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Poésie

Tryptique du veilleur, Louis Raoul

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 10 Juillet 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Cardère éditions

Triptyque du veilleur, Louis Raoul, Cardère, 2012, 58 pages, 12 € . Ecrivain(s): Louis Raoul Edition: Cardère éditions

 

Parce que la vie nous pousse de l’avant tout en nous dépouillant, vient ce temps où il nous faut prendre de la hauteur, de cette nécessité-là peut-être est né Triptyque du veilleur. Une tour, une barque et une archère. Non pas un, mais une, selon le choix de l’auteur. Une archère, qui est aussi la flèche envolée, et la cible invisible de l’au-delà.

Il y a donc une tour dans la première partie, intitulée L’approche de la hauteur. Une tour de pierre, de chair et de vent.

 

« Prisonnier et gardien

Tu n’habites pas la tour

Tu es ses assauts et sa défense

Le poème qui la fonde ».

Aller simple, Erri de Luca

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 14 Juin 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Gallimard, Italie

Aller simple, 2012, édition bilingue, trad. de l’italien par Danièle Valin, 16,50 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

« Aller Simple, des lignes qui vont trop souvent à la ligne », marquées par le point final, le point fatal quelque part entre les deux rives méditerranéennes, cette grande bleue qui sépare le Sud, sa misère, ses tragédies, d’un Nord porteur de rêve, d’opulence et de liberté. C’est sur cet entre-deux que se déroule ce long et poignant poème d’Erri de Luca. Plus qu’un poème, c’est une ode mais aussi hélas un chant funèbre, découpé en voix et en chœur.

Ce chant prend source là-bas de l’autre côté, de là où les hommes, les femmes, les enfants, partent, quittent, prennent exil comme un oiseau prendrait envol, mais avec la mémoire des fers aux pieds. Ils viennent des « hauts plateaux incendiés par les guerres et non par le soleil », avec en tête une terre espoir, une terre accueil, une terre de paix. Italie, un mot « ouvert, plein d’air »

 

Finie l’Afrique semelle des fourmis,

par elles les caravanes apprennent à piétiner.

Sous un fouet de poussière en colonne

Soleils chauves, Anise Koltz

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 06 Juin 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arfuyen

Soleils chauves, Editions Arfuyen, 2012, 10 € . Ecrivain(s): Anise Koltz Edition: Arfuyen

Filiation à propos d’Anise Koltz


Entrer dans ce livre par un poème qui semble avoir des relations avec le Paysage aux arbres verts de Maurice Denis, ouvre la porte poétique et intrigante, spirituelle et rêveuse de ce recueil au drôle de titre. D’ailleurs, ce dernier livre d’Anise Koltz est illustré par un détail de la Campagne romaine de Schirmer qui donne selon moi le ton général à cette suite de poèmes assez courts dont le propos est resserré. On y voit de petits monticules de terre peints avec de l’ocre brûlé sur un fond de ciel rose thé, sorte de dolmens, de stèles, vue profonde sur le Latium. J’écrivais il y a peu à Gérard Pfister, le directeur de la maison Arfuyen – qui suit le travail d’Anise Koltz depuis plusieurs années –, que ces stèles donnaient une impression nocturne, de monde déserté. Et, avec des petits instants pris dans le réel, cette série de 134 poèmes finit par se nouer autour de quelques thèmes, que je vais essayer de rendre visibles au lecteur.

Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus, Bashô

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 29 Mars 2012. , dans Poésie, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, La Table Ronde, Japon

Seigneur ermite, L’intégrale des haïkus, Edition bilingue par Makoto Kemmoku & Dominique Chipot. mars 2012, 480 p. 25 € . Ecrivain(s): Bashô Edition: La Table Ronde

 

Quel bel objet déjà ! Un écrin à la hauteur du contenu, la couverture est  d’un vert qui fait aussitôt penser au jade, ce même vert se retrouve à l’intérieur pour le texte en version japonaise. Ce livre, dédié aux victimes  et sinistrés du grand tremblement de terre du Tōhoku, région que Bashō a visité lors de ses voyages, s’ouvre sur une note concernant la traduction. Elle commence ainsi, ce qui résume bien le propos : Traduire c’est trahir, et expose les difficultés auxquelles ont été confrontés les traducteurs et donc leurs partis-pris.

Ensuite, une introduction aborde en un tour rapide mais instructif l’histoire de la poésie japonaise, suivie d’une biographie détaillée de Bashō, illustrée par quelques haïkus. Indispensable pour la compréhension de son œuvre. Nous entrons alors dans la chair même de l’ouvrage : l’intégrale des haïkus du maître en la matière, souvent précédés par des avant-propos de Bashō lui-même, classés par ordre chronologique.

Le premier est daté de 1663 :

La voix et l'ombre, Richard Millet

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 26 Février 2012. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Gallimard

La voix et l’ombre, Gallimard, Collection L’un et l’autre, 210 p. 21 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Gallimard

Un nouveau livre de Richard Millet est toujours une découverte dont les attentes ne sont pas déçues. La voix et l’ombre fait partie de ces livres qui nous retiennent tant on y palpe l’engagement physique de l’auteur. Chaque mot a sa place dans une rhétorique au service de ce que les mots sont pourtant incapables de signifier. Quoi de plus singulier que de vouloir, par le truchement d’une galerie de portraits, rendre compte des liens que la voix et l’ombre entretiennent dans le corps. Il faut avoir fouillé les arcanes de nos chairs pour effectuer ce voyage incantatoire dans les zones de la voix et de l’ombre. Richard Millet nous soumet que notre sujétion au réel ne peut nous conduire à la conscience à laquelle il nous convie. L’effort indispensable pour concrétiser par le verbe ce qui nous échappe mais dont nous avons confusément conscience est inscrit dans cette écriture qui utilise des figures de style comme l’oxymore, des paradoxes, des ambiguïtés, des contradictions pour rendre compte, à force de mots qui sont autant d’outils, de l’impossibilité même d’écrire.

« La voix et l’ombre (…), l’une et l’autre accouplées (…) dans une lutte, une torsion où elles se confondent quelquefois ». Ainsi l’auteur prévient-il d’emblée de sa vision qui ne souffre aucun confort. Il ajoute « nous sommes des ombres bruyantes » et les portraits qui suivront seront revêtus de cette double enveloppe qui parfois se déchire.