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L’Obscurité du dehors, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Mai 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

L’Obscurité du dehors (Outer Dark, 1968), trad. américain, François Hirsch, Patricia Schaeffer, 226 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

 

Si on excepte Le Gardien du verger, premier roman un peu atypique dans l’œuvre de McCarthy, L’Obscurité du dehors est le premier grand roman du maître. McCarthy y déploie ses gammes, ses thèmes obsessionnels qui traverseront son œuvre comme le son d’une viole de gambe traverse un concerto baroque. L’effroyable misère du Sud, matérielle et morale, produit des enfants ravagés, oublieux d’eux-mêmes et du monde, des êtres à peine humains et donc plus humains encore. La déroute de l’humanité – sans terre ni ciel – s’y perçoit comme une annonce du chef-d’œuvre à venir juste après, Suttree. Et du suivant, Méridien de sang. A force de camper des fantômes, des désêtres, McCarthy finit par effacer le concept hasardeux d’homme, par annuler la frontière entre le bien et le mal, par esquisser un univers où l’aventure humaine n’a ni source ni destination ; elle est juste une marche vacillante et erratique dans des espaces auxquels la géographie même ne donne pas de noms.

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 04 Mai 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück, mars 2021, trad. anglais (USA) Romain Benini, 160 pages, 17 €

 

Au sein de cette Nuit de foi et de vertu, la plupart des poèmes s’ouvrent comme d’apparents récits, ont l’air de se dévoiler avec une narration traditionnelle. Mais la forme du vers, bien souvent, prédomine ; et même quand cette forme n’y est pas, un rythme s’impose tel qu’il nous fait entrer dans le courant d’une pensée, ou de plusieurs pensées, comme autant de temporalités, d’images, de tableaux, qui s’entrecroisent, malgré soi, qui se brouillent dans un même flux, cherchant à nous faire atteindre – peut-être – un sens à nos émotions. Cela voudrait-il dire que Louise Glück (ou l’énonciateur du poème) tend à un but ? Probablement moins qu’on ne le croie. Il semble plutôt que la poétesse tienne à exposer : on part d’un fait somme toute banal, qui, au fur et à mesure du déroulement continu du poème, prend des dimensions de plus en plus larges sur l’existence confrontée au temps, sur les questionnements et événements qui ont bouleversé une vie. Et tout ceci sans l’once d’une grandiloquence, mais plutôt en ayant l’air de passer, telle une ombre glissant devant une fenêtre ensoleillée, et en étant toujours relié au quotidien.

La Conspiration Vatican, Ernest Dempsey (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 28 Avril 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

La Conspiration Vatican, Ernest Dempsey, 2020, trad. anglais, Étienne Gomez, 384 pages, 22 € Edition: Le Cherche-Midi

En 1798, Napoléon a plus soif que jamais de conquêtes, il rêve d’étendre son empire en Orient et à l’Est. Il vient de prendre Malte et se trouve à La Valette où il se rend dans la sacristie de la co-cathédrale Saint–Jean, construite par les chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem aussi appelés Hospitaliers. Il va trouver un chevalier acquis à ses idées, Jean-Antoine Couture, pour s’emparer de l’une des reliques de la sainte église. Il s’agit de l’anneau de saint Jean-Baptiste. Il pense que ce bijou va lui apporter la force et le pouvoir de rassembler autour de lui la population des pays qu’il convoite.

2019 en Floride, Tommy le dirigeant de l’International Archeological Agency (IAA), fondée pour le recouvrement et la restitution d’objets patrimoniaux, a rassemblé dans sa résidence de Rosemary Beach les membres de son équipe : son épouse June Holyday, Sean Wyatt et sa femme Adriana Villa. Ils reçoivent la visite de Gabriel Bodmer qui se présente comme le commandant de la Garde Suisse vaticane. Celui-ci leur révèle ce qui doit rester un secret : le cardinal Jarllson a été assassiné et l’on soupçonne le possible prétendant au trône de saint Pierre. Ce dernier, le cardinal Klopp, fait remettre par Bodmer au dirigeant de l’IAA qu’il connaît de réputation une lettre signée de Napoléon !

Une mort dans la famille, James Agee (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Avril 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Titres (Christian Bourgois)

Une mort dans la famille (A Death in the Family, 1957) James Agee, traduit de l’américain par Jean Queval, 443 p. 8,10 €

James Agee, assurément l’un des grands de la littérature sudiste, constitue un cas à part : on le connaît au moins autant par ses reportages – il était journaliste avant de devenir scénariste et écrivain – magnifiquement accompagnés des photographies de paysans de condition précaire de Walker Evans (qui serviront, entre autres, de couvertures aux éditions Folio pour l’œuvre de William Faulkner) que par son œuvre littéraire.

Et pourtant. Un trésor encore, enfoui dans la terre du Sud, mine inépuisable de chefs-d’œuvre littéraires. Un récital stylistique, alternant, à la manière du Faulkner de Moustiques, les dialogues du quotidien et les flux de conscience imparables, sublimes. Un petit garçon regarde la vie, apprend à aimer, à perdre, à pleurer.

La lecture de Une mort dans la famille est une plongée dans la précarité de l’âme et du cœur. L’enfant Rufus – le prénom vient signer le caractère autobiographique du roman, James Agee s’appelait James Rufus Agee – voit, du fond de son cœur d’enfant, un monde doux, aimant, heureux, se briser en une annonce tragique et apprend ainsi la nature même de l’humaine condition, sa fragilité, la fatalité qui l’accompagne comme une ombre. En plongeant son doigt dans le cendrier abandonné de son père sur le bras d’un fauteuil, Rufus découvre « le goût des ténèbres » nous dit Agee.

Une forme sur la ville, William Goyen (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 14 Avril 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Rivages

Une forme sur la ville, trad. américain Patrice Repusseau, 107 pages . Ecrivain(s): William Goyen Edition: Rivages

 

William Goyen est un écrivain fascinant, un maître de la suggestion et du murmure. Sa Maison d’haleine nous avait déjà hanté durablement. Ces trois nouvelles, regroupées intelligemment sous le titre Une forme sur la ville, sont de ces récits qui nous happent, nous broient, nous écrasent au sol. L’univers de Goyen est obsédé par le Mal, celui qui ronge les corps et les esprits des hommes. La première nouvelle, L’infirmier, en est pétrie jusqu’au cœur puisqu’elle se déroule dans un hôpital accueillant les soldats brisés de Dunkerque, les rescapés estropiés, mutilés, désespérés. La grande salle où retentissent sans cesse les gémissements, les plaintes, les hurlements de douleur, font irrésistiblement penser à une strophe des Phares de Baudelaire :

 

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,

Et d’un grand crucifix décoré seulement,

Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,

Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ;