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Critiques

Ce qui reste après l’oubli, Alain Duault

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 09 Février 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Ce qui reste après l’oubli, 143 pages, 17,75 € . Ecrivain(s): Alain Duault Edition: Gallimard

 

Le troisième volet du triptyque d’Alain Duault mériterait bien que son titre soit éponyme de cet ensemble de près de 400 textes car il énonce un paradoxe que développe l’œuvre toute entière et qui s’exprime, en effet, dès le premier recueil, Une hache pour la mer gelée. Déjà, en effet, la répétition des thèmes, les récurrences de mots, les assertions métaphoriques, les questionnements de l’incipit à la chute des quinzains permettent de comparer le travail du poète au ressac de la mer devant laquelle il aime travailler. C’est sans doute devant elle qu’il a évoqué les horreurs de la guerre qui l’ont marqué au point qu’il en est arrivé à écrire : « la guerre, c’est moi ». Mais, dès les premiers textes, il s’était, à l’inverse, rappelé les bons souvenirs comme, dans cette description au présent, où, à propos de la femme aimée, il parle de « la ligne de ses cheveux ou cette manière de monter son cheval bai ». Dans les nombreux passages consacrés à celle qui n’est plus et qu’il fait revivre ici, le poète hésite, sans aucun doute volontairement, entre l’emploi du temps présent et celui des temps du passé en les faisant alterner d’un chapitre à l’autre et même d’un texte à l’autre.

Le fou, Raffi

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 09 Février 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman

Le fou, éd. Bleu Autour, trad. arménien Mooshegh Abrahamian, 392 pages, 15 € . Ecrivain(s): Raffi (Hakob Melik Hakobian)

 

 

« Bayazed était assiégée. Des Turcs, des Kurdes, des Tsiganes, des Djoulo et plus de vingt mille bachi-bouzouks s’étaient joints dans une grande confusion aux troupes régulières turques. La ville, encerclée, à demi détruite, n’était plus qu’un immense brasier. Les maisons des arméniens chrétiens étaient vides. Leurs habitants avaient été passés au fil de l’épée ou faits prisonniers par les barbares. Rares étaient ceux qui étaient parvenus à fuir jusqu’à la ville frontière de Magou, en territoire perse ».

Ainsi commence le roman de Raffi, l’écrivain arménien du 19ème siècle. Le roman a pour cadre la guerre russo-turque de 1877-1878, guerre au cours de laquelle Turcs et Kurdes perpétrèrent des massacres sur les Arméniens. Le prétexte de cette guerre fut idéal pour accuser les Arméniens d’intelligence avec l’ennemi, les Russes, pour désarmer les sujets arméniens, puis pour les massacrer, ou les enrôler dans l’armée turque au front.

Le Guérisseur de Cathédrales suivi de Nick et le Glimmung, Philip K. Dick

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 08 Février 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Le Guérisseur de Cathédrales suivi de Nick et le Glimmung, septembre 2015, trad. de l’anglais (USA) par Marcel Thaon et Mona de Pracontal, 314 pages, 6 € . Ecrivain(s): Philip K. Dick Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Avant toute chose, louons les éditions J’Ai Lu, qui ont l’excellente idée de rééditer du Philip K. Dick sans l’infâmant « SF » en couverture. Certes, nous sommes des centaines de milliers à être fiers de notre goût immodéré pour la science-fiction, mais on a parfois l’impression que les maisons d’édition marquent les romans d’un clair « SF » au cas où les amateurs du genre formeraient juste une secte de lecteurs bornés et dépourvus de tout goût puisant indifféremment dans les collections à dos gris métallisé… Blague à part, pour qui tient Des Fleurs pour Algernon pour un grand roman sur l’âme humaine ; Un Jeu Dangereux pour un roman d’amour d’un tragique fini ; Le Fils de l’Homme pour un pur roman lautréamontesque ; pour qui, en bref, ne voit guère de solution de continuité entre les divers genres compris dans sa bibliothèque, cette (sous-)classification est parfois difficile à supporter… Donc, gloire à J’Ai Lu pour l’entrée en « vraie » littérature de Philip K. Dick !

Obsessions, Jean-Jacques Schuhl

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 06 Février 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Obsessions, 160 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Schuhl Edition: Gallimard

 

« …c’était la terre, la terre avec ses bruits, ses passions, ses commodités, ses fêtes ; c’était une terre riche et magnifique, pleine de promesses, qui envoyait un mystérieux parfum de rose et de musc, et d’où les musiques de la vie nous arrivaient en un amoureux murmure » (Déjà !, Charles Baudelaire).

Le Ghost writer est de retour. L’écrivain fantôme, qui n’écrit presque pas, dont la présence est fantomatique, glisse sous nos yeux et y dépose Obsessions, un recueil de nouvelles, que l’on peut lire comme un roman fragmenté. Dandy rêveur, témoin complice d’artistes et d’anonymes qu’il a croisés au hasard de ses escapades romanesques, Jean-Jacques Schuhl se délecte d’associations d’idées, mêle souvenirs, visions, situations, rues et villes mots qui s’ouvrent comme une boite à malices, pour faire naître ses envolées romanesques, un peu comme dans les vieux films de Raoul Ruiz – Entrée des fantômes – avec le même sérieux amusé, la même gourmandise pour raconter des histoires à faire sourire les enfants et éloigner le néogâtisme gélatineux qu’épingle le Pataphysicien Daniel Accursi.

Autopsie d’un père, Pascale Kramer

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 06 Février 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Flammarion

Autopsie d’un père, janvier 2016, 173 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pascale Kramer Edition: Flammarion

 

Gabriel, journaliste, s’est suicidé en avalant « neuf morceaux assez gros d’un verre à moutarde ». Clara, sa seconde épouse, en informe Ania, fille unique de Gabriel. Ania a coupé les ponts avec son père depuis plusieurs années. Gabriel, jusqu’à un temps récent, passait pour un intellectuel de gauche. Dans le village de V. où il a une maison de campagne, un immigré comorien a été tabassé à mort sans raison par deux jeunes du coin. Gabriel, qui ne supporte pas ou plus « ce brassage », a pris publiquement la défense des deux meurtriers, scandalisant ainsi tout le monde ou presque. Son émission de radio lui est retirée. Est-ce cela qui l’a poussé au suicide ? La mère d’Ania, il convient de le noter, est d’origine iranienne. Et Ania elle-même a épousé puis divorcé d’un Serbe dont elle a un garçon sourd prénommé Théo.

« Gabriel en voulait à sa génération et à lui-même d’avoir laissé ce monde-là s’imposer, par négligence ou idéalisme. Ania, elle, avait cherché refuge dans ce brassage. Elle y consolait ses insuffisances. Elle avait même un temps fréquenté les mosquées et les hammams… »