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Ballades et Stances, Germont

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 06 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Ballades (éd. La Coopérative, 2016, 8,50 €), et Stances (éd. La Coopérative, 2016, 11€) . Ecrivain(s): Germont

 

Comme Germont, le poète que publient pour la troisième fois les éditions de La Coopérative, reste un inconnu, voire un mystère, il ne subsiste que l’œuvre pour vadémécum de sa présence, et c’est au bénéfice de la littérature. En Effet, Germont se colore d’intrigues et de secrets. Qui est-il, celui que garde Jean-Yves Masson depuis trente ans parfois dans ses tiroirs, pour le mettre à jour vivement et avec intelligence ? Or ces poèmes relatent un temps historique, celui des années quatre-vingt, dans une langue ouvragée et belle, un peu précieuse parfois, mais avec beaucoup de charme – que l’on rencontre chez Rilke, le Rilke des années de jeunesse. Et cela pose la question de l’œuvre ou de l’homme, quand ici, avec ces poèmes assonancés et très réguliers, il n’y a aucun rite social de l’auteur en jeu. Car certains, de nos lettres françaises, abusent et usent de la notion d’artiste/spectacle pour valoriser des recueils maigres et indigents. Ici, chez Germont, on ne connaît que ces trois recueils qui dessinent une présence un peu fantomatique et qui fait du bien.

Les mains pleines de bruits, Mireille Boluda

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 06 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, L'Harmattan

Les mains pleines de bruits, août 2016, 106 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Mireille Boluda Edition: L'Harmattan

 

« Je ne suis rien de ce que j’avais rêvé d’être » nous annonce Mireille Boluda dans Qu’importe, sa première nouvelle brève. Son recueil Les mains pleines de bruit en comporte vingt huit. Il suffit qu’un désir s’éveille et s’avive pour que les doigts et l’esprit de l’écrivain se mettent en chemin et que le récit naisse, l’âge ne fait rien à l’affaire. Vingt-huit courtes nouvelles qui sont des éclats de vie, des éclats de sensations, des éclats de rire, des éclats de tristesse, qui déferlent sur la page blanche, des bribes de petits riens qui font tout le charme, la singularité et l’épaisseur d’une existence.

Mais dans ses brèves, ce qui est mis en évidence chez ces personnes simples que l’auteur nous permet d’approcher, c’est leur fragilité, en effet chez chacun, une pièce manque au puzzle, l’inachèvement de ces destins miniatures lève une béance, une faille qui évite toute mièvrerie superficielle. L’auteur porte un infini respect à chacun de ses personnages qui ont une présence sous l’écorce parfois ingrate d’existences définitivement tronquées. Dans Le tacot de Jules, la lucidité l’emporte « C’était comme s’il recevait des inconnues s’agitant comme des éphémères. Soudain une étrange tristesse l’envahit. Il avait l’impression de voir un vieux film muet, dont il ne reconnaissait pas les acteurs et dont il aurait oublié l’histoire ».

Premières neiges sur Pondichéry, Hubert Haddad

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Zulma

Premières neiges sur Pondichéry, 179 p. 17,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Charles Baudelaire. Extrait du Sonnet des Correspondances.

 

Hubert Haddad nous offre un magnifique roman nimbé d’une aura toute baudelairienne, traversé d’un universalisme sensoriel et philosophique rarement atteint. En ces temps de recroquevillements sur soi, d’identitarismes glaçants, de rejets haineux et de violences meurtrières, c’est un chant du monde et au monde, que ce livre entonne et fait vibrer longtemps dans nos mémoires. Vibration mélodieuse qui dure d’autant plus longtemps que ce roman est plein de musique, sous l’archet de Hochéa Meintzel, vieux violoniste virtuose, fervent de musique classique mais aussi de musique populaire juive d’Europe centrale (klezmer), celle qui a fait danser les shtetls entre deux pogroms.

Une trop bruyante solitude, Bohumil Hrabal

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 05 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Pavillons (Poche)

Une trop bruyante solitude (Prilis hlucna samota, 1976), trad. tchèque Anne-Marie Ducreux-Palenicek , 126 pages . Ecrivain(s): Bohumil Hrabal Edition: Pavillons (Poche)

 

Les livres vivent. Ils meurent aussi. Envoyés au pilon, ils passent par des presses qui en font des cubes de papier, compressés après avoir été déchiquetés. Depuis trente-cinq ans, l’homme est aux commandes de sa presse artisanale, à compresser de vieux papiers qui furent des livres. Qui sont encore des livres qu’il sauve parfois et auxquels il assure une belle fin, qui les mette en valeur une fois qu’il a pu les feuilleter et les lire. Une presse et une trappe qui donne sur la cour où l’on décharge les vieux papiers sont le décor de toute sa vie. Parfois une tête furibarde se manifeste, pour lui crier des ordres, lui reprocher son laisser aller, son retard… Et l’homme continue à sauver pour un temps quelques livres, à leur offrir un digne tombeau de papier compressé, entre quelques litres de bières.

Souillés, déchirés, dévorés par les souris et enfin écrasés, les livres survivent cependant comme autant d’œuvres, de cubes de papier transfigurés par une attention finale : une page ouverte, une couverture, une reproduction soigneusement déposée avant l’écrasement final. Quant aux images et aux idées que les auteurs ont déposées sur les pages desdits livres, elles survivent aussi à l’écrasement et à la destruction car elles se sont déjà fondues en l’homme qui commande la presse.

Parmi les cendres, Manuel Arroyo-Stephens

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 03 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Parmi les cendres, novembre 2016, trad. espagnol Serge Mestre, 288 pages, 21 € . Ecrivain(s): Manuel Arroyo-Stephens Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

« C’est dans sa petite boutique de la ruelle de Preciados que j’avais commencé à acheter des éditions originales des poètes de la génération de 27, et des livres publiés avant la guerre civile ».

Parmi les cendres est le roman de l’Espagne, l’Espagne marquée à jamais par la guerre et la dictature. Un roman des livres – un art secret de la résistance –, des toreros, les trois Rafael, El Gallo, Ortega et de Paula, des écrivains, José Bergamín, Rafael Alberti, mais aussi Antonio Machado, Miguel de Cervantès, des libraires clandestins, des collectionneurs, des livres rares, des villes, Madrid, Saint-Sébastien, Séville, des rues et des hommes qui durant la dictature faisaient passer les livres, de mains en mains, de villes en villes, comme des chargements d’or clandestins venus du Nouveau Monde, des travailleurs de la nuit, comme l’on dit en basque des contrebandiers. Parmi les cendres est un roman familial, roman d’une trace laissée dans la cendre des disparus par une main invisible et clandestine. Parmi les cendres est aussi un roman de la mémoire, des mémoires qui surgissent, comme des fleurs d’été qui poussent sur les cendres des oubliés, le roman élégant du souvenir vivace de celles et ceux qui ont traversé le regard de l’auteur.