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Histoire

Le Japon en guerre, 1931-1945, Haruko Taya Cook & F. Cook

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 09 Octobre 2015. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Editions de Fallois

Le Japon en guerre, 1931-1945, 2015, 556 pages, 22 € . Ecrivain(s): Haruko Taya Cook & F. Cook Edition: Editions de Fallois

En 1992, deux universitaires américains, Haruko Taya et Theodore F. Cook publiaient en langue anglaise leur livre co-écrit et intitulé : Japan at War. On Oral History. Grâce aux éditions de Fallois, une récente et limpide version de cet ouvrage traduit dans notre langue par Danièle Mazingarbe nous ouvre cette fois son contenu. Le Japon en guerre/1931-1945 retient le titre français de ce volumineux rapport. Il déroule une remarquable et complémentaire revue de témoignages inédits, récoltés séparément auprès de rescapés du Japon impérialiste brisé à Hiroshima et Nagasaki. Ceux dont la parole est ici consignée avaient été acteurs ou témoins avisés de situations différemment rencontrées durant la guerre menée par leur pays pendant le second quart du XXe siècle, initialement en Chine, par la suite à travers un vaste secteur géographique, notamment celui de l’océan Pacifique face aux Etats-Unis.

L’originalité de cette compilation de déclarations rapportant des situations connues sur des lieux dispersés, tant depuis le début de la période que parmi le réseau bientôt très étiré de ce théâtre d’agitation internationale, réside avant tout dans le regard rétrospectif des interviewés sur ce qu’ils auront vu ou vécu, cinquante ans après. Ils sont des hommes ou femmes qui livrent ainsi généralement pour la première fois (avant 1992) leurs émotions conservées de ces épisodes auxquels ils avaient participé ou dont ils eurent au plus près connaissance.

François Mitterrand, Michel Winock

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 28 Août 2015. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard

François Mitterrand, mars 2015, 430 pages, 25 € . Ecrivain(s): Michel Winock Edition: Gallimard

 

« Elu, je changerai le cours des choses et donc la vie des hommes de mon temps » (La Paille et le Grain). Durant la longue période qui devança son accession à la présidence de la République, François Mitterrand présentait ainsi, avec conviction, son projet politique à ses compatriotes. Vingt ans après sa mort et surtout suite à ses deux septennats passés à la tête de l’Etat, examiner avec le recul nécessaire (avec du temps laissé au temps) le style autant que les marques imprimées sur le pays par cet indétournable conquérant du pouvoir sera cette fois devenu une affaire d’analyste. Après certains chroniqueurs qui n’auront pas attendu ce délai probatoire mais en proposant à son tour et à contretemps une biographie du président socialiste soutenue par une documentation étoffée, l’historien Michel Winock se plie aujourd’hui à l’exercice. La vie des hommes soudain transformée par le changement du cours des choses ? Au crédit du IVe président de la Ve République et aux yeux du présent examinateur s’impose d’abord un aspect unique et performant de tribunat. Viennent ensuite sa responsabilité dans des mesures sociales tranchantes, son implication dans un projet européen ambitieux ou encore, comme signe temporel plus intime, sa dédicace de monuments au patrimoine national.

Che Guevara, Alain Foix

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 10 Juillet 2015. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Folio (Gallimard)

Che Guevara, mai 2015, 368 pages, 9 € . Ecrivain(s): Alain Foix Edition: Folio (Gallimard)

 

Il est toujours malaisé d’évoquer la vie de l’une des nombreuses icônes du XXe siècle. Che Guevara, de son nom complet Ernesto Guevara de la Serna, en est une. Ses portraits figurent parmi les plus célèbres du monde et ce personnage a largement contribué à populariser la légende des guérilleros sud-américains. Dans le cours de sa vie, brève mais riche et remplie d’événements nombreux, des composantes semblent avoir joué un rôle décisif et influencé le cours de sa vie : son voyage en Amérique latine effectué avec son ami Alberto Granados en 1952. Ils découvrent sur une vieille motocyclette usagée la misère de ce continent, ses injustices, les terribles problèmes de santé auxquels le Che, médecin de formation, est très sensible. C’est une révélation, la mise en évidence de l’existence d’une injustice concrète, donnée, dont Ernesto avait pris connaissance, mais d’une manière théorique. C’est un voyage initiatique, mais aussi une réponse à ce qui va occuper sa vie entière : l’établissement d’une justice sociale, d’une espèce d’impératif catégorique révolutionnaire, qui va l’inciter à l’exemplarité, mais aussi parfois à la dureté et à l’exercice d’une impitoyable répression, notamment lorsqu’il doit fusiller, en plein maquis, des traîtres ou des révolutionnaires trop tièdes, ou les faire fusiller par ses compagnons d’armes pour que tout le monde ait les mains sales…

Dieu est rouge, Liao Yiwu

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 08 Juillet 2015. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie

Dieu est rouge, Books Edition Les Moutons Noirs, février 2015, traduit du chinois par Hervé Denès et Li Ru, 462 pages, 24 € . Ecrivain(s): Liao Yiwu

Un pavé ! Un pavé dans la grande mare de Chine. Liao Yiwu nous livre ici le fruit d’un long travail, difficile aussi, celui de réunir autant de témoignages que possible de cette « histoire vraie de la survie et de l’essor du Christianisme en Chine, de Mao à Xi Ping ». Il a parcouru la Chine pour rencontrer des hommes, des femmes, souvent très âgés, mais d’autres plus jeunes aussi, qui répondent à ses questions dans des entretiens rapportés ici, et entrecoupés de « préludes », qui permettent d’en comprendre les contextes. Beaucoup de noms vont défiler, on s’y perd, des lieux aussi, où morts et vivants se côtoient dans un effort de mémoire, qu’on ne lira probablement pas de la même façon, si l’on est croyant ou pas, mais toujours est-il qu’à travers cette quête assez singulière, Liao Yiwu, en toute humilité, et dans un style qui lui est propre, simple et profond, nous livre un pan très peu connu, car aujourd’hui encore tabou, de l’Histoire contemporaine chinoise, dans toute sa violence, avec ses drames et privations quasi ininterrompus. Avoir des témoignages directs, de personne à personne, des histoires individuelles aux destins souvent incroyables, est un trésor inestimable, car aujourd’hui encore il est extrêmement périlleux de fouiller dans ce récent passé et révéler des vérités. L’Histoire non officielle, non autorisée par le régime. L’auteur – qui a connu lui-même l’incarcération pour ses opinions – a dû souvent prendre de grandes précautions pour recueillir toutes ces confidences.

Winston Churchill, François Kersaudy

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 19 Juin 2015. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Winston Churchill, Tallandier/Nouvelle Edition, février 2015, 700 pages, 28,90 € . Ecrivain(s): François Kersaudy

 

Un art assez recouru de la fiction romanesque consiste dans la construction de personnages auxquels, malgré leur modelage extravagant ou l’attitude démarquée qui les caractérise, l’univers non factice qui les incorpore rapporte une confondante vérité. A travers l’inépuisable livre ouvert mais non controuvé de l’histoire planétaire, par où surgissent également des personnalités sortant de l’ordinaire, se lit parfois à l’inverse un tel schéma d’adaptation. Résolue entre les moitiés collantes des XIXe et XXe siècles, la révélation vivante et hors norme de l’Anglais Winston Churchill reflète particulièrement ce renversement, où, s’agissant notamment des dispositions d’un seul, l’invention et les performances de l’imaginaire n’auraient probablement su défier avec pareille arrogance les limites du possible, voire même celles du concevable. Pour le cas du plus célèbre protagoniste insulaire de la seconde Guerre mondiale et que présente par le détail François Kersaudy dans la biographie qu’il lui consacre, peut-on ainsi découvrir avec une certaine stupéfaction que, durant sa vie entière, cette figure atypique bientôt hissée sur le devant de la scène politique anglaise déborda presque constamment les conventions dans sa manière de s’imposer, que ce soit à dire ou faire.