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Articles taggés avec: Saha Mustapha

Des mécanismes diaboliques de la langue de bois (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 03 Juin 2019. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

L’expression russe « langue de chêne », devenue « langue de bois », et en termes savants « xyloglossie », qualifie le langage impénétrable de la bureaucratie, qui ne s’impose que par ses codes arbitraires. Un langage particulièrement répandu dans les classes dirigeantes parce qu’il permet, en toute circonstance, de se sortir des impasses argumentaires par des acrobaties verbales abracadabrantes. Il s’agit d’une névrose jargonnière, qui falsifie, dénature, flétrit toutes choses sous prétexte de les perfectionner techniquement. Les litotes, les idées préconçues, les comparaisons outrancières, les fausses évidences, ne servent qu’à noyer le poisson. Les wishful thinking, qu’on pourrait traduire par vœux pieux, drainent des loquacités inintelligibles, des périphrases intangibles, des absurdités incorrigibles, font plier les réalités aux interprétations fantasmatiques et trouvent dans les discours politiques les meilleures illustrations. L’artificieux parler-vrai envoile, dans sa prétendue transparence, des platitudes désolantes. Les démonstrations brouillardeuses se balisent de notions sibyllines. Les précisions ne dessinent en définitive que les contours des imprécisions. L’idéologie vacuitaire imprègne tout ce qu’elle traite d’insignifiance.

Logiques des modernisations stérilisantes (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Jeudi, 30 Mai 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

La décrépitude du monde actuel sonne le glas des mythologies modernistes. Le vieux néolibéralisme, fondé dans les années trente par l’américain Walter Lippmann, profitant de l’épuisement des idéologies politiques, s’empare désormais des structures étatiques pour les vider de leur substance sociale et les pervertir par la loi du marché. S’imposent des réformes drastiques, sous prétexte de modernisations incontournables, qui légitiment le partage de la société entre des masses paupérisées, servilisées par des techniques sophistiquées de manipulation médiatique et de conditionnement psychologique d’une part, et d’autre part des accumulations financières immenses, devenues ingérables à force d’être occultes. L’éducation s’organise comme une « fabrique du consentement » qui inculque l’adaptabilité, la flexibilité, la mobilité. « Pour mener à bien une propagande, il doit y avoir une barrière entre le public et les évènements » (Walter Lippmann, Public Opinion, 1922). S’évacue l’esprit critique comme vaine élucubration philosophique. D’un côté des réalités sociales chaotiques, et d’un autre côté des rationalités technocratiques déconnectées de la vie quotidienne.

Pour un véritable droit d’auteur au Maroc (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 20 Mai 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Le droit romain ignorait la propriété artistique et littéraire, mais pas la voix les poètes. Martial, au premier siècle après Jésus-Christ, traitait les contrefacteurs de ses poèmes de chapardeurs et de plagiari, qualificatif qui désignait les voleurs d’esclaves, d’où les mots français de plagiat et de plagiaire. Le droit d’auteur, régi par le code de la propriété intellectuelle, est né sous la Révolution française, pour protéger les auteurs contre la rapacité des éditeurs. Voltaire et Beaumarchais en étaient les énergiques promoteurs. L’œuvre d’esprit est juridiquement définie comme une création libre, incarnée dans une forme originale et une stylistique singulière. Ce droit d’auteur se décline en deux catégories de prérogatives. Le droit moral, perpétuel et incessible, donne pouvoir de s’opposer aux amputations, aux falsifications, aux contrefaçons de l’œuvre, et peut se perpétuer pendant des siècles à travers les descendants. Les droits patrimoniaux, perdurables pendant 70 ans après la mort de l’auteur, prévoient une rémunération en contrepartie des autorisations d’utilisation, de reproduction, de représentation. Les controverses esthétiques n’entament en rien le droit. Toute œuvre inédite, libre, originale, mérite protection indépendamment des opinions et des polémiques qu’elle suscite.

Mehdi Qotbi célèbre les cinquante ans de son activité artistique à Paris (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Arts

 

Paris. Avril 2019. Mehdi Qotbi célèbre les cinquante ans de son activité artistique sur les Champs Elysées, dans l’hôtel Marcel Dassault, siège d’Artcurial. L’artiste, redevenu lui-même, affiche, sans ambages, sa joie de revivre un vernissage après plusieurs années d’absence. Le président des musées marocains peut se prévaloir d’un bel activisme pour le rayonnement culturel du Maroc. Les expositions prestigieuses se succèdent. Les partenariats avec les institutions internationales se multiplient.

Je revois Mehdi Qotbi en tête à tête le lendemain matin. Il me confie son désir de se retirer le plus possible dans son atelier : « J’ai besoin de cette solitude de la création, de ce dialogue avec mes pinceaux et mes peaux de peinture, de ce corps à corps avec la toile, sans regard extérieur qui scrute et juge. Je n’oublie pas que je suis né artiste peintre, que je serai artiste peintre jusqu’à mon dernier souffle. La peinture est mon seul langage ».

Djemila (Par Elisabeth Bouillot et Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

Départ de la Tour 106 des Minguettes, qui s’écroule, emportant avec elle l’urbaine sérialité des grands ensembles. Entre des parents incompréhensifs et une fratrie divisée, la petite fille regarde le ciel, plane entre être et néant. Elle écoute en boucle Barry white, Marvin Gaye, Donna Summer. La destinée s’augure musicale. Réminiscences sensitives à vie. Lycée en pointillés. Fugues par intermittences. Explorations du monde de la nuit. Danseuse sexy. Un frère la mouche au père autoritaire. Brutalités répétitives. Fuite sans retour. A quinze ans.

Paris, bien sûr. Djemila Khelfa débarque à l’improviste chez une grande sœur généreuse, amie de célébrités artistiques et littéraires. Michel Foucault entre autres. Adolescente des stratosphères, propulsée dans les hautes sphères. Jean-Luc Hennig, agrégé de grammaire, journaliste à Libération, rédacteur en chef du mythique Rolling Stone France, animateur sur Fréquence Gaie, auteur prolixe de livres sur la nuit, le sexe, la mort. Et toute sa bande, intempestive, provocatrice, fascinante. On les appelle « Les homos de Libé ». Des artistes et des intellectuels, argentins, brésiliens, latino-américains, s’agglomèrent dans les boîtes sulfureuses. Marcia Baila des Rita Mitsouko casse les codes de la variété. Catherine Ringer et Fred Chichin mettent le feu aux planches. Cœur brûlant du Paris transgressif. Triangle magique de l’art volcanique avec New-York et Berlin. Paname conquise en toute liberté. Sans domicile fixe.