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Un monstre et un chaos, Hubert Haddad (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Zulma

Un monstre et un chaos, août 2019, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Une belle leçon d’humanité

Hubert Haddad nous conte une « histoire pleine de bruit et de fureur », pas juste celle du monde juif mais celle d’une humanité tout entière qui a sombré. Le monstre et le chaos du titre nous plongent dans la transgression des normes humaines, « folle mécanique sans contour », et le un, déterminant indéfini, souligne la valeur générale de cette « monstruosité sans faille bientôt universelle ».

L’auteur joue habilement avec le double registre du réel et du fantastique auquel appartient le monstre. Il ressuscite le shtetl défunt et fait revivre le deuxième plus grand ghetto de Pologne, le ghetto de Lodz appelé Litzmannstadt par les nazis, transformé en énorme centre industriel sous le règne corrompu du « roi Chaim », le doyen Rumkovski. Cet homme au passé humanitaire pourtant irréprochable a prononcé le discours monstrueux « donnez-moi vos enfants », retranscrit par l’auteur. Appel terrifiant à la population juive pour livrer 20.000 enfants aux monstres du Reich dans la folle illusion d’assurer la survie des autres.

Corps Texte : Esthétique de la lecture à voix haute, Caroline Girard, Franck Magloire (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 28 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Corps Texte : Esthétique de la lecture à voix haute, Caroline Girard, Franck Magloire, Editions Le Soupirail, mai 2019, dessins Marion Dussaussois, 117 pages, 18 €

 

La lecture à voix haute, un art de funambule.

Corps Texte offre une esthétique de la lecture à voix haute à travers un dialogue concis mais très dense entre la fondatrice de La Liseuse, Caroline Girard, et l’écrivain Franck Magloire. Avec le premier mot de son titre évocateur, « Corps », on comprend d’emblée que lire à voix haute, c’est d’abord lire avec son corps, un corps-outil qui s’approprie un texte. Le lecteur engage un corps à corps avec la matière du langage. Medium, il se met aux ordres du corps pour être au service du texte, tout le texte, rien que le texte. Il travaille le souffle et le tempo non sans rappeler l’acteur-athlète évoqué par Antonin Artaud. Alors, lire à voix haute, une simple histoire d’organes ? Le propos du livre, clair et limpide, renvoie à de lancinantes questions occidentales sur l’acteur et la littérature. Entre l’école de Stanislavski qui recommande à l’acteur de puiser dans ses propres affects et la distanciation brechtienne qui met les affects entre parenthèses, le choix est clair : « il n’y a ni trace ni place pour l’émotion du lecteur » nous dit Caroline Girard.

Un ennemi du peuple, Henrik Ibsen (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

 

Ibsen, un ennemi du peuple politiquement incorrect

Dans une petite ville qui tire tous ses revenus d’une station thermale, le frère du préfet, un médecin humaniste et bien intentionné, découvre que les eaux sont empoisonnées et se lance dans un violent combat pour la vérité. Les notables menacés se liguent pour le faire taire et manipuler l’opinion publique, mais lors d’un grand rassemblement de citoyens le docteur tente de rallier le peuple à sa cause. Sa harangue à la foule représente un tournant dans la pièce : le docteur devait faire une démonstration concrète sur le problème des canalisations infectées mais son esprit se brouille. Il se lance alors dans de « grandes révélations » (« je veux vous communiquer une découverte d’une tout autre portée que les broutilles comme l’empoisonnement de nos canalisations ») et professe des considérations enflammées sur la bêtise crasse des masses.

Palestine, Hubert Haddad (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 20 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Palestine, Hubert Haddad, (prix Renaudot Poche 2009) . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Folio (Gallimard)

 

Au cours d’une embuscade en Cisjordanie, Cham, un soldat israélien gravement blessé, se fait recueillir par une famille de palestiniens pacifistes (« c’est seulement avec la paix que nous pourrons vaincre »). A son réveil, frappé d’amnésie, il prend l’identité du frère disparu de la palestinienne qui le soigne et devient un des leurs. D’abord caché dans la fosse d’un cimetière, jeté hors du temps sans repères, étranger au monde et à lui-même, il devient Nassim, terré chez des activistes palestiniens. Une faction plus violente l’envoie en mission suicide à Hébron muni d’un passeport israélien, le sien même qu’on lui avait un jour dérobé près du Tombeau des Patriarches…

Palestine c’est l’histoire d’une frontière floue, d’un dédoublement schizophrénique judéo-arabe, d’un état somnambulique entre l’être et le néant (« Tout s’estompe. Un brouillard monte. Personne n’existe. Il dort, il est peut-être mort… Peut-être n’est-il pas mort ? »). Lorsque les bulldozers rasent une maison palestinienne, le protagoniste pose la question dramatique du roman : « Comment habiter toute une nuit la maison démolie ? ». Frontière floue entre le psychique et le politique.

A propos de Sérotonine, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion, janvier 2019, 347 pages, 22 €

 

Il n’y a que la forme qui sauve : pourquoi Michel Houellebecq est un grand écrivain

« C’était un lecteur exhaustif », annonce le narrateur de Sérotonine à la vue d’un patron de bistrot plongé dans France Football. Michel Houellebecq n’écrit pas un article de Paris Normandie mais une œuvre littéraire et l’on se doit d’être ce « lecteur inhabituellement attentif ».

Le roman tire son nom de l’hormone du bonheur indispensable à la survie de notre espèce, la sérotonine. On sait que nos humeurs se réduisent à présent à des neurotransmetteurs. Merci les neurosciences.

Ainsi le narrateur du roman qui porte ironiquement le nom scientifique du bonheur est un personnage suicidaire dégoûté par « l’insupportable vacuité des jours ». Le premier et le dernier chapitre du livre s’ouvrent par le « petit comprimé blanc, ovale, sécable », le Captorix, pilule du bonheur prescrite au narrateur, « vieux mâle vaincu » qui n’arrive plus même à se masturber.