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Articles taggés avec: Mona

Libre, Sylvia Beretvas (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 06 Février 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, L'Harmattan

Libre, Sylvia Beretvas, Editions l’Harmattan, janvier 2025, 224 pages, 23 €

 

Le récit Libre, comme son sous-titre l’indique (« Quand un soldat de la Wehrmacht et son prisonnier deviennent frères »), fait revivre une histoire extraordinaire survenue lors de la deuxième guerre mondiale. La narratrice et auteure, Sylvia Beretvas, retrace la formidable odyssée de l’officier allemand homosexuel, Richard Abel, qui aida son père, Luigi, et quatre de ses jeunes compagnons juifs, à échapper à la mort à Tunis pendant l’occupation allemande en 1942. À l’arrivée des Alliés, le héros traqué vécut caché chez les parents du jeune juif qui l’adoptèrent comme leur fils. Mais prisonnier au Maroc, aux États-Unis, puis en Angleterre, il dût ironiquement payer les exactions commises par les nazis. C’est grâce à la dent en or donnée par sa mère adoptive juive et cousue au fond de sa doublure, qu’il fut sauvé de la mort dans un camp de travaux forcés. Il ne put retrouver l’Allemagne qu’en 1948 et demeura jusqu’à sa mort, en 2011 à l’âge de 95 ans, frère de cœur du Juif qu’il avait sauvé. L’histoire figure au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem où Richard Abel reçut le titre de « Justes parmi les nations », la plus haute distinction honorifique délivrée par l’État d’Israël et décernée à plus de vingt mille personnes depuis 1953.

Houris, Kamel Daoud (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 07 Janvier 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Houris, Kamel Daoud, Gallimard, Coll. Blanche, août 2024, 416 pages, 23 €

 

Du roman de guerre à la bataille de l’intime

A l’heure où les Afghanes se talibanisent et où jaillissent les cris des Iraniennes : « Femme, Vie, Liberté », peu de temps après la parution du livre de Salman Rushdie, Le Couteau, à propos de l’attaque qui lui a coûté un œil, le jour même où débute le procès de l’assassinat de Samuel Paty, Kamel Daoud, témoin de la montée en puissance des « barbus de Dieu » dans son pays natal, lui-même cible d’une fatwa en 2014, méritait de recevoir la plus prestigieuse récompense littéraire française, le Prix Goncourt, pour son roman Houris, nommé d’après les 72 vierges, récompenses des bienheureux au Paradis d’Allah. Parole libre contre un révisionnisme qui voudrait effacer l’histoire et un totalitarisme religieux, « mutation mortelle au cœur de l’islam » (écrit Salman Rushdie), l’auteur franco-algérien refuse les assignations identitaires (« J’ai le syndrome d’Apollinaire, je suis plus Français que les Français » (Le Point 9/08/24).

L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle, Julien Gobin (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 18 Juin 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Gallimard

L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle, Julien Gobin, Editions Gallimard, février 2024, 304 pages, 21 € Edition: Gallimard

L’individu serait-il une espèce en voie d’extinction dans nos sociétés ultra individualistes ? Dans son premier essai, L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle, Julien Gobin manie l’art des paradoxes. Le jeune philosophe observe avec grande justesse notre époque « postmoderne », d’un regard à la fois empathique et piquant, et nous en livre une description quasi phénoménologique.

L’essai s’ouvre sous le signe de la parodie : « Touche pas à mon post ! », manière de tourner en dérision le narcissisme illimité des internautes et la novlangue qui raffole de « termes hybrides, insaisissables et liquides » tels que « post-modernité, post-vérité, post-sexualité ».

Le livre se structure autour d’une métaphore tirée de l’entomologie : la chrysalide. Ce qui semble décadence de l’Occident et fin de l’Histoire ne serait qu’un état intermédiaire, comme celui de la chenille qui quitte son cocon pour devenir papillon. Julien Gobin décrit cette nouvelle civilisation en train de prendre forme, une société techniciste, issue des Lumières, mais qui va rendre caduc le credo des Lumières : le libre arbitre de l’individu.

Stupeur, Zeruya Shalev (2e partie) (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 21 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Israël, Roman, Gallimard

Stupeur, Zeruya Shalev, Gallimard, juin 2023, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 364 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

II.

Une allégorie de la culpabilité

La malédiction qui hante le roman s’illustre par des allusions récurrentes au rite du bouc expiatoire, l’animal chargé des iniquités du peuple d’Israël poussé dans le vide du haut du mont Azazel le jour du Grand Pardon. Ce leitmotiv met l’accent sur le malheur des personnages, tous condamnés à battre leur coulpe : Rachel se revoit dans sa jeunesse avec Mano « tels les deux boucs propitiatoires », et compare sa chute dans un précipice à celle de l’animal sacrifié. Ses frères d’armes lui semblent avoir « servi de bouc émissaire, à l’instar du bouc chargé des péchés d’Israël qu’on envoyait du temple dans le désert le jour du Kippour ». Atara s’attribue la faute de l’enrôlement de son fils dans une brigade d’élite : « de tes propres mains, tu l’avais poussé du haut du précipice qui s’ouvrait au pied de l’antique ». La faute originelle, c’est celle de Mano qui s’est considéré l’assassin d’une jeune fille morte par hasard (« quel démon avait bien pu le saisir pour qu’il endosse une telle responsabilité ? »).

Stupeur, Zeruya Shalev (par Mona) 1ère partie

Ecrit par Mona , le Mercredi, 13 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Israël, Roman, Gallimard

Stupeur, Zeruya Shalev, Gallimard, juin 2023, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 364 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

Stupeur, le titre du dernier roman de l’écrivaine israélienne Zeruya Shalev, publié quelques mois avant les attaques du 7 octobre, résonne involontairement avec l’actualité tragique. Son sixième livre traduit en français, l’un de ses plus denses, fruit d’un travail de six années, met en scène deux femmes de deux générations différentes, à l’idéologie et au caractère opposés, victimes de non-dits familiaux. Dans un précédent roman, Douleur, inspiré d’un attentat-suicide dont elle avait été victime à Jérusalem, l’auteure traitait déjà d’un passé douloureux venant hanter les protagonistes.

Atara, jeune femme moderne et sans tabous, se trouve frappée de stupeur quand sur son lit de mort, son père, Menahem dit Mano, l’appelle d’un prénom inconnu, Rachel, et lui fait une déclaration d’amour inspirée du Cantique des Cantiques.