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Critiques

Le miel, Slobodan Despot

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 05 Avril 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le miel, novembre 2015, 151 pages, 6,40 € . Ecrivain(s): Slobodan Despot Edition: Folio (Gallimard)

 

Qu’est-ce que le miel ? Sinon ce produit qui guérit, adoucit, réconforte. Symbolique ou produit réel, Slobodan Despot le livre ici comme trait d’union.

Dans ce pays éclaté qu’est l’ex-Yougoslavie, où les hommes ne se comprennent plus, ce pays si découpé que des frontières poussent au gré des coups de main ou des opérations de telle ou telle ethnie, dans ce pays dévasté, il semble qu’il ne reste plus personne de sensé : « Des graffitis sardoniques, irréels, ornaient les murs, tracés par les deux camps au fil de leurs avancées et de leurs reculades » (p.74).

Dans la Krajina, un vieil homme, Nikola, ancien instituteur devenu apiculteur se tient loin des combats, et du haut de la montagne, dans la cabane rustique où il passe le plus clair de son temps, il entend les bruits de la guerre, en bas dans la vallée où il n’y a plus âme qui vive. Sa famille a fui devant les Croates, l’oubliant dans la débâcle.

Dans le passage un pope, Lev Nikolaïevitch Petrov-Blanc

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 04 Avril 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Roman, Editions Louise Bottu

Dans le passage un pope, février 2016, trad. du russe par Pauline J.A. Naoumenko-Martinez, 120 pages, 14 € . Ecrivain(s): Lev Nikolaïevitch Petrov-Blanc Edition: Editions Louise Bottu

 

« Il porte l’uniforme, aussi. Bleu. De ce bleu qui tire sur l’espoir. Tant de manières pour parler de lui se télescopent, se contredisent, lui c’est un souvenir. Autant dire un leurre ».

Dans le passage un pope est un leurre, un appât, et le lecteur, telle une palombe, s’y laisse prendre, y perdant quelques plumes – ses certitudes littéraires –, et parfois plus. Tout roman qui se joue et s’amuse du roman procède ainsi, d’une invitation joyeusement trompeuse c’est, à bien y regarder, ce que fait ce pope dans son passage. Il traverse la ville enneigée, pour s’engager dans le passage, ce confessionnal, cette galerie où se glissent des moscovites plus ou moins égarés, perdus, cassés, énervés et rieurs, des clébards en veux-tu en voilà, des bidasses, un unijambiste et une femme à l’imperméable. Un théâtre de l’absurde se dévoile, et on ne peut douter que Petrov ait lu Beckett, Boulgakov et Pérec, et si l’écrivain des joyeuses contraintes nous a dévoilé Paris, et une langue gourmande, Petrov éclaire Moscou et ses vagabonds avec tout autant de plaisir, il donne, si l’on peut dire, sa langue au pope.

Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française, Eliane Viennot

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 04 Avril 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française, Editions iXe, 2014, 128 pages . Ecrivain(s): Eliane Viennot

 

Le genre masculin ne sera plus regardé, même dans la grammaire, comme le genre le plus noble, attendu que tous les genres, tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles (Requête des dames à l’Assemblée nationale, 1792)

 

Voilà un petit livre qu’il nous faut ouvrir ou rouvrir à l’heure où la question de l’orthographe française et de son éternelle réforme revient (discrètement mais avec insistance) sur le devant de la scène. Le titre en conteste déjà ce que l’on nous enseigne et ressasse jusqu’à l’écœurement ou la colère depuis des lustres à l’école, oubliant que c’est une réalité pour le moins discutable, non seulement idéologiquement, philosophiquement, mais aussi linguistiquement ou philologiquement parlant.

Histoire du monde 1, Les âges anciens, John M. Roberts et Odd Arne Westad

Ecrit par Vincent Robin , le Lundi, 04 Avril 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire, Perrin

Histoire du monde 1, Les âges anciens, janvier 2016, trad. anglais Jacques Bersani, 460 pages, 22 € . Ecrivain(s): J.M. Roberts et O.A. Westad Edition: Perrin

 

« Ce qui a engendré le monde où nous vivons aujourd’hui ». Dans l’introduction générale de ce livre, le Norvégien Odd Arne Westad précise l’optique recherchée par son confrère John Roberts lorsque, à partir de la fin du XXe siècle et jusqu’au soir de sa vie (il décéda en 2007), l’historien anglais s’était attelé à la réalisation de son Histoire du Monde. Précédemment rééditée en anglais (2012) mais maintenant traduite en langue française par Jacques Bersani, l’œuvre complète se décompose en trois tomes, au traitement global sensiblement remanié par le Norvégien.

Assignés chacun à des moments délimités de l’histoire universelle des hommes et des sociétés diversement apparues de leur fait, les trois volumes se consacrent à des périodes de longueurs inégalement proportionnées. Une palette colorée de styles de vie et de modes sociaux nés aux antipodes de la Terre se prête ainsi successivement à l’étude du rapporteur (cette diversité sera sa profonde originalité).

Mouvement, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 02 Avril 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Mouvement, mars 2016, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Formé, tissé, façonné, brodé, inscrit, tracé, coup d’archet dans les profondeurs, étoffe, squelette, musique. Ce Dieu me convient, il voulait que je naisse. Je veux bien l’appeler Iahvé, mais il ne me commande rien, il me protège, il me sauve, c’est un roc, un rocher, un rempart, il détruit mes ennemis au dernier moment, il me tire du bourbier et de la fosse commune, il me ressuscite, il m’aime ».

Quel est ce mouvement toujours surprenant qui anime les grands romans ? Quelle est cette source, ces sources qui les nourrissent ? D’où viennent ces livres de grâce qui étonnent par leur foisonnement, leurs éclats, leurs parfums ? Tant de questions que l’on se pose parfois en lisant ces romans qui tranchent avec ce qui s’écrit ici et là, ces livres qui traversent le siècle, nourris de tous les siècles passés. Point de nostalgie dans Mouvement, mais une fidélité au passé mis au présent, au présent plus-que-parfait, au mouvement du futur-antérieur. Pas étonnant alors que l’écrivain bordelais ait un œil en Dordogne, l’autre en Chine, une oreille chez Rimbaud, l’autre chez Hegel, la troisième chez Bataille, une autre dans la Bible (on ne compte plus les oreilles dont est doté l’écrivain). Comme il sait lire, écouter, entendre ce qui s’écrivait, et qui s’écrit, ce qui se peignait et se peint, son roman est un puissant aimant qui tourne dans la nuit, et évite d’être consumé par les flammes de l’Enfer.