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Articles taggés avec: Saha Mustapha

La smart city entre autogestion citoyenne et manipulation technocratique (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Jeudi, 12 Septembre 2019. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Théoriquement la smart city est une cité régie par les technologies de l’information et de la communication (TIC), qui collectent des données pour optimiser la gestion des ressources, les centrales électriques, les approvisionnements d’eau, et maximaliser les services urbains, les systèmes d’information et de signalisation, les équipements collectifs, les transports… Les agents administratifs interagissent directement avec les infrastructures en surveillant leurs performances et leur bon fonctionnement. Se combinent les infrastructures et les superstructures, la gouvernance algorithmique et l’initiative humaine, l’autorégulation machinique et l’objectivation des perspectives.

La mutation numérique s’avère encore une fois à double tranchant. Se dessinent deux options incompatibles, l’autogestion citoyenne de la vie urbaine ou sa mise sous contrôle technocratique. Le néolibéralisme tente de caractériser la smart city par ses performances dans un système de concurrence générale où les fabricants entretiennent la surenchère gadgétaire, où les nouveaux modèles d’instrumentation électronique mis sur le marché obsolétisent le précédents.

La trompette philosophique de Boris Vian (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 06 Septembre 2019. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

 

Il y a soixante ans, le 23 juin 1959, Boris Vian est terrassé par une crise cardiaque dans le cinéma Le Marbeuf des Champs-Elysées. « Le Satrape Transcendant » meurt de colère contre la falsification de son livre J’irai cracher sur vos tombes par d’affreux surintendants.

Librairie de Cluny, à proximité de la Sorbonne. Je déniche des volumes anciens de Boris Vian aux éditions Jean-Jacques Pauvert. Belle opportunité de relecture à l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, hanté par le fantôme de l’écrivain maudit, lanciné par le vaticinateur précoce de la révolution ludique. L’amour se dit avec des pavés et s’immortalise dans les slogans pyrogravés. La correspondance baudelairienne abolit l’écart temporel dans la sentence einsteinienne. Laissons les commémorations pompeuses et les consécrations trompeuses aux autres. Un bouquet d’étincelles nous suffit.

Bou Hmara, faux sultan et vrai rebelle (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 30 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Le véritable nom de Rogui Bou Hmara, l’homme à l’ânesse, est Jilali ben Driss Zerhouni el Youssefi. Il vient au monde en 1860 ou 1865, selon les sources, sur le mont Zerhoun dans une famille pauvre des Ouled Abbou, fraction de la tribu des Ouled Youssef. La date de naissance des marocains, inscrite ou non dans les registres civils, est aléatoire jusqu’à l’indépendance. Driss Chraïbi raconte, dans ses récits autobiographiques, des anecdotes savoureuses à ce sujet. L’incertitude historique alimente le mythe, probabilise l’autofiction reconstructive. Bou Hmara appartient à une longue tradition où la mémoire collective refaçonne les insurgés en héros thaumaturgiques. L’hétéronyme Bou Hmara assure la fonction de l’énigme, habite les mémoires comme une empreinte hallucinatoire, hante les conversations comme un spectre fascinatoire. L’homme à l’ânesse est équivoque, notable et barbaresque, redoutable et canularesque. C’est finalement le compagnonnage de l’ânesse qui le fait entrer dans la légende comme Rossinante, la jument squelettique de Don Quichotte. Plusieurs interprétations circulent sur cette caractéristique burlesque, extravagante, clownesque. Bou Hmara serait un érudit qui ne se sépare jamais de sa bibliothèque qu’il transporte partout sur sa bourrique. Le contraste, dans ce cas, est frappant entre le savant et sa science profuse, et l’ânesse et son ignorance confuse. La symbolique se prolonge au-delà de cette opposition. L’âne n’est-il pas le qualificatif ironique du makhzen ?

Michel Serres Le Messager (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

La disparition subite d’une vieille complicité philosophique se vit, non point comme un vide, mais comme une tempête émotive et une secousse cognitive, qui font remonter à la surface les souvenirs par vagues successives. A commencer par ces conversations rhizomiques, hyperboliques, frénétiques à l’Université libre et libertaire de Vincennes, une auberge espagnole ouverte aux salariés et aux non-bacheliers. Les protagonistes sont entrés depuis longtemps dans la postérité. Michel Serres rejoint ses géniaux acolytes, Michel Foucault, François Châtelet, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard… Demeurent des chefs-d’œuvre, des livres fondateurs, des pensées délivrées des vieilles ornières académiques. Souvenirs, souvenirs. Souvenirs des cours improvisés comme des palabres africaines, dans la brume hallucinante des clopes et des cibiches clandestines, des étudiants agglutinés par terre, des diatribes théâtrales dans une atmosphère chaotique, où la contestation fait office d’esprit critique. L’enjeu central, la remise en cause du patriarcat pédagogique, de l’autorité mandarinale des professeurs, qui cultivent, du jour au lendemain, comme leurs disciples, l’autodérision en salutaire antidote.

La dérive ludique du monde (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 24 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

Le jeu, comme le rire, est indissociable de l’aventure humaine. Quand l’imaginaire s’investit dans la recherche des possibles, réactive les vitalités cathartiques, les explorations fantastiques, les exaltations poétiques, il échappe aux mécaniques normatives. Le jeu détourne les choses de leurs fonctionnalités pragmatiques et leur confère une aura magique. Il met en œuvre l’acte adamique de nomination en vertu duquel les choses existent et tisse des ressemblances improbables dont le langage est l’archive (Walter Benjamin). L’irrationalité ludique restructure le monde, relie des réalités dissociées par des passerelles invisibles, combine des polarités disparates dans des esthétiques imprévisibles. La peinture enfantine recompose intuitivement les formes essentielles et les couleurs substantielles de la nature. Walter Benjamin situe dans cette anamnèse platonicienne la jonction entre l’accomplissement de l’expérience, l’acquisition de la connaissance et la transformation de la conscience. Le livre d’images est le paradis des visions initiatiques, la terre originelle du souvenir désencombré de la nostalgie. L’arc-en-ciel déploie ses chromatiques extraordinaires dans une bulle de savon. L’intelligence analogique, le ludisme écologique, l’autogestion pédagogique s’épanouissent dans la création libre, hors barrières éducatives. Le jeu est libérateur quand il est un espace de création pionnière, un espace de perception buissonnière, un espace de renaissance printanière (Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique).