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Joelle Losfeld

Il y avait des rivières infranchissables, Marc Villemain (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 11 Octobre 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, La rentrée littéraire

Il y avait des rivières infranchissables, 12 octobre 2017, 145 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

 

Dans ce recueil de courtes nouvelles, Marc Villemain s’aventure sur des sentiers difficiles. Ecrire sur les amours enfantines, ou adolescentes, est souvent un piège tapissé de guimauve ou, au moins, de sentimentalité molle. On ne sait par quel miracle d’équilibre, ces nouvelles, sans exception, y échappent. La délicatesse, le doigté, la distance narrative, sont ici les ingrédients d’un livre certes sentimental – c’en est même le sujet – mais jamais dans le pathos.

En évoquant les amours d’autrefois, celles d’« il », figure centrale de chaque nouvelle, Villemain touche bien sûr à la nostalgie du temps qui passe, mais au-delà d’une nostalgie personnelle, à celle d’un moment collectif, notre nostalgie à tous, l’évocation émouvante d’une France disparue, de modes de vie surannés. Un parfum de cartes postales de naguère qui nous renvoie immanquablement à nos propres souvenirs.

Dans les eaux troubles, Neil Jordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Mai 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

Dans les eaux troubles (The Drowned Detective), avril 2017, trad. anglais (Irlande) Florence Lévy-Paoloni, 274 pages, 22 € . Ecrivain(s): Neil Jordan Edition: Joelle Losfeld

 

Neil Jordan n’a guère son pareil pour créer des univers en-soi, situés on ne sait pas bien où, peuplés par on ne sait pas bien qui, traversés par des événements des plus étranges. Ce roman, passionnant de bout en bout, ne fait pas exception : on entre dans un monde recomposé à partir des passions et des drames de notre monde. Pour mieux marquer ce « départ » du réel ordinaire, le roman met en scène un héros, Jonathan, qui a quitté son Angleterre natale pour rejoindre on ne sait trop quel pays de l’Est, l’une des anciennes républiques soviétiques. Etrangement, ce pays, cette ville, jamais nommés, sont fortement présents dans le roman. Les descriptions en sont même méticuleuses :

« Nous gravîmes une rue pavée en pente raide, presque médiévale, dont les façades semblaient s’incliner à la rencontre de celles d’en face, comme si leurs gouttières et leurs pignons voulaient se toucher. Peut-être qu’un jour cela se produirait. Ces bâtiments penchaient depuis trois cents ans, les petites fenêtres étaient écrasées par le poids des briques au-dessus et les toits avaient perdu tout semblant de ligne droite ».

A coups de pelle, Cynan Jones

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Mars 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

A coups de pelle (The Dig), 23 mars 2017, trad. anglais (Pays de Galles) Mona de Pracontal, 168 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Cynan Jones Edition: Joelle Losfeld

 

Cynan Jones sait de quoi il parle quand il écrit car il écrit du cœur même de ses œuvres. Il est paysan au Pays de Galles. Déjà, dans Longue sécheresse, il avait fait de la campagne galloise, âpre et ingrate, le sujet de son roman. Ici encore, ce court roman est un choc littéraire et humain. C’est un chant rude et poignant sur la perte et la solitude. Jamais la campagne galloise ne fut aussi sombre. Le style dépouillé, minimaliste, de Cynan Jones, construit une tragédie rurale glaçante.

Daniel est fermier. Il est le seul personnage à porter un nom dans le roman, pour mieux souligner son absolue solitude. Les autres, le grand gars, le policier, la mère, ne sont que des ombres rencontrées au hasard. Daniel vient de perdre sa femme, l’être de sa vie. Elle est morte sous le sabot d’un cheval qu’elle soignait. Depuis, il n’est que dévastation intérieure, terreur, souvenirs écrasants. Sa vie, à peine sa survie, ne tient qu’aux obligations de la ferme, les bêtes à nourrir, les naissances d’agneaux. Il ne laisse plus à personne le soin d’accompagner le travail des brebis. Il y trouve la vie à sa source, dans le ventre même des mères.

Les parapluies d’Erik Satie, Stéphanie Kalfon

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 07 Mars 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Roman

Les parapluies d’Erik Satie, février 2017, 216 pages, 18 € . Ecrivain(s): Stéphanie Kalfon Edition: Joelle Losfeld

 

Faune énigmatique, tour à tour naïf ou malin, malicieux sans aucun doute, original et décalé, doté d’un humour incompris qui ne faisait rire que lui et peut-être un de ses rares amis, « Claude Debussy [qui] perçut immédiatement en lui un égaré de ce siècle », avec lequel il se lia, autre délaissé en son temps, autre génie novateur, Erik Satie incarne parfaitement l’artiste génial à l’art sautillant, enfantin, mais malheureux et mal aimé comme le sont souvent les véritables artistes. Mal dans son temps, mal dans sa peau, excentrique, marginal, incompris, perçu comme fou, fumiste, fantaisiste, raté, aigri, maniaque, clown, etc.

Stéphanie Kalfon signe là un portrait en forme d’hommage à ce génie musical dans un roman biographique empreint de poésie et de magie.

Les parapluies d’Erik Satie s’ouvre sur une exergue troublante en forme d’épitaphe de Jean Wiener : « La première fois où il entra dans la chambre d’Arcueil où Satie trouva la mort (à moins que ce ne soit l’inverse) ».

Meilleur ami, meilleur ennemi, James Kirkwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Novembre 2016. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Meilleur ami, meilleur ennemi (Good Times/Bad Times), octobre 2016, traduit américain Etienne Gomez, 435 pages, 25 € . Ecrivain(s): James Kirkwood Edition: Joelle Losfeld

 

 

Ce roman repose sur un art consommé de la narration. Dans les moments drôles – et il y en a beaucoup –, les passages tristes, les cassures douloureuses, James Kirkwood montre une maîtrise absolue du « storytelling » et nous mène par le bout du nez à travers l’histoire de Peter, Jordan et M. Hoyt. Pas un instant de faiblesse ne vient ternir cette affaire, ce livre offre quelques heures d’une lecture haletante, passionnante, avec des éclats de rire, du suspense, des émotions profondes.

Peter est en prison. On apprend tout de suite qu’il est là pour accusation de meurtre. Son avocat lui demande le récit des événements qui l’ont conduit au drame (dont nous ne savons rien). C’est donc une écriture en flashback qui tisse ce roman. C’est cette situation narrative qui est source de la tension de ce roman : on sait un peu, mais quoi ? Qui ? Pourquoi ?