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La Une CED

Les yeux ouverts Propos sur le temps présent, Jean-Pierre Siméon, par Marie du Crest

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 20 Avril 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Les yeux ouverts Propos sur le temps présent, Jean-Pierre Siméon, Le Passeur éditeur, mars 2018, 300 pages, 19 €

Poétiser et persifler

Je venais d’achever la lecture desBienveillantes, longue et éprouvante, traversant l’Europe orientale en guerre, l’Europe du dérisoire imperium nazi, jusqu’à Stalingrad, sous la conduite de Max le bourreau, de Max le fou. Je faisais des haltes : tout avait sombré dans le chaos de La Shoah. Le livre était aussi une marche.

J’avais ensuite lu une pièce d’un jeune auteur de théâtre qui me consterna. Il me fallait donc reprendre des forces, et ma foi, le volume de JP Siméon m’y aida dans son art de faire court, d’aller ici et là, en suivant l’itinéraire de ses Propos de quelques pages, écrits à des moments divers (on peut regretter ici l’absence des dates des rédaction précises pour chaque texte). Avec son art de persifler, de jouer à la fausse désinvolture, ponctuant son livre de la formule réjouissante : sans rapport avec ce qui précède / Quoique », JP Siméon me ramena au simple et beau plaisir de lire. Rouerie jubilatoire encore du faux vrai sage chinois, Tao Li Fu, qui à maintes reprises clôt un propos. N’est-il pas un double de JP Siméon, auteur duLivre des petits étonnements ? En effet la maxime morale irrigue poésie et méditation philosophique.

Rio amarillo - Histoire crépusculaire, par Patrick Abraham

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 20 Avril 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

J’ai cette vision ou ce rêve dont je voudrais ici conjurer la puissance et l’effet : un garçon dort au bord d’une rivière. Peut-être s’agit-il d’un souvenir littéraire, pictural ou cinématographique, approprié ensuite par la mémoire et amalgamé à un souvenir réel jusqu’à les rendre indiscernables. Une dizaine de mètres le séparent de la berge, il est couché dans l’herbe, sur le dos, les mains derrière la nuque, un vélo près de lui. La lumière et le jeu des ombres permettent de situer la scène en milieu d’après-midi. Je suppose qu’il s’est baigné, seul ou non. Il porte un pantalon d’ouvrier et a le torse et les pieds nus pour profiter d’un soleil éphémère. Sa veste, de la même couleur que son pantalon, lui sert d’oreiller. L’herbe est assez haute. On remarque derrière lui un chemin de terre qui s’enfonce dans un bosquet. Un panier métallique, sur le devant du vélo (usagé et d’un modèle industriel), contient un sac en toile où a dû être placé le repas qu’il a pris tout à l’heure. Deux autres sacs plus volumineux sont attachés au porte-bagage. Les berges sur les deux rives sont désertes bien qu’on devine, derrière la végétation, des toits de maisons, le clocher, le campanile ou le bulbe d’une église. Je serais bien incapable de dire pourquoi cette vision me fascine.

Dustan Superstar, Raffaël Enault, par Arnaud Genon

Ecrit par Arnaud Genon , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Dustan superstar, Raffaël Enault, Robert Laffont, février 2018, 324 pages, 21 €

 

Docteur Baranès & Mister Dustan

Guillaume Dustan fut une comète médiatico-littéraire qui traversa (trop) rapidement la fin des années 90 et le début des années 2000. On garde aujourd’hui de lui la réductrice image d’un jeune homme provocateur, séropositif, se rendant sur les plateaux télé (en des temps anciens où l’on n’attendait pas la messe annuelle du Sidaction pour parler du sida), coiffé d’une perruque blonde, pour défendre – ou plus précisément, expliquer – les pratiques de baise bareback (sans capote) qui étaient les siennes… Les journalistes ne se focalisant que sur les révélations sexuelles que contenaient ses livres, on en oubliait la littérature, la force de ses textes qui faisaient de lui, selon Thomas Clerc, universitaire et écrivain ayant entrepris la réédition de l’ensemble de ses livres chez P.O.L, « l’un des écrivains les plus forts de la littérature contemporaine, celle qui prend des risques parce qu’elle n’est pas formatée » (1).

La nuit de Zabach (I), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

« Oyez Oyez !

Ya ahl dînMary’am al adrââ a enfreint l’une de nos règles sacrées. Malheur !Ô gens pieux, Mary’am la vierge nous a déshonorés.Ô hommes de bien, allons mettre en route l’ordre moral ! Gardiens de la moralité, nettoyons nos vies, débarrassons notre existence de cette créature satanique ! Ô croyants, purifions notre descendance, adoucissons la colère d’Allah ! Sa fureur gronde ! Yalla, Yalla ! El-Elohim grogne, Son mécontentement retentit au-delà des mers et des océans ! Le Seigneur crie ; Il sermonne ! Ô gens de bien, ce soir, venez, venez nombreux et nombreuses, devant la maison de Si L’Hou-Sine, le vieux pieux, l’adorateur d’El-Elohim ! Gens de peu et Gens de bien, venez assister à la punition divine ! Venez et vous serez récompensés dans l’au-delà, au pays des eaux guérisseuses, des forêts de jade, de la grâce illuminée, du jardin des délices jonché d’orchidées pourpres, d’asphodèles et de narcisses odorantes. Sur les hauteurs de ce lieu paradisiaque, des créatures de rêve donnent naissance à des anges écarlates brillant de beauté. Venez ce soir à dix-huit heures pimpantes ! Venez et soyez nombreuses et nombreux !

À propos de Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 18 Avril 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad, éd. Leméac/Actes-Sud, mars 2018, 96 pages, 14 €

 

Identité

En quatre actes et 26 scènes, Wajdi Mouawad dresse le portrait violent d’un problème éthique et interroge le spectateur/lecteur. Avec cette question : qu’est-ce que l’identité ? Et même s’il faut taire le dénouement et le coup de théâtre qui clôt la pièce, tout confine à la plasticité en relation avec l’identité, notamment religieuse ou nationale.

Énonçons quand même deux mots de l’histoire, laquelle rejoint celles des grands mythes de notre patrimoine théâtral. Et ici, nous revisitons l’amour impossible de Roméo et Juliette, dont les familles respectives ennemies traversent des douleurs et des batailles historiques. Là, le conflit israélo-palestinien qui se calque sur l’amour de Wahida et Eitan. Donc l’amour impossible entre un Israélien et une Palestinienne, nœud gordien que ne tranche pas vraiment la pièce.