, 192 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Jacques Bablon Edition: Jigal

 

« Joseph Salkov est moins vif qu’avant, mais il bande encore dru. Au réveil. Mais c’est surtout le soir qu’on baise. Pas comme son envie de tuer qui se pointe sans prévenir. Cette nuit, il a flingué Elvis. Du sang sur les mains. En rêve. Le King est mort. En vrai, il ferait bien la peau à qui ? »

Point de départ du roman. Ce phrasé haché, syncopé, elliptique, accompagnera le lecteur par séquences jusqu’au point final du roman. Un soupçon de parfum de James Ellroy, côté style, du Bablon pur jus, côté histoire.

Joseph tuerait bien le type d’en face, Marcus, qui a écrasé avec sa voiture son jeune chien, puis la femme de celui-ci, Rosy, qui a la malencontreuse idée d’être sa maîtresse et de ne plus le faire bander, à moins qu’il ne s’attaque à leur gamin, Angelo, qui perd toujours son ballon de football dans son jardin. Salma, fille de Joseph, court après quoi le long de routes où l’on fait pousser des fraises et que vient faire La Callas dans sa vie, surtout une nuit où l’on tente de la violer ? Et si tout ceci n’était qu’une grande histoire de famille de frappadingues, de sentiments étouffés par trop de déveines, de peurs de vivre et de peurs d’aimer ?

Par bonheur le lait, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 09 Avril 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Arts, Au Diable Vauvert, Jeunesse

Par bonheur le lait, novembre 2015, trad. anglais Patrick Marcel, illust. de Boulet, 112 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Au Diable Vauvert

 

Neil Gaiman (1960) fait partie des plus grands conteurs contemporains, et compte parmi ses admirateurs pas moins que Stephen King. On peut rappeler qu’il collabora le temps d’un roman avec un autre gigantesque conteur anglais, feu Terry Pratchett : c’était De Bons Présages (1990) et tant nos zygomatiques que notre capacité à l’émerveillement ne s’en sont pas encore remis. Dans l’œuvre de Gaiman, on trouve de la fantasy, du fantastique, de l’héritage gothique, de sublimes nouvelles, des romans graphiques – de tout, tant que ça transporte ailleurs, que ça fait fonctionner les neurones « imaginant » à plein rendement. Et ceci à tout âge, puisque Gaiman écrit aussi pour la jeunesse, même si de façon parfois quelque peu dévoyée : Coraline, sublime de noirceur, ou encore L’Etrange vie de Nobody Owens, un roman d’apprentissage littéralement fantomatique.

Avec Par bonheur le lait illustré en français par Boulet (mais par Skottie Young dans la version originale), Neil Gaiman revient à la littérature de jeunesse, voire quasi à destination des enfants. Disons, de grands enfants, à l’image de ceux de ce bref roman : huit, dix ans maximum, une fille et un garçon. Leur maman étant « partie à une conférence », ils sont seuls avec leur papa, à qui a été laissée une longue liste de consignes qu’il est capable de réciter par cœur, de ne pas oublier « de conduire les enfants à la répétition de l’orchester, samedi » à donner « à manger aux poissons rouges ».