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A Mi-Chemin, Sam Shepard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Mai 2017. , dans La Une Livres, Pavillons (Poche), Les Livres, Critiques, Nouvelles, USA

A Mi-Chemin, août 2016, trad. américain Bernard Cohen, 202 pages, 8 € . Ecrivain(s): Sam Shepard Edition: Pavillons (Poche)

 

Nul doute que Sam Shepard soit un nouvelliste exceptionnel. On entend dans ses récits la paternité de Raymond Carver par son art d’une sobriété époustouflante et celle du Montana, dans sa passion dévorante pour la nature et les grands espaces. Les nouvelles rassemblées ici condensent son talent de conteur de coupes de vie, serties dans des moments, des situations improbables.

Ce recueil nous offre 18 nouvelles courtes dans lesquelles, avec une énergie et une tension permanentes, Shepard brosse un monde peuplé d’hommes rudes et fiers, de femmes qui ne le sont pas moins, dans des cadres naturels sauvages et solitaires. Un monde où les animaux, chevaux, chiens, chèvres, tiennent une place éminente aux côtés des humains, une place où ils sont des êtres à part entière, nobles et sacrés. Ainsi dès la première nouvelle, Le Guérisseur, cette scène splendide avec un cheval indomptable :

« Sur son dos, les muscles ondulaient comme des couleuvres. Des coulées de sueur noire sortaient de sa crinière. J’avais dans le nez l’odeur de la peur, aussi forte que celle d’un rat mort dans une mangeoire. Peur animale et peur humaine, entremêlées ».

Dans les eaux troubles, Neil Jordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Mai 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Iles britanniques, Roman

Dans les eaux troubles (The Drowned Detective), avril 2017, trad. anglais (Irlande) Florence Lévy-Paoloni, 274 pages, 22 € . Ecrivain(s): Neil Jordan Edition: Joelle Losfeld

 

Neil Jordan n’a guère son pareil pour créer des univers en-soi, situés on ne sait pas bien où, peuplés par on ne sait pas bien qui, traversés par des événements des plus étranges. Ce roman, passionnant de bout en bout, ne fait pas exception : on entre dans un monde recomposé à partir des passions et des drames de notre monde. Pour mieux marquer ce « départ » du réel ordinaire, le roman met en scène un héros, Jonathan, qui a quitté son Angleterre natale pour rejoindre on ne sait trop quel pays de l’Est, l’une des anciennes républiques soviétiques. Etrangement, ce pays, cette ville, jamais nommés, sont fortement présents dans le roman. Les descriptions en sont même méticuleuses :

« Nous gravîmes une rue pavée en pente raide, presque médiévale, dont les façades semblaient s’incliner à la rencontre de celles d’en face, comme si leurs gouttières et leurs pignons voulaient se toucher. Peut-être qu’un jour cela se produirait. Ces bâtiments penchaient depuis trois cents ans, les petites fenêtres étaient écrasées par le poids des briques au-dessus et les toits avaient perdu tout semblant de ligne droite ».

Maison des autres, Silvio D’Arzo (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 27 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, Verdier

Maison des autres (Casa d’altri), trad. italien Bernard Simeone, 80 p. 6,20 € . Ecrivain(s): Silvio d'Arzo Edition: Verdier

 

Peu de gens ont entendu parler de Silvio D’Arzo et de ce livre minuscule – tout juste une longue nouvelle – qui constitue pratiquement son œuvre. C’est un secret bien entretenu par quelques lettrés italiens et européens et cette nouvelle édition en langue française, par l’excellente maison Verdier, constitue un événement dont il faut que la France littéraire se saisisse !

C’est un texte prodigieux que nous avons sous les yeux. Certes traduit de l’italien, mais visiblement de manière tellement talentueuse que le choc littéraire ne souffre pas de la version française. Comment un talent pareil a-t-il pu être – et il l’est encore – ignoré ? Silvio d’Arzo est mort à 32 ans, laissant une œuvre réduite à de courts récits, des nouvelles, quelques études. Et, comme un diamant brut, « Casa d’altri », Maison des Autres, qui nous intéresse ici.

Un village, un hameau, des Apennins. Rude, comme ses habitants. Pauvre, comme ses habitants. Sombre, comme ses habitants. Le narrateur est le curé du village qui veille, comme il peut, sur les misérables âmes qui lui ont été confiées. Dans ce bout du monde, nul ne vient par hasard. Ce n’est pas un lieu, c’est un destin.

Quand monte le flot sombre, Margaret Drabble

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Christian Bourgois

Quand monte le flot sombre (The Dark Flood Rises), mars 2017, trad. anglais Christine Laferrière, 452 pages, 23 € . Ecrivain(s): Margaret Drabble Edition: Christian Bourgois

 

Ce roman sombre et grave est très attachant. Son personnage central, Fran, est une « jeune » septuagénaire autour de laquelle se déploie un réseau serré d’ami(e)s, de famille, et vieilles personnes qu’elle va visiter dans des institutions spécialisées en gérontologie. Ce n’est pas un métier, c’est une sorte de mission personnelle, en tout cas une véritable passion. C’est la mort qui passionne Fran. Pas la mort quand elle survient vraiment, mais quand elle est à l’œuvre chez les gens qui vieillissent, quand elle érode les corps, les plissent, les affaiblit, leur provoque des douleurs. Ce qui passionne Fran c’est « quand monte le flot sombre ».

Cela n’est pas fait de façon sinistre ou angoissante, loin de là ! Ce roman est doux, plein de tendresse et d’optimisme. Les personnages – même ceux que la vie a éloignés géographiquement – se préoccupent les uns des autres, maintiennent les liens du cœur issus de leur jeunesse. Fran est une « grande sœur » pour Teresa, une vieille amie malade, pour Claude, son ex-mari – également malade (faut-il le préciser ?), pour tous les gens qu’elle visite, pour ses enfants bien sûr.

Endetté comme une mule, Eric Losfeld

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Mars 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, Tristram

Endetté comme une mule, mars 2017, 300 p. 11,40 € . Ecrivain(s): Eric Losfeld Edition: Tristram

 

 

A Joelle Losfeld

 

C’était un temps (les années 50) où devenir éditeur – ou en tout cas vouloir l’être – était un élan purement militant. Envisager la « carrière » pour gagner de l’argent relevait, à de rares exceptions près, du fantasme. Dans tous les cas, Eric Losfeld a été d’abord un militant, avant toute ambition professionnelle. Militant littéraire en premier lieu, chaque livre qu’il a publié – que ce fût ou pas une bonne idée – a été un engagement personnel. Militant idéologique ensuite, la détestation de la droite, du colonialisme, du racisme, chevillée au corps. Militant éthique enfin : tous les grands combats pour la justice, contre la censure, pour la liberté d’expression, ont été les siens, avant, pendant et après Mai 68.