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Critiques

Mon Amérique, Jim Fergus

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Octobre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Récits, Le Cherche-Midi, La rentrée littéraire

Mon Amérique( Nature writing), trad. (USA) Nicolas de Toldi, septembre 2013, 300 p. 20 € . Ecrivain(s): Jim Fergus Edition: Le Cherche-Midi

Jim Fergus s’inscrit dans les figures de la grande littérature américaine. Passionné de nature, de chasse, de pêche, il est dans la lignée prestigieuse du Montana avec ses amis Jim Harrison et Rick Bass. Ce dernier est d’ailleurs un des personnages de ce livre puisqu’il partage avec l’auteur des journées de chasse aux oiseaux. Ce livre est un journal de chasseur, de pêcheur, constitué de petites nouvelles qui sont autant d’histoires dont raffolent, on le sait, ceux qui pratiquent ces activités.

Histoires d’hommes (les femmes sont très rares ici), de chiens, d’animaux sauvages, Fergus distille ses souvenirs comme un hymne à la nature, aux grands espaces américains, aux amitiés éternelles.

A la manière des romantiques, Fergus ne regarde pas la nature comme objet en soi mais comme jouissance pour soi. Il en attend un retour, la contemplation ne lui suffit pas et en cela il rejoint une tradition rousseauiste. Rick Bass, dans la préface qu’il offre à son ami, ne s’y trompe pas :

 

« L’important n’est pas le paysage, mais l’homme et ce qu’il ressent. Et Jim est un homme intensément amoureux de la vie. »

Belém, Edyr Augusto

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mercredi, 09 Octobre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, La rentrée littéraire, Asphalte éditions

Belém, traduit du portugais par Diniz Galhos, 10 octobre 2013, 256 pages, 21 € . Ecrivain(s): Edyr Augusto Edition: Asphalte éditions

 

 

Belém ou la ville du crime


Le roman commence par une phrase minimaliste : « Johnny est mort ». Par cette simple constatation quasi journalistique, le lecteur prend connaissance du récit in media res. En effet, Johnny était un très grand coiffeur qui gravitait autour des célébrités de Belém, une ville qui se trouve au Nord du Brésil. S’agit-il d’un meurtre ou tout simplement d’une overdose d’héroïne ? C’est une question qui taraude l’inspecteur Gilberto Castro dit « Gil ». L’enquête progresse lentement et Gil va faire la connaissance de la bande d’amis du défunt. Sans le savoir il va tomber dans un piège dangereux dont l’issue pourrait lui être fatale.

Fragiles serments, Molly Keane

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 09 Octobre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La Table Ronde

Fragiles serments (Full house), Juin 2013, traduit de l’irlandais par Cécile Arnaud (première édition : 1935), 375 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Molly Keane Edition: La Table Ronde

 

Le roman a pour décor la vaste maison campagnarde de Silverue où vit une famille de grands bourgeois ruraux anglo-irlandais, en vase quasiment clos hormis les rares journées où se reçoivent tour à tour, à l’occasion de sortes de kermesses bucoliques se déroulant dans les jardins qui font leur fierté jalouse, les propriétaires de la région.

La narration est un délice.

L’art de la délicatesse dont fait preuve Molly Keane dans la dénonciation, par petites touches, des tares, du snobisme, des hypocrisies de ce petit monde, place l’auteure un peu dans le même registre que son contemporain Proust. La narration, apparemment innocente, extrêmement pointilleuse des faits et gestes quotidiens de cette société conservatrice, bornée, figée dans le passé, est ponctuée d’épines, de fines flèches acérées, dont les pointes distillent un poison doucement mais efficacement destructeur.

La bâtisse est du style de celles qu’on retrouve chez Poe, chez les sœurs Bronté. Il en émane un relent de décadence, de folie, de décalage par rapport à la réalité.

Requiem, Marie-Josée Desvignes

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 09 Octobre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La rentrée littéraire, Cardère éditions

Requiem, avec 12 encres de l’auteur et des photos d’Hélène Desvignes, septembre 2013, 108 pages, 14 € . Ecrivain(s): Marie-Josée Desvignes Edition: Cardère éditions

 

Requiem comme son nom l’indique est une pièce maîtresse et bouleversante. Il s’agit bien comme son titre l’indique d’un hommage à un défunt, une cérémonie du souvenir, mais aussi une pièce d’un puzzle jusque-là resté inachevé, qui vient donc combler un manque, refermer autant que possible une plaie béante, car le défunt, ici, n’a jamais eu d’existence, il n’a jamais été reconnu parmi les vivants et donc impossible de le compter parmi les morts.

Pas de pleurs, sauf les miens, en silence, toujours – loin des autres, quelque chose de honteux – faut cacher.

Il faut cacher et il faut oublier, lui a-t-on dit, et le silence est tombé comme une chape sur la mère. Cette mère qui ne l’a pas vu elle, seul le père l’a vu, l’enfant. Cet enfant non viable, lourdement handicapé, mort peu de temps après avoir été tiré du ventre, deux mois avant terme. Cet enfant qu’il fallait oublier, ne pas nommer, juste un blanc dans la lignée familiale.

Suicide, Edouard Levé

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 08 Octobre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Récits, Folio (Gallimard)

Suicide, 112 pages, 4 € . Ecrivain(s): Edouard Levé Edition: Folio (Gallimard)

Le 15 octobre 2007

Suicide est un tout petit livre de poche. Suicide est un très grand livre dont on ne se remet pas, dont on ne revient pas. Et sa légende éditoriale : la remise du manuscrit à l’éditeur P.O.L. quelques jours avant la mort par suicide de l’auteur, n’est qu’une ouverture cérémonielle.

Suicide n’est pas un tombeau, un tombeau littéraire qui proclame un nom, un vivant. De qui parle-t-on ? d’un sobre « tu » que nous voudrions à tout prix appeler Edouard Levé ? Mais nous croisons aussi un « je », celui qui dit, celui qui parle. Le suicide ici n’a pas de mode d’emploi (ouvrage cité par Levé à la première ligne d’Autoportait). Tout sera dans le flottement trouble comme dans la série de photos où l’homonymie du personnage célèbre et du quidam rend le contemplateur incertain. Le « je » et le « tu » sont comme des jumeaux (Levé a intitulé une de ses photos « autojumeaux », photo en double autoportait). En effet, ils ont étudié tous deux les sciences économiques en passant par les classes préparatoires ; ils pratiquent les mêmes sports ; ils roulent en voiture et en moto ;  ils aiment le rock ; ils ont un frère et une sœur ; politiquement, ils sont écologistes ; ils sont mariés sans enfant… Mais à quoi bon savoir si c’est bien lui Levé ? Il ne reconstitue pas. Il ne fait pas acte de biographie ou d’autobiographie, de récit de vie. Il « gèle » des moments de la vie de l’ami suicidé :