C’est d’abord avec réflexion et circonspection, puis résolue que Célestine, dite Céleste, Gineste, née en 1891, épousera le 28 mars 1913 Odilon Albaret, chauffeur de taxi de son état. Lorsque la grande jeune femme d’un mètre soixante-douze un peu languide, apathique, est menée par son frère Paul à l’autel, elle ne sait pas quel est l’auteur du « petit bleu » que le facteur vient de remettre à Odilon dans l’église pour le féliciter de ce mariage. Elle l’apprendra plus tard, quand transportée d’Auxillac, dans la haute vallée du Lot, non loin du Gévaudan, à Paris, boulevard Haussmann, « Nymphe superbe et paisible, endormie au sein de sa chrysalide », elle fera la connaissance d’un « Marcel Proust, en négligé décoiffé et sans barbe ».
Proust lui confiera d’abord un travail de coursière, elle devra livrer aux amis de Monsieur les premiers exemplaires de Du côté de chez Swann. Elle apprendra à connaître un peu de Paris, la parcourant à pied, en taxi, en transport en commun. Entre ses livraisons, elle restera à attendre dans la cuisine du boulevard Haussmann que l’on ait besoin d’elle.