Le monde extérieur, Jorge Franco
Le monde extérieur, traduit de l'espagnol (Colombie) par René Solis, mars 2016, 267 pages, 20 €
Ecrivain(s): Jorge Franco Edition: MétailiéDans ce livre, plusieurs histoires s’entremêlent. Le lecteur est un peu comme un géologue étudiant les différentes strates d’une terre. Ici, c’est la Colombie, mais c’est aussi les états d’âme de personnages bigarrés, rencontres improbables d’une femme allemande désinhibée vivant à Berlin et d’un colombien plutôt sectaire, amoureux de musique classique et dont le meilleur ami est un ancien nazi.
« Il n’était pas encore habitué à la promiscuité de la nudité chez une femme bien élevée. Il ne lui avait jamais dit, mais il préférait qu’elle se change dans la salle de bain et qu’elle ressorte en peignoir. Lui n’était pas capable de se déshabiller devant elle, il mettait toujours son pyjama. Qu’elle lui enlève après c’était une autre histoire ».
Don Diego fait construire un château en Colombie pour habiter avec Dita, de cette union naît une fille : Isolda. Pour s’échapper de cette prison dorée, celle-ci avec la complicité de la forêt toute proche s’invente des coiffures incroyables, imbibée de terre, de fleurs et de feuilles, elle fuit l’ennui. « Dans la forêt, les cheveux d’Isolda se transforment en spirale qui grandit à mesure que les amirages les lui tressent. Et ils l’ornent avec des gueules de loup et des pensées mauves, jaunes et blanches. Elle, sereine, les laisse volontiers la coiffer avec leur corne jusqu’à ce que sa tête ressemble à un cornet de crème glacée ». Et puis il y a Mano, le garçon pauvre, extérieur au château, qui jour après jour observe Isolda, cette princesse, si loin de son monde.
Mano va kidnapper Don Diego bien des années après et l’on assiste alors à un dialogue récurrent entre le père et l’amoureux « barré ». « Elle était comme un picotement dans ma tête », affirme celui-ci à Don Diego, en parlant d’Isolda. Toute une faune gravite autour de Mano : le beau jeune homme qui lui vend son corps, sa copine prête à tout pour qu’on l’aime, un peu, les copains paumés, cherchant un avenir meilleur. L’ambiance au château depuis le kidnapping est lourde, la famille de Don Diego a fait venir une espèce de spirit qui furète partout l’odeur de Don Diego, la police paraît totalement inapte. Peu à peu, le chaos advient et une violence sourde éclate en branches alternées, en même temps on découvre ce qu’est devenu Isolda et quelle était sa vie au château. « Elle a brodé, elle a lu, elle a fait de la calligraphie, des additions et des soustractions, elle a eu cent fois le temps de s’ennuyer, et cet après-midi il ne lui reste plus que la leçon de piano ». Livre fantasque, aux entrées multiples, se dérobant à toute interprétation trop rationnelle.
Zoé Tisset
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