Identification

Articles taggés avec: Levy Leon-Marc

La théorie de la lumière et de la matière (The Theory of Light and Matter), Andrew Porter (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 22 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Nouvelles, USA

La théorie de la lumière et de la matière, traduit de l'anglais (USA) par France Camus-Pichon. Mai 2011. 208 p. 20 € . Ecrivain(s): Andrew Porter Edition: L'Olivier (Seuil)

Attention, joyau. Ne vous laissez pas piéger par ce titre à terrifier tout esprit non scientifique. Ce livre ne traite pas de physique. Encore un miracle que les Américains cachaient dans leur vivier de nouvellistes étincelants. Andrew Porter nous fait faire une sorte de road reader à travers les USA. Un collier de dix nouvelles inoubliables, scènes à la fois banales et effarantes de la vie quotidienne. C’est là le secret de Porter : il a trouvé la clé du mystère qui lie étroitement le banal et l’effarant. Chaque histoire est un morceau, quelques heures ou un moment unique, de la vie de quelques personnages. Rien d’exceptionnel dans les situations : deux amants nus sur le sol de leur salle de séjour, un fils et ses parents qui ne s’entendent pas, deux enfants qui jouent dans un jardin, un couple qui a adopté un jeune garçon … et doucement, sans en avoir l’air, la dissonance arrive dans l’harmonie apparente, mettant à nu, impitoyable, le réel niché derrière les illusions d’une vie.

« C’est la seule fois de ma vie où j’ai vu mon père en costume avec ma mère en robe du soir. Ils se tiennent par le bras, souriants, serrés l’un contre l’autre, légèrement courbés pour lutter contre le vent, se protégeant de quelque chose qu’ils ne voient pas encore. »

La grande maison (Great House), Nicole Krauss (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 22 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Roman, USA

La grande maison. Traduit de l'anglais (USA) par Paule Guivarch. 334 p 22 € . Ecrivain(s): Nicole Krauss Edition: L'Olivier (Seuil)


« La Grande Maison », on ne l’apprend qu’au dernier chapitre, c’est le grand Temple disparu de Jerusalem. C’est la « maison » purement immatérielle que fabriquent les bribes de mémoire millénaire des juifs du monde.

Titre énigmatique pour un livre qui l’est de bout en bout. Au rugby, on dirait qu’il alterne les temps forts et les temps faibles. Nicole Krauss a fait le choix de bâtir son roman dans une architecture complexe et très apparente : la première partie, il y en a huit, s’intitule « L’audience est ouverte », la cinquième aussi. Le titre de la  deuxième partie « Trous de nage » se retrouve à la septième. Et ainsi de suite. Seules la partie centrale, la plus longue « Mensonges d’enfants » et la dernière, la plus courte, « Weisz » sont uniques dans leur intitulé. On voit le projet : construire une trame délocalisée (New-York, Londres, Jerusalem …), des héros multiples et peu à peu mener aux liens qui font sens d’ensemble. On pense irrésistiblement aux films d’Iñarritu, « Amours chiennes », « 21 grammes » et « Babel », construits sur le même schéma.

Arto Paasilinna, l'amour de la vie (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 08 Mai 2011. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers

Arto Paasilinna, l'amour de la vie


Le dernier livre d’Arto Paasilinna, « Sang Chaud, nerfs d’acier » constitue un moment de bonheur pur pour les deux camps de ses lecteurs : ceux qui le découvrent avec cette œuvre magistrale,  et ceux qui attendent, à chaque Paasilinna, tous les ingrédients de leur addiction. Ce roman/saga, qui allie la densité à la brièveté, est une sorte de concentré, de « manifeste » paasilinnien appliqué à un roman. Le vieux renard finlandais nous emmène dans une  épopée picaresque d’un souffle suffocant.  Linnea Lindeman, accoucheuse et « phoquière » à Ykspihlaja, sur la baie de Botnie, exerce aussi les fonctions mystérieuses de « Pythie » de son village. Chamane, devineresse. « Quand une chamane entre en transe sur une mer en furie, le monde est pris de vertige. Les mouettes heurtent les vagues et les sternes sanglotent. » Comme un conte fantastique (on pense à « La Légende de St Julien l’Hospitalier » de Flaubert) cette histoire commence par des signes annonciateurs : le grondement du monde et la prédiction de Linnea : la belle Hanna Kokkoluoto mettra au monde un fils, son sixième enfant, Antti début janvier 1918. « Ce sera un garçon, il aura une belle vie, et il mourra en 1990 ! »

Entretien avec Pierre Pachet (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 01 Mai 2011. , dans La Une CED, Documents, Les Ecrivains, Les Dossiers, Entretiens, Chroniques Ecritures Dossiers

Entretien mené par Léon-Marc Levy, après la sortie de "Sans Amour" (Denoël)

LML : Vous êtes hanté par le temps, sa fuite irrémédiable. Votre œuvre et votre dernier livre Sans amour en témoignent. Mais souvent vous mesurez le temps, et sa fuite, à l’occasion de grandes douleurs. La mort du père, de la mère, de l’épouse… La scansion du temps est-elle obligatoirement rythmée par les malheurs d’une vie ?


PP : Sans doute, le temps d’une vie, les vies de ceux que j’ai connus, aimés ou simplement approchés, et auxquels j’ai survécu (car c’est cela, être âgé : survivre à ses proches), ce temps compte, il se compte, en années. Mais je ne crois pas en être « hanté ». Je constate simplement. Je suis beaucoup plus sensible au temps intime, celui qui au contraire ne fuit pas, mais stagne : le temps de la solitude, de l’ennui, de l’attente (dans la salle d’attente d’un médecin), du « rien à faire aujourd’hui », ce temps qui pèse autant sur les enfants et  adolescents que sur les vieillards. Ce temps sans repères, qu’il faut parcourir de minute en minute et qui requiert de nous invention, projets, retours sur soi, capacité à se faire exister soi-même par le recours à la « vie intérieure ». Les personnages de Sans amour ont, ou ont tous eu, à faire face à ce temps-là.

Mauvais genre (The Lessons), Naomi Alderman (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 24 Avril 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Iles britanniques, Roman

Mauvais genre. Traduit de l’anglais par Hélène Papot. 380 p. 22 € . Ecrivain(s): Naomi Alderman Edition: L'Olivier (Seuil)

 

C’est rare un livre qui commence par la chute. Enfin je veux dire « une » chute mais elle pèse tant tout au long de cette histoire ! James Stieff vient d’être admis à Oxford, rêve qui dort dans le giron de tout jeune anglais issu de la middle class. Il court, dans le plaisir de l’air glacé et d’un corps parfait, élastique, qui le porte comme un ressort. Il court, au devant d’une vie brillante qui l’attend sûrement. Son pied pose sur une plaque de verglas et il tombe. Lourdement. Tendons et ligaments craquent. La douleur s’abat sur lui. Elle ne le lâchera plus. La douleur physique bien sûr, qui reviendra, nauséeuse, tout au long des années Oxford et au-delà, mais, en même temps, s’annoncent toutes les autres douleurs qui vont s’accumuler jusqu’à l’horreur pendant les temps qui s’ouvrent ce jour-là.

Tout dans ce roman semble évoquer la traditionnelle histoire de la jeunesse dorée d’Oxford : la maison de Mark, l’ami immensément riche, dans laquelle toute une bande de garçons et filles va vivre pendant les trois années d’étude. Fêtes, délires, dérives, rêves, cynisme de la jeunesse. On croit un moment que nous sommes devant une histoire classique, très british, presque déjà connue. Mais quelle erreur !