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La Une Livres

Déchirance, Hans Limon

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Bateau Ivre

Déchirance, octobre 2017, 22 € . Ecrivain(s): Hans Limon Edition: Le Bateau Ivre

 

« Contre la mort écrire, mourir, décrire, sourire du cri d’écrire. Sodomiser la Faucheuse, lui faire un petit roman dans le dos. Un récit naîtra, frémissant, me survivant. Il me faut du temps. Disloqué loquace » (Au commencement).

Déchirance s’invite en littérature, comme une comète traverse un ciel d’été, un petit corps céleste aux traînées lumineuses constitué de phrases étincelantes et hypnotiques, de souvenirs, de poèmes incendiaires, et dont le noyau en mouvement permanent n’est autre que le corps de l’auteur. Un corps meurtri, bouleversé, changeant, aimant, se transformant, jeune corps heureux et souffrant. Le corps ici fait le roman et Déchirance le consacre. Déchirance est roman monde qui semble avoir été écrit sous les terribles protections de Lautréamont – Cette nuit, j’ai vu la mort, et j’aurais presque pu la toucher– et d’Artaud – Vois-tu, voyant trop allumeur cinglé des vents d’antan, il n’y a que toi qui puisse faire justice à mes turpitudes –, un roman à fleur de peau et qui effleure les nerfs, roman où à chaque page Hans Limon se livre et livre son corps aux flammes romanesques du récit, non pour disparaître, mais pour ressusciter, par la grâce de l’art du roman, par les manières de la matière en fusion qui hantent les pages de Déchirance.

Søren Kierkegaard, Œuvre I et II en la Pléiade

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 22 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Pays nordiques, La Pléiade Gallimard

Søren Kierkegaard, Œuvre I et II, La Pléiade, Gallimard, mai 2018, sous la direction de Jean-Louis Jeannelle et Michel Forget, 62 et 63 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Redéfinir l’existentialisme

Søren Kierkegaard n’a eu cesse (dans ce qu’on a assimilé à tord à l’existentialisme à la française) à une défense de la foi contre l’église. En particulier la Danoise qu’il tourne en dérision au nom de son conformisme crasse que le père lui infligea avant qu’il ne se révolte. Cette religion de bas étage ne fait que gommer le paradoxe de la foi qui pour ce nouveau Pascal résulte du rapport et de l’incommensurabilité absolue entre la vérité éternelle et l’existence humaine.

Chez le philosophe du XIXème siècle mais dont le propos demeure d’actualité, l’existence impose de comprendre que les choses les plus opposées doivent et peuvent se réunir dans le processus de la naissance à soi-même. Cela demande un « effort » non seulement intellectuel mais de tous les instants dans le métier de vivre et bien loin d’une pure essentialisation. « L’individu, s’il ne devient pas possesseur de la vérité en existant, dans l’existence, ne la possédera jamais », écrit le philosophe. Le paradoxe, c’est donc l’expérience vivante et existentiellement vécue de cette vérité.

Comme résonne la vie, Hélène Dorion

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 22 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Comme résonne la vie, éd. Bruno Doucey, février 2018, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Hélène Dorion

 

Le dernier recueil d’Hélène Dorion a été publié en France quelques mois seulement avant que ne soit à l’honneur le Québec au 36è Marché de la Poésie.

Les premières pages déjà parues en livret aux éditions du Petit Flou sous le titre également de Tant de fleuves seront relues avec bonheur.

Avant de développer ce qu’annonce l’incipit :

et comme résonne étrangement l’aube

à l’horizon, enfin résonne la vie

la poète, au moyen des groupes verbaux anaphoriques « on voudrait » et, plus loin dans le texte, « on consacre », exprime l’interaction forte entre le rêve et la réalité sous le signe à la fois du désir et de la possession. La douleur puis la renaissance qui souvent lui succède n’empêchent pas le paradoxe que les mots lus et écrits font surgir :

Derrière le Cirque d’hiver, Xavier Person

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Verticales

Derrière le Cirque d’hiver, mars 2018, 143 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Xavier Person Edition: Verticales

 

Xavier Person a beaucoup écrit sur les autres. Dans son recueil d’articles de 2014, Une limonade pour Kafka, il posait la question : « Sur quoi écrit-on vraiment en écrivant sur le texte d’un autre ? Sur le fait de n’avoir pas écrit soi-même ce qu’on rêvait d’écrire ? ». Mais dès la page 51 se glissait au mode conditionnel l’ébauche d’un projet d’écriture plus personnelle : « (…) Oui, mon livre serait ainsi fait de courts récits insignifiants, minces événements que je ne saurais pas interpréter ».

Ce souhait contribue à définir la soixantaine de récits d’une à six pages qui constituent quatre ans plus tard Derrière le Cirque d’hiver. Xavier Person ne campe plus entre les maisons des autres comme cet homme du premier récit qui « vit dans un mur », mais s’installe dans ses quartiers à lui, au sens géographique (il demeure effectivement derrière le Cirque d’hiver), comme au sens littéraire, seul à seul avec lui-même.

Nous sommes tous des féministes suivi de Les marieuses, Chimamanda Ngozi Adichie

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Afrique, Gallimard

Nous sommes tous des féministes suivi de Les marieuses, traduit de l’anglais par Sylvie Schneiter et Mona de Pracontal, livre audio, lu par Annie Milon, mars 2018, 12,90 € . Ecrivain(s): Chimamanda Ngozi Adichie Edition: Gallimard

« Partout dans le monde, la question du genre est cruciale. Alors j’aimerais aujourd’hui que nous nous mettions à rêver à un monde différent et à le préparer. Un monde plus équitable. Un monde où les hommes et les femmes seront plus heureux et plus honnêtes envers eux-mêmes. Et voici le point de départ : nous devons élever nos filles autrement. Nous devons élever nos fils autrement ».

C’est par ces mots qui résument bien ce premier texte lu – retranscription d’une Conférence donnée en décembre 2012 lors d’un colloque annuel consacré à l’Afrique – que Chimamanda Ngozi Adichie engage une réflexion féministe sur un sujet toujours plus controversé. Elle le fait avec humour et délicatesse, affirmant cependant une personnalité qui très tôt s’est révélée engagée et décidée pour la Cause féministe. Habituée à donner des conférences notamment sur « la façon dont les stéréotypes appauvrissent nos idées notamment à propos de l’Afrique », elle accepte de parler de sa vision du féminisme tout en espérant malgré les doutes que ses propos susciteraient auprès d’un public attentif mais récalcitrant, que cette question ouvrira un débat nécessaire. Le féminisme lui-même étant limité par les stéréotypes et chargé de connotations lourdes et négatives.