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Recensions

Rétrospective, Avraham B Yehoshua

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Grasset, La rentrée littéraire

Rétrospective, trad. hébreu Jean-Luc Allouche, 24 août, 478 p. 22 € . Ecrivain(s): Avraham B Yehoshua Edition: Grasset

 

L’innocence, la défense, au double sens de protéger, et d’interdire, sont moins les prétextes que les fils conducteurs de ce livre dense qui commence par une rétrospective et s’achève sur une perspective, une ouverture, un point de fuite, un point d’orgue.

Un metteur en scène israélien vieillissant, à la limite de l’épuisement sinon de l’éreintement, est convié à une rétrospective de ses œuvres par un prêtre cinéphile, directeur des archives à Saint-Jacques de Compostelle. Il est accompagné de Ruth, l’actrice fétiche qui a traversé la majeure partie de ses films.

Le monde du cinéma, par essence monde du décor, de l’illusion, de la chimère où les acteurs deviennent des figures : « (…) la femme avec laquelle j’ai été marié ne comprenait pas la nature de la relation que j’ai continué d’entretenir avec la figure – Ruth – que le scénariste m’avait laissée » (p.244), revient à Yaïr Mozes, le metteur en scène, comme un boomerang, au soir de sa vie et de son inspiration.

Autour de moi, Manuel Candré

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Autour de moi, 31 août 2012.102 p. 11,90 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Joelle Losfeld

Ce petit livre – par la taille – constitue une véritable découverte littéraire. Manuel Candré, pour son premier roman, s’inscrit d’entrée dans ce que la littérature nous réserve de temps en temps, trop rarement, la révélation d’un talent explosif.

Autour de moi est structuré comme un journal intime asynchrone puisque relatant des événements et des affects vécus quelques décennies auparavant, rédigé entre le 4 juillet 2007 et le 9 septembre 2010. Nous sommes conviés à la rude visite de l’enfance du narrateur. Evénements intimes qui ont pour cadre la cellule familiale et donc pour héros le père, la mère, les grands-parents, le « autour de moi » d’un enfant qui, devenu adulte et mûr, se retrouve littéralement obsédé par ces images, ces souvenirs brûlants et douloureux d’une famille à la fois héroïque et banale, grande et pathétique, belle et indigne. Une famille. Dans l’hypothèse permissive qu’elle implique, dans les bassesses qu’elle génère, dans les moments magnifiques où se croisent les rêves de chacun, et dans les trous où échouent lamentablement les idéaux les plus beaux.

L’enfant souffre deux fois semble nous dire ce morceau d’enfance. Il souffre des malheurs, la mort de la mère, l’alcoolisme et la brutalité du père, la dureté de la vie. Mais il souffre aussi, une fois de plus, la plus âpre sûrement, de sa propre fragilité, de sa faiblesse d’enfant, de la palpitation de ses rêves profonds, de l’absurdité magnifique de ses espoirs.

Les bas-fonds du rêve, Juan Carlos Onetti

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 30 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Nouvelles, Gallimard

Les bas-fonds du rêve, (Tan triste como ella y otros cuentos para una tumba sin nombre), 1981, traduit de l’espagnol uruguayen par Laure Bataillon, Abel Gerschenfeld et Claude Couffon . Ecrivain(s): Juan Carlos Onetti Edition: Gallimard

Qu’est-ce qu’une histoire ?

A quel moment du récit commence « la véritable histoire » ?

Quel est le degré de réalité des faits rapportés ? Quelle est la part d’authenticité des lieux de l’action ? Quelle certitude peut avoir le narrateur par rapport au déroulement et à la place des différents « temps » de la narration ? Que sait l’auteur des protagonistes qu’il met en scène ? Quel est le « vrai roman » dans l’infinie possibilité des variantes dans lesquelles s’égare le narrateur principal, ou dans lesquelles des narrateurs secondaires entraînent le lecteur et le narrateur principal lui-même ?

Voilà une partie des questions que pose, que se pose l’auteur des nouvelles de ce recueil, dont l’écriture est fondée sur l’infinité du champ des possibles narratifs.

Au centre de chaque mensonge, il y avait la femme, chaque histoire était elle…

Treize récits de Juan Carlos Onetti se succèdent dans ce livre sombrement étincelant sous le titre éponyme de la seconde d’entre elles.

Tous les diamants du ciel, Claro

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 27 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Tous les diamants du ciel, 22 août 2012, 256 p. 20 € . Ecrivain(s): Claro Edition: Actes Sud

 

D’abord le style. La langue de Claro emporte tout sur son passage. C’est une déferlante d’images, de formules. Il y a quelque chose d’éminemment musical, mais aussi une scansion, une incantation, comme si Claro plaidait une cause. Quelle cause ? Celle de la littérature qui invente et réinvente le langage, qui sculpte les mots, joue avec, et qui nous étourdit.

Comme Claro le dit lui-même (voir interview), il ne veut pas seulement proposer une lecture, il veut aussi faire vivre une expérience au lecteur. Il le transporte dans un monde, son monde. L’un de ses sujets est le LSD et il donne l’impression d’avoir écrit un livre « sous » LSD. Il y a quelque chose de très expérimental dans le livre, mais l’expérimentation ne prend pas le pas sur la compréhension, le sens du récit, le rythme. Rien n’est gratuit. Les belles phrases ne sont pas seulement là pour être belles mais sont toujours au service de l’histoire. Et quelle histoire !

Tous les diamants du ciel commence là où le précédent ouvrage de l’auteur, CosmoZ, s’achevait. Le début des années 50. Claro retrace l’histoire d’un monde, en l’occurrence celui des Trente Glorieuses : il sera question de la Guerre d’Algérie, de la bombe atomique, de la CIA, de la guerre froide, du péril rouge, de la libération sexuelle, de la conquête de la lune…

Avez-vous l'adresse du paradis ?, François Bott

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 27 Août 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi, La rentrée littéraire

Avez-vous l’adresse du paradis ? 115 pages, 12,90 € . Ecrivain(s): François Bott Edition: Le Cherche-Midi

 

Une vie peut en cacher une autre, comme ces matriochkas qui s’emboîtent, jusqu’au cœur, personnages banals, pour certains personnages d’ennui, qui s’ennuient :

« Elle aussi semblait considérer la révolution comme des grandes vacances, comme une distraction passagère de l’Histoire, une manière agréable de tuer les journées » (p.34),

« A l’hôtel Ibis, la chambre de Gatsby restait allumée très tard. Avant de s’endormir, il écrivait encore à quelques amis. Il terminait ses lettres par ces mots énigmatiques : « Avez-vous l’adresse du paradis ? » » (p.69).

Y a-t-il place pour autre chose, que ces morts ou ces ennuis profonds comme des tombeaux, sans histoire :

« Nos morts, disait-il, survivent à nos crochets » (p.92), que ces histoires d’amour qui se sabordent d’elles-mêmes : « Elle goûtait sans doute le charme des amours éphémères, le pathétique et la magie des dernières rencontres » (p.98). Somme toute, le destin joue les personnages, la vie n’est qu’une suite d’alternatives avec une marge de manœuvre infime.