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Le brigand bien-aimé, Eudora Welty (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Juin 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Le brigand bien-aimé (The Robber Bridegroom, 1942), Eudora Welty, trad. américain, Sophie Mayoux, 139 pages, 7,20 € Edition: Points

Parmi la belle floraison de plumes que le Sud nous a fait la joie de produire, les femmes occupent une place que bien d’autres régions littéraires du monde pourraient envier. Avec Carson McCullers, Flannery O’Connor, Kate Chopin, Zora Neale Hurston, Margaret Mitchell, le Delta étincelle de brillantes auteures. Eudora Welty en est l’une des plus éminentes, formidable chroniqueuse du Sud, de ses contes et légendes, de ses paysages, de ses gens. Bourgeois créoles ou pauvres blancs, Noirs écrasés par leur misère, débiles consanguins, prêcheurs fous. On retrouve dans son œuvre une faune familière aux lecteurs de Flannery O’Connor, mais sur un mode très différent, plus distancié, plus observateur.

Le thème du brigand bien-aimé est récurrent dans l’imaginaire américain et dominé par la figure de personnages souvent peu recommandables. Jesse James en est devenu le représentant le plus connu – probablement grâce au film d’Henry King en 1939 – et pourtant James était un voleur de grand chemin, un tueur redoutable. On peut y ajouter Billy Le Kid, encore plus violent et sanguinaire. Eudora Welty bâtit son conte autour de Jamie Lockhart, personnage imaginé par elle et qui est probablement la combinaison de plusieurs personnages réels de bandits plus ou moins populaires dans le Sud, autour de Natchez, Mississippi.

Un mal qui répand la terreur, Stewart O’Nan (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 16 Juin 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil)

Un mal qui répand la terreur (A Prayer for the Dying, 1999), Stewart O’Nan, trad. américain, Jean-François Ménard, 256 pages, 11 € Edition: L'Olivier (Seuil)

 

La petite ville s’appelle Friendship, quelque part dans le Wisconsin. Avec un nom pareil, des habitants travailleurs, tranquilles et pieux, des familles unies et de l’amitié (bien sûr) qui lie les gens entre eux, on ne peut qu’attendre une chronique populaire, rurale, heureuse. Mais le mal veille.

Pour Jacob Hansen il prend les traits d’un cadavre de soldat mort trouvé dans les bois. Jacob est… un peu tout. Shérif, pasteur, croquemort. Il est la figure centrale de Friendship : il veille aux hommes, il veille aux âmes, il veille aux morts. Avec Doc, le médecin local, il constitue le toit de la bourgade, sa seule protection, le regard attentif qui rassure et secourt.

Nous sommes dans les années immédiates de l’après-guerre civile, le mal est encore dans les têtes et les cœurs. Ce soldat mort, sorti de nulle part, ressemble étrangement aux fantômes qui errent dans les cauchemars des gens, dans leurs souvenirs récents, dans les blessures de leur esprit et de leur corps. Il est la figure d’un mal enfoui à jamais. Il est aussi le porteur d’un mal qui va répandre la terreur.

Les clairvoyantes, Kaye Gibbons (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Juin 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Christian Bourgois

Les clairvoyantes (Divining Women, 2004), Kaye Gibbons, trad. américain, Mona de Pracontal, 256 pages, 19,95 € Edition: Christian Bourgois

 

Et là, assez inattendu tant par l’histoire que par le style, émerge un précieux petit roman qu’on pourrait croire droit sorti de l’époque victorienne ou du Sud gothique, mais qui en fait a été écrit en 2004 par une auteure américaine encore méconnue aujourd’hui et pourtant à la tête d’une œuvre conséquente, débutée en 1987 (elle avait alors 27 ans) par un superbe roman, Ellen Foster. Il faut dire que Kaye Gibbons est sudiste, née en Caroline du Nord. Elle est imprégnée du style de ses prédécesseurs illustres, Margaret Mitchell ou Eudora Welty. Elle nourrit aussi son travail de la lecture des sœurs Brontë ou de Thomas Hardy. Dans sa préface, Kaye Gibbons cite d’ailleurs Eudora Welty – à sa demande même – d’une manière particulièrement spirituelle et poignante :

« Je pense à Eudora Welty, qui m’a récité un poème tiré de ses souvenirs de l’impact de la grande épidémie de grippe de 1918 sur sa ville et sa famille. Elle m’a dit : « Le voici : “j’avais un petit oiseau, il s’appelait Inza. J’ai ouvert la fenêtre, et in-flew-Inza*. Tu devrais t’en servir dans ton livre. C’est comme ça qu’ils aidaient à expliquer aux petits enfants ce qu’est la mort. Vois-tu, il y en avait tant” ».

De la mort au matin, Thomas Wolfe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 27 Mai 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Stock

De la mort au matin (From Death to Morning, 1935) traduit de l’américain par R. N. Raimbault et Ch. P. Vorce. 280 p. . Ecrivain(s): Thomas Wolfe Edition: Stock

 

Ce recueil de textes est présenté – et c’est bien normal – comme un recueil de nouvelles. Or rien n’est plus étranger à Thomas Wolfe que ce genre littéraire spécifique. Si l’on s’en tient à la forme, oui, il s’agit de courts récits sur divers moments ou thèmes, des « nouvelles » donc. Mais très vite – pour qui connaît un peu l’œuvre du géant du Sud (par la taille et le génie) – on se rend compte qu’il s’agit de bribes de la montagne de feuilles manuscrites que Wolfe apporta un jour à son éditeur, le bon Maxwell Perkins de Scribner effaré, et dans laquelle il dut piocher, rapiécer, restructurer, pour en faire naître enfin quatre romans fabuleux et des « nouvelles » étincelantes. L’œuvre de Wolfe, en d’autres termes, est UNE, un bloc indissociable même s’il fut dissocié pour des raisons éditoriales. Wolfe se raconte comme une fiction, ou plutôt il raconte, dans un flot inextinguible, ce que sa mémoire ahurissante lui dicte. La phrase obsessionnelle en est l’outil, qui détaille tout, les recoins des lieux, des personnages, des faits. Le style de Wolfe est obsessionnel, fait de phrases récurrentes, d’imprécations exaltées, de champs lexicaux surchargés.

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson, Editions Vagabonde, 2006, trad. anglais (USA), Thierry Marignac, 174 pages, 18 €

 

« A Harlem, on buvait autrefois un breuvage baptisé Haut-et-Bas, ou Moitié-Moitié. C’était un verre de gin pur, additionné de vin rouge bas de gamme. Watson, à son meilleur, est une variante de ce cocktail : du gin tord-boyaux mêlé non pas de piquette mais de Haut-Brion » (Nick Tosches).

« J’ai servi à bouffer et fait la toilette des morts. J’ai porté un costume, fait la cueillette des pommes, planté des clous dans les rails et bavassé avec des poivrots. Tout ça pour le blé » (Active la machine).

Carl Watson écrit au scalpel, à l’arme blanche, ce qu’il a vécu à Chicago. Ses personnages boivent beaucoup, vivent dans des hôtels qui menacent de s’effondrer, dans des chambres que les bonnes ont désertées depuis des années. Ils passent leurs nuits et leurs jours dans des bars enfumés où volent les verres, les insultes et les menaces, et traversent des rues de quartiers où l’on perd facilement sa vie et ses illusions. Carl Watson sait de quoi il parle et sur quoi il écrit.