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Roman

Judas, Amos Oz

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mardi, 13 Décembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Gallimard, Israël

Judas, août 2016, trad. hébreu Sylvie Cohen, 352 pages, 21 € . Ecrivain(s): Amos Oz Edition: Gallimard

« Les rêves ne mentent pas…

Le monde est vide.

Les dernières lueurs du soir caressent le sommet des collines.

Cette lumière n’est rien différente de celle que nous avons vue hier et avant-hier.

De même que la brise venue de la mer est exactement semblable à celle qui soufflait la veille au soir.

Le monde entier est vide…

Et il faut toujours laisser les morts ensevelir leurs morts »

 

Le Judas d’Amos Oz est comme rempli d’une nostalgie profonde, entre la frontière des soirs, liberté trempée jusqu’à l’os par la pluie et des no man’s land, reflets du couchant, envoûtant comme un parfum au sommet des collines arides.

Règne animal, Jean-Baptiste Del Amo

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 09 Décembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Règne animal, août 2016, 432 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jean-Baptiste Del Amo Edition: Gallimard

 

On pourrait résumer Règne animal en disant que ce roman révèle l’humanité des animaux en exposant la bestialité des hommes qui les ont forcés à vivre avec eux, pour les servir, les nourrir, les faire vivre et les enrichir au fur et à mesure qu’eux-mêmes sont engraissés, transformés. C’est aussi l’histoire d’une famille rurale qui vit à la marge d’un petit village du Sud-ouest de la France, nommé Puylarroque. Une histoire qui couvre un siècle, naturaliste à l’extrême, tout à la fois lyrique et organique, la chair, le sang et tous les fluides possibles que peuvent laisser échapper les corps, animaux comme humains, la merde et la décomposition, étant comme omniprésents.

L’histoire commence au début du siècle dernier, chez des petits paysans, avec un lopin de terre, quelques animaux, une porcherie, un père qui meurt lentement d’une grave maladie tout en continuant à travailler, une survie des plus rudimentaires, la mère que cette rudesse extrême, le dénuement, la frustration, a rendu mauvaise, dure et sèche comme un cal, et une petite fille en qui persiste un peu de rêve.

Placement libre, Ella Balaert

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 07 Décembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Placement libre, Editions des Femmes Antoinette Foulque, août 2016, 123 pages, 13 € . Ecrivain(s): Ella Balaert

 

La couverture est sobre dans ce petit livre blanc : une lithographie de Geneviève Asse, carré bleu-électrique, zébré en son centre d’une ligne blanche en partance pour le rouge. Quand on a fermé la dernière page du livre, on y revient automatiquement, quelque chose nous disant que le propos est – aussi – tout entier, là…

Ella Balaert n’en est pas à son coup d’essai ; elle cisèle de temps à autre, et c’est toujours bienvenu, des écrits/essais/romans – genre habilement mélangé – qui nous parlent de femmes – elle les connaît bien, elle les aime – en prise avec leur époque. Pas cependant à la façon guerrière et militante de récits féministes, ni sous la plume documentariste du quotidien et de ses difficultés socio-économiques, ni tout à fait avec le regard de l’éthologiste silencieux tenant au bout de son téléobjectif la gazelle – de Grant, tant qu’à faire, du safari du soir… Non… quoique… tout ça quand même, mais manière Balaert. Une élégance, une précision du mot, des phrases vraies, drues, pour cerner, piquer au risque de la douleur – dans cette femme-là – ce qui fera sens dans les autres, toutes, et bien sûr, au premier chef, nous.

Sous l’œil de Dieu, Jerome Charyn

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 05 Décembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Rivages/noir

Sous l’œil de Dieu, février 2016, trad. anglais (USA) Marc Chénetier, 288 pages, 9 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Rivages/noir

 

Auteur ultra-prolifique, avec plus de cinquante volumes à son actif, principalement des romans et quelques recueils de nouvelles, Jerome Charyn (1937) est considéré comme l’un des piliers de la littérature américaine de la seconde moitié du vingtième siècle, célébré tant par ses pairs que par la critique, celle-ci n’hésitant pas à le qualifier de « Balzac américain contemporain ». En France, il a même reçu le titre de Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres. Tout cela est très engageant, et quelques excellents souvenirs de lecture, s’ils ne corroborent pas exactement toutes les louanges reçues, font foi que Charyn fait partie des auteurs qui comptent.

C’est donc avec une délectation anticipée qu’on ouvre Sous l’œil de Dieu (2012), dernière en date des histoires suivant un des personnages clés de l’œuvre de Charyn, Isaac Sidel, un flic new-yorkais ayant, au fil des romans dont il est le héros, gravi les échelons jusqu’à devenir Maire de la Grosse Pomme et, dans le présent roman, s’attaquer à la Maison Blanche. Il a en effet été choisi pour assurer la vice-présidence de J. Michael Storm, le président élu, et celui-ci, sombrant peu à peu, s’apprête à endosser le rôle de dirigeant de la nation la plus puissante du monde.

Danser les ombres, Laurent Gaudé

Ecrit par Zoe Tisset , le Samedi, 03 Décembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Babel (Actes Sud)

Danser les ombres, 250 pages, 7,80 euros. . Ecrivain(s): Laurent Gaudé Edition: Babel (Actes Sud)

 

Laurent Gaudé à travers ce roman  rend hommage à Haïti et à sa population. Il en trace une cartographie emplie d’humanité, de courage, sans pour autant tomber dans le misérabilisme. Ici, ce sont encore les liens humains qui priment, malgré les manœuvres et les turpitudes politiques. Lucine, arrive de Jacmel à Port-au-Prince pour y annoncer un décès. Mais très vite, elle prend conscience qu’elle ne pourra plus repartir de cette ville où elle a vécu les révoltes estudiantines. « Elle était là, elle, au milieu de tout cela, et elle sentait qu’elle retrouvait non seulement sa ville, puante, grouillante, frénétique, mais aussi sa propre existence. » Gaudé montre aussi à travers des vies et des personnages qui se croisent les différences sociales énormes de ce pays. «La grande porte du grillage s’ouvre enfin et Saul découvre ce qu’il ne pensait pas possible à Port- au-Prince : un vaste parc en terrasse, verdoyant, où des petites allées de graviers serpentent à travers les manguiers, descendent en escalier jusqu’à une immense villa qui domine la ville (….). Le vrai luxe pense t-il à cet instant, c’est d’échapper aux regards. Dans cette ville où tout le monde vit dehors, où l’on peut assister- le temps d’une promenade- à des disputes, des parties de cartes entre amis, des bains de nourrissons, le vrai pouvoir, c’est se soustraire aux yeux des autres. »