Identification

USA

Un enfant de Dieu, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Février 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Un enfant de Dieu (Child of God, 1973), trad. américain, Guillemette Belleteste, 170 pages, 6,40 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

Lester Ballard est un monstre. Qu’est-ce qu’un monstre ? Une chose venue d’ailleurs, d’une galaxie inconnue, du ventre d’aucune femme, d’une usine à androïdes ? De l’Enfer peut-être, sans doute. Ballard serait fils du Diable – cet enfant de Dieu nous dit cependant Cormac McCarthy. Et c’est troublant comme l’est ce roman, jusqu’au malaise. La plongée que nous faisons avec Ballard au fond du Mal est une exploration de la folie démoniaque comme le sont les possessions, avec les mêmes scansions hallucinées, la solitude, la mort, le sexe, la terreur. Nul n’a jamais dit – sinon les ignorants – que les enfants de Dieu sont les porteurs du bien. Ils se débattent depuis toujours entre le bien et le mal, avec une liberté qui est le pire châtiment qu’on leur puisse infliger. Quand le basculement a-t-il lieu ? Quand et pourquoi ? Qui a fait de Ballard un monstre horrifiant ? Des pistes sont vaguement évoquées par McCarthy, traditionnelles : l’enfance rude, le père violent et suicidé, la mère envolée avec un bellâtre. Mais de toute évidence ce n’est pas là son propos. Il raconte Ballard, jamais ne le juge et ne cherche pas vraiment à l’expliquer. Et, en racontant Ballard, il explore un territoire particulièrement fascinant et étrange de l’humanité : la passion du mal. Freud, au détour de l’inconscient, a vu que les pulsions abdiquent toute raison – jusqu’à la pulsion de mort, qui rend la mort (de soi, de l’autre) désirable. En ce sens Ballard est humain, trop humain. Ou encore par-delà le bien et le mal, pour rester dans le champ nietzschéen.

L’Intrus, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 02 Février 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

L’Intrus – Intruder in the Dust (1948), Folio, traduit de l'américain par R.N. Raimbault et Michel Gresset . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

L’IntrusIntruder in the Dust (1948) – est l’un des romans tardifs de Faulkner, bien après ses monuments, Le Bruit et la Fureur, Lumière d’août, Absalon, Absalon, Tandis que j'agonise.

Le maître du Sud est encore au milieu de son œuvre littéraire même si les chefs-d’œuvre majeurs sont passés. L’Intrus, néanmoins, garde toute la puissance narrative et l’incroyable art du portrait que l’on connaît inégalables. Et, par-dessus tout – au-delà des situations burlesques, parfois hilarantes, autour desquelles se construit ce roman, L’Intrus est une réponse cinglante et définitive aux lecteurs trop hâtifs qui n’ont pas su voir, dès Lumière d’août (Light in August, 1932), où se situe William Faulkner dans l’idéologie poisseuse du Sud – faite de haine, de racisme, de misogynie, d’abrutissement : L’Intrus est un plaidoyer vibrant et splendide contre la bêtise et la violence des « Rednecks », une profession de foi universelle, une déclaration d’amour aux « autres » Sudistes – les Nègres comme ils disent.

Avis de grand froid, Jerome Charyn (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 28 Janvier 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages/noir

Avis de grand froid, septembre 2020, trad. anglais, Marc Chenetier, 345 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Rivages/noir

 

Précisons que nous sommes en pleine utopie, en pleine uchronie, en pleine histoire contrefactuelle. En 1989, à peine élu, le président démocrate des États-Unis, J. Michael Storm, est destitué pour cause de malversations. Son vice-président, Isaac Sidel doit le remplacer au pied levé. Ce dernier, après avoir été commissaire de la police criminelle à New-York, est devenu maire de New-York puis vice-président des USA. Son glock glissé en permanence dans son pantalon et la main toujours à portée d’un gros cornichon malossol, ce flic juif n’est pas vraiment prêt à affronter la fonction de président des USA. Qu’importe, on connaît le personnage haut en couleur qui se promène depuis quarante ans, soit 1973, dans les romans de Charyn qui lui a consacré ou presque consacré douze romans, et l’on sait ses ressources. On est prêt, presque réjoui de voir ce curieux attelage, conduit par le Gros type alias POTUS (Président Of The United State) à la tête de l’administration et de la politique américaine, se mettre en mouvement et affronter le monde libre.

Le Cœur est un chasseur solitaire, Carson McCullers (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 26 Janvier 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Le Cœur est un chasseur solitaire (The Heart is A Lonely Hunter, 1940), Carson McCullers, Le Livre de Poche, trad. américain, Marie-Madeleine Fayet, 445 pages, 6,90 € Edition: Le Livre de Poche

 

La littérature du Sud – nous l’avons déjà écrit – c’est aussi beaucoup de femmes écrivains. Peu de régions du monde ont autant nourri la littérature de plumes féminines éminentes. Flannery O’Connor, Kate Chopin, Willa Cather, Eudora Welty, ont offert des œuvres remarquables. Il n’est aucun doute que Carson McCullers soit le sommet de cette pléiade prestigieuse. Elle a 23 ans quand paraît son premier roman, Le cœur est un chasseur solitaire, en 1940. C’est une jeune femme ardente, très préoccupée de la réalité de son temps, révoltée contre l’injustice sociale dans son pays, contre le racisme endémique, contre la morgue des puissants. Et son premier roman, bien sûr, vibre de toutes ces cordes. C’est un roman tendu, à fleur de peau, engagé au sens le plus beau que ce terme peut signifier : auprès des perdus de la vie.

Chuchotements dans la nuit, Howard Phillips Lovecraft (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 22 Janvier 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Chuchotements dans la nuit, Howard Phillips Lovecraft, octobre 2020, trad. anglais, François Bon, 144 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Ce qui s’impose d’emblée dans ce récit de Lovecraft, comme dans d’autres de ses récits et nouvelles d’ailleurs, c’est l’installation d’un mystère insoutenable et une préparation immédiate à la peur : « Si seulement je pouvais sérieusement croire, à la toute fin, n’avoir vu aucune de ces horreurs » (p.15).

Rapidement aussi, on se laisse happer par la littérarité qui traverse le texte, comme si la finesse assumée du style participait des subtilités de l’énigme qui est au cœur du récit. En cela, il faut saluer la brillante traduction de François Bon, qui précise lui-même, dans son introduction, que cette qualité de prose, associée aux thèmes de la science-fiction et de l’horreur, trop étonnante pour l’époque, a été rédhibitoire pour de nombreux magazines et maisons d’édition du vivant de Lovecraft.