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La Une Livres

Les jeunes mariés, Nell Freudenberger

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 06 Mars 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Quai Voltaire (La Table Ronde)

. Ecrivain(s): Nell Freudenberger Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Nell Freudenberger possède un talent rare en écriture : elle parvient à nous passionner de bout en bout en nous racontant une histoire somme toute assez banale à première vue. Jugez-en : George, ingénieur américain début de deuxième âge cherche femme sur asianeuro.com. A l’autre bout du monde, au Bengladesh, une jeune fille, Amina, rêve d’Amérique. Tout cela tombe fort bien et les deux tourtereaux virtuels deviennent réels : Amina s’installe à Rochester (NY) USA et ils se marient. Ajoutez-y les difficultés d’adaptation d’Amina, les soucis familiaux et les hésitations d’un jeune couple et vous aurez résumé le livre. Enfin presque. Et  c’est là que se glisse tout l’art de l’auteure, dans ce presque, dans cet interstice où – de la vie quotidienne – surgit néanmoins l’aventure, l’incroyable incertitude de la vie humaine, la folle épopée du pas grand-chose quand il est porté par des cœurs.

La Terre Promise américaine c’est bien. Mais pas tout à fait. Et, peu à peu, pas du tout. Les regards interrogateurs voire hostiles, le travail précaire, la vie avec George comme ci comme ça. Enfin la vie quoi. Au tamis du regard et des blessures d’Amina, tout cela devient palpitant, presqu’anxiogène. Une sorte de suspense conjugal ou/et de l’immigration.

Théorie de la vilaine petite fille, Hubert Haddad

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 04 Mars 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Zulma

Théorie de la vilaine petite fille, janvier 2014, 400 pages, 20 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Hydesville, comté de Monroe, mars 1848.

« Le soleil du crépuscule illuminait l’escalier à travers les fenêtres de l’étage. Assise sur une marche de bois cru, Kate observait la poussière. Celle-ci voletait à l’intérieur d’une lance de cristal comme suspendue au travers de la maison. Fascinée elle retenait son souffle. Chaque grain avait l’air de suivre une trajectoire bien à lui, dans la compagnie dansante de ses infimes voisins et il y en avait des milliers, des millions, davantage que d’étoiles fixes ou filantes par les nuits sans lune ».

Kate Fox a onze ans, l’âge des rêves et des histoires que l’on se raconte le soir pour jouer à se faire peur, pour oublier pêle-mêle le décès d’un jeune frère, celui de sa vieille chienne, la maison délabrée où l’on vient d’emménager et qui a la réputation chez les fermiers alentour d’être hantée. Kate est somnambule, dialogue avec Mister Splitfoot, l’esprit « frappeur » de la maison, convainc sa sœur Maggie de son existence, ainsi que sa mère et enfin sa sœur Leah, de vingt ans plus âgée, qui va flairer rapidement tout le potentiel commercial d’un don surnaturel.

Que ton règne vienne, Xavier de Moulins

Ecrit par Gilles Brancati , le Mardi, 04 Mars 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Jean-Claude Lattès

Que ton règne vienne, février 2014, 220 pages, 18 € . Ecrivain(s): Xavier de Moulins Edition: Jean-Claude Lattès

 

 

Saint-Exupéry disait qu’un livre est achevé quand il n’y a plus rien à retirer. Xavier de Moulins a parfaitement réussi cet exercice et nous propose un roman sobre sans être dépouillé. Ses phrases courtes donnent le rythme qui convient à l’histoire qu’il nous raconte et dans laquelle il nous entraîne. Il y a de très belles pages comme la 155. C’est l’histoire de gens ordinaires, sans pathos, sans fioritures inutiles, sans surcharge. Ce qui leur arrive pourrait nous arriver et pourtant on n’a pas envie de lâcher, on s’y attache. L’alternance des chapitres datés font passer du présent, date de la reconstruction de Paul, à son passé et aux évènements qui l’ont conduit à sa dégringolade. Jusqu’à la page 150 on attend, on espère un basculement, une tragédie, enfin un de ces rebondissements qui relance. Il viendra. On le pressent, puis on se dit que non, puis finalement, que si, c’était bien ça. La construction est donc réussie.

Pucelles à vendre, Londres 1885, William Thomas Stead

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 04 Mars 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Récits, Alma Editeur

Pucelles à vendre, Londres 1885, 294 pages, octobre 2013, 22 € . Ecrivain(s): William Thomas Stead Edition: Alma Editeur

 

Pucelles à vendre est un livre singulier. Le titre tout d’abord, un titre accrocheur qui laisserait supposer que le texte est consacré à des scènes plus ou moins érotiques pour des lecteurs en mal de sensations ou en déficit amoureux… Il n’en est rien et les contempteurs d’une sexualité débridée ou les adeptes de la « moraline » seront déçus. Ce livre voulait justement aller contre une immoralité qui, à Londres, fit des ravages chez les jeunes filles, ou pire, chez les adolescentes. Qu’on en juge…

Si la prostitution a toujours existé, certains ont semble-t-il affiné leurs désirs en matière sexuelle, la prostitution « classique » ne parvenant plus à les satisfaire. On se tourne donc vers les femmes les plus jeunes, autrement dit les adolescentes, qu’on exige vierges. Et c’est là tout le scandale, puisqu’à une demande il faut répondre, on allait donc fournir des vierges à ces hommes exigeants et dotés d’un réel « pouvoir d’achat ».

Cluny, D. Iognat-Prat, M. Lauwers, F. Mazel et I. Rosé

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 22 Février 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire

Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Presses Univers. de Rennes, 2013, 595 pages, 35 € . Ecrivain(s): D. Iognat-Prat, M. Lauwers, F. Mazel et I. Rosé

 

Réexamens des apparences, rectification historiographique et explorations inédites apparaîtront ici comme autant de cartes et plans déroulés pour l’offensive. Ardents, convaincus, mais surtout armés de ces croquis indicateurs, les chevaliers-défricheurs de la jachère médiévale s’en retournent aujourd’hui à l’assaut des espaces encore insuffisamment débroussaillés de l’Histoire.

Qu’advint-il après Charlemagne et Louis le Pieux ? « La nature a horreur du vide ! », suggérait bien avant eux Aristote. Mais au temps postcarolingien, celui d’une faille supposément ouverte après l’effondrement du grand centralisme étatique, qu’est-ce qui présida véritablement aux agencements de la société de l’occident européen ? Inspiré par cet interrogatif état des lieux dans son Essor de l’Europe (1932), Louis Halphen observait au siècle dernier avec un sens aigu : « Si la féodalité n’avait été qu’un principe générateur de désordres, elle n’eût mené, de toute évidence, qu’à des ruines nouvelles ! ».