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Roman

Les Furies, Lauren Groff

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil)

Les Furies (Fates and Furies), traduit de l’américain par Carine Chichereau, 427 p. 23,50 € . Ecrivain(s): Lauren Groff Edition: L'Olivier (Seuil)

427 pages d’intelligence, de bonheur, d’élégance, d’humour, d'horreur, constituent ce roman dont on dit – le bruit court – que Barack Obama l’a désigné comme le meilleur roman qu’il ait lu dans l’année 2015 (première parution en V.O.). Ces vertus tissent toutes les dimensions du livre, son écriture, sa structure, ses personnages, l’histoire racontée enfin. Lauren Groff, jeune auteure américaine, possède une maîtrise assez incroyable, un savoir-faire romanesque qui renvoie aux plus grandes plumes. Et la version française, élaborée par Carine Chichereau, n’enlève rien aux qualités précitées.

Lancelot (dit Lotto) est un jeune homme dégingandé de près de deux mètres de haut. Elle - ce n’est pas Guenièvre mais … – s’appelle Mathilde (et mesure un mètre quatre-vingt-deux). Ils sont beaux, intelligents, ils s’aiment, se marient et … ne font pas d’enfants, mais qu’importe. La vie leur appartient, le monde aussi. Ils ont beaucoup d’amis, organisent des fêtes fastueuses et Lotto devient un dramaturge célèbre, porté et soutenu par sa Mathilde, sa femme parfaite, loyale et pure, « une diseuse de vérité pathologique » lui dit Lotto. Leur amour est un long fleuve tranquille, la carrière de Lotto monte en puissance, Mathilde, lumineuse, le soutient de toutes ses forces et de toute son aura. Tout ressemble à un conte de fées. Depuis la toute première seconde de leur rencontre, leur amour une force d’attraction tellurique.

En attendant demain, Nathacha Appanah

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 25 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

En attendant demain, juillet 2016, 215 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Nathacha Appanah Edition: Folio (Gallimard)

 

Nathacha Appanah, auteure mauricienne, signait avec ce roman paru chez Gallimard en janvier 2015, sorti dans la collection Folio en juillet 2016, un récit intimiste mettant en scène :

– Adam, Basque, architecte, bûcheron, ébéniste et artiste peintre

– Anita, Indo-Mauricienne, écrivaine, poète, journaliste

– Adèle, Mauricienne, sans-papier, clandestine, femme de ménage au noir

Au centre du triangle, Laura, la fille d’Adam et d’Anita.

L’action se déroule à Paris, puis au pays basque, sur le littoral atlantique, avec des incursions rétrospectives à Maurice. Le personnage principal est Anita. Son point de vue est principalement celui du narrateur, lequel semble parfois se confondre avec celui de l’auteure elle-même tant est fort le sentiment de réalité vécue, empreinte d’une nostalgie du pays natal commune à tout exilé, contenue mais latente, qui se dégage des pensées, rêveries et réactions de la jeune femme.

Les dieux de la steppe, Andreï Guelassimov

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 24 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Actes Sud

Les dieux de la steppe, novembre 2016, trad. russe Michèle Kahn, 348 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Andreï Guelassimov Edition: Actes Sud

 

On s’attache vite à Petka, ce gamin dégourdi, inventif, ce bâtard, ce fils de pute comme la plupart l’appellent, puisqu’il n’a pas de père ou tout du moins on ne lui dit pas qui c’est. Petka vient d’adopter un louveteau en cachette, le sauvant ainsi d’une mort certaine, promettant d’apporter en échange aux militaires de la gnole que son grand-père vend en contrebande chez les Chinois, de l’autre côté de la frontière. Petka, dont la mère est très jeune et très dépressive, traîne surtout chez sa grand-mère Daria et le grand-père Artiom. Petka est la cible préférée de toute une bande de méchants garnements menée par Lionka l’Atout, véritable petit tyran, dont la mère fréquente beaucoup les militaires, tandis que le père est au front.

Nous sommes en 1945, dans un petit village au fin fond de la Sibérie nommé Razgouliaevka. Il n’y a pas grand-chose à manger, la vie semble comme au ralenti et l’un des jeux principaux des gamins consiste à chercher Hitler, qui se cacherait quelque part dans le coin. La guerre n’est pas tout à fait finie, une offensive contre les Japonais se prépare.

Notre-Dame-des-Fleurs, Jean Genet

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 24 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Notre-Dame-des-Fleurs, décembre 1976, 384 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Jean Genet Edition: Folio (Gallimard)

 

Jean Genet prévient dès les premières pages de Notre-Dame-des-Fleurs (publié d’abord en 1944, révisé pour Gallimard en 1951) : « Il se peut que cette histoire ne paraisse pas toujours artificielle et que l’on y reconnaisse malgré moi la voix du sang : c’est qu’il me sera arrivé de cogner du front dans ma nuit à quelque porte, libérant un souvenir angoissant qui me hantait depuis le commencement du monde, pardonnez-le-moi. Ce livre ne veut être qu’une parcelle de ma vie intérieure ». La formule est modeste, mais soutenue par une écriture forte, à la syntaxe et au lexique riches, et surtout feignant que ce récit n’est pas grand-chose alors qu’il est une explosion, une super-nova comparé aux pétards mouillés littéraires d’une pauvre auto-fiction contemporaine qui se revendique de Genet sans l’avoir lu et donc sans rien y avoir compris.

A titre personnel, je ne peux pas prétendre être un spécialiste de Genet, n’ayant lu que Les Bonnes, Querelle de Brest, et le présent roman, mais j’ai été emporté par ses phrases, par ces cascades verbales dans lesquelles on ne peut se baigner qu’au risque d’être emporté. Un autre exemple :

La sainte réalité, Vie de Jean-Siméon Chardin, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 23 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard

La sainte réalité, Vie de Jean-Siméon Chardin, janvier 2017, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

« Chardin sait ce qu’il doit faire, il sait ce qu’il doit peindre. Le travail est long mais la destination très claire. Il y a un autre monde, caché et plus grand que le monde actuel, ce qui est mot n’est pas vraiment mort, les objets, les simples reflets, sont aussi vivants que les plus animés des êtres ».

Les livres de Marc Pautrel sont toujours des rencontres au sommet, des rencontres au sommet de la vie, de la pensée et de l’art. Des rencontres physiques, où les corps se livrent entre les lignes. Leur mouvement plaît à l’écrivain, comme il se plaît à les faire vivre. Marc Pautrel se plaît à écrire le mouvement d’une main, d’un regard, d’une idée, d’une pensée, d’une jambe, des corps et des objets, l’éclat d’un fruit, le silence d’un lièvre que l’on pense mort. Il nous livre vases et cruches, fleurs et pêches qu’éclairent les toiles de Chardin. Leur âme s’élève sous le pinceau du peintre des natures mortes, des natures si vivantes, endormies – Still Life –, qui n’attendaient qu’une couleur, une touche, un trait, une phrase pour s’éveiller et qui à nouveau s’éveillent dans la sainte réalité, autrement dit à la vie. Le peintre est au travail, comme l’écrivain, il s’isole, laisse la lumière du printemps flirter avec ses toiles et sa feuille, la main sait ce qu’elle veut, elle est ferme, elle trace ligne à ligne l’aventure d’un peintre d’un temps ancien et finalement très contemporain. La main de l’écrivain est habitée par la même force, sa feuille blanche est une toile en mouvement permanent où se brisent ses phrases, vagues qui se lèvent sous le vent de l’inspiration.