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Journal de guerre, Ingeborg Bachmann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 27 Novembre 2011. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Biographie, Langue allemande, Récits

Journal de guerre, 2011, Trad. De l'allemand Françoise Rétif, 119 p. 16 € . Ecrivain(s): Ingeborg Bachmann Edition: Actes Sud

Le « Journal » de guerre d’Ingeborg Bachmann, à proprement parler, occupe dans ce petit livre 15 pages. 15 pages écrites par une jeune fille de 18 ans, autrichienne, fille d’un père nazi convaincu et d’une famille et d’un voisinage qui ne le sont pas moins. On est en 1945 et les alliés (essentiellement les Britanniques) occupent le pays après la libération.

La première surprise du lecteur est là. Ces pages de journal d’adolescente n’ont rien d’éblouissant, ni dans la forme, ni dans le contenu et à la page 34 (fin du « journal » déjà !) on se demande un peu s’il était besoin de publier ces lignes somme toute banales, ne présentant apparemment d’autre intérêt que d’être les premières traces d’écriture de celle qui va devenir la plus grande poétesse et auteure de langue allemande de l’après-guerre.

Oui mais. Un événement nous a retenus un peu dans le « journal » : la rencontre d’Ingeborg avec un jeune soldat « libérateur » britannique. Jack Hamesh. Il a une double particularité identitaire : il est autrichien et juif. Pendant la montée des persécutions antisémites, en 1938, il a réussi à s’enfuir vers l’Angleterre. Et son engagement dans l’armée britannique, sa connaissance parfaite de l’allemand, l’ont ramené en 45 vers sa terre natale.

Jack London et son double (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Novembre 2011. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques, USA

Il y a 95 ans aujourd’hui, le 22 novembre 1916, mourait Jack London. Son ombre immense plane encore et toujours sur la littérature, sur les littératures, partout présente, source universelle des chemins d’écriture, de Gorki à Hemingway, d’Arto Paasilinna à Jim Harrison. Entre mille autres.

Il est d'usage de considérer qu'il y a « deux » Jack London. Toute étude sur l’œuvre distingue le Jack London « d’aventures » et le Jack London « socialiste ».

Le premier, celui de notre enfance, le dévoreur d'espaces glacés et infinis, avec ses chiens héroïques et féroces, ses hommes endurcis et solitaires, ses interminables voyages en traîneaux chargés de peaux d'élans, ses tempêtes de neige silencieuses et létales. Un Jack London aventurier, reporter d'un monde à la fois cruel et profondément humain, glacial et chaleureux. Buck, le seul vrai héros de « L'Appel de la Forêt », a été le premier héros romanesque de mes « chemins de lectures », avant D'Artagnan, Jean Valjean, Ivanhoe. Mon premier héros, et j'imagine celui de bon nombre de gens de ma génération, est un chien ! Et la lecture, beaucoup plus tardive, de « Construire un Feu » m'a peut-être révélé l'origine de cette fascination pour les chiens de London : pour n'avoir pas complètement pris la mesure de la férocité de la nature, dans cette sublime nouvelle, le héros humain meurt, de froid. Pas le chien. Parce que les chiens de London ont une perception surhumaine de la nature et quand on est gamin, on aime bien le surhumain, les super-héros. Et tant pis si c'est « Superdog » plutôt que « Superman ».

Le potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison, Arto Paasilinna (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 06 Novembre 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Pays nordiques, Roman, Denoël

Le potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison. Trad. du finnois par Anne Colin du Terrail. Mai 2011. 343 p. 20 € . Ecrivain(s): Arto Paasilinna Edition: Denoël

 

Chaque moment de retrouvailles avec Arto Paasilinna et ses univers merveilleux (entendez bien « merveilleux » au sens de contes merveilleux) constitue une promesse – toujours tenue – de jubilation à la fois littéraire et humaine. Le maître finlandais possède cette aptitude magique à faire naître sous sa plume des univers et des êtres magnifiques de folie, d’étrangeté, de bonté, de délire. Et les histoires vont avec. Abracadabrantes, improbables, aux marges du conte fantastique et cependant tellement proches de l’humaine condition.

L’inspecteur principal Jalmari Jyllänketo, de la sûreté nationale finlandaise enquête dans le cadre pour le moins énigmatique d’un ancien Kolkhoze minier devenu  l’entreprise de culture bio la plus florissante du pays. On y fait pousser, dans les galeries souterraines, des champignons particulièrement succulents et dans les champs immenses des herbes aromatiques sublimes.

Holmes, Freud ... (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Novembre 2011. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers

Littérature, psychanalyse, détectives et autres babioles ...

 

« Quel est l'art, quelle est la méthode, quelle est la pratique qui nous conduisent où il faut aller ? » Plotin, De la dialectique, Ennéade I, livre 3.


La fiction, sous toutes ses formes, filmique, romanesque, a souvent rapproché les figures de Sigmund Freud et de Sherlock Holmes. Je ne vais pas lister, ce serait bien long. Cependant je dois citer, pour le plaisir, le livre « Sherlock Holmes et le cas du Dr Freud » de Michael Shepherd (1984) et surtout le film jubilatoire de Herbert Ross « Sherlock Holmes attaque l'Orient-Express » (1976) dans lequel, notre bon Docteur Freud, encore très jeune, entreprend de guérir le célèbre détective londonien de sa fâcheuse addiction à la cocaïne.

La rencontre était inévitable. Les deux « hommes », le réel et le héros de fiction, font le même métier. Détective. Mot d'origine anglaise, to detect, découvrir, c'est-à-dire rendre visible ce qui pour des raisons diverses ne l'est pas au départ.

Betty, Arnaldur Indridason (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 23 Octobre 2011. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Polars, Pays nordiques, Métailié

Betty. Trad. de l’islandais par Patrick Guelpa. 27 octobre 2011. 206 p. 18€ . Ecrivain(s): Arnaldur Indridason Edition: Métailié

Diamant d’un noir étincelant, Betty est un chef-d’œuvre du genre. Un chef-d’œuvre qui va compter dans la littérature noire. Donc dans la littérature tout court.

On a l’habitude avec Indridason de plonger dans un univers sombre, fatidique, marqué par la course tragique des êtres. Avec Betty, notre Islandais favori, qui abandonne pour ce livre son détective fétiche Erlendur Sveinsson, atteint des sommets, signant un polar digne de la plus belle époque, celle des Chandler, des Goodis. Et puis celle de James Cain. Betty commence bien sûr par une épigraphe de lui :

« Ceci devrait être un meurtre tellement désolant que ça n’en serait même pas un, mais seulement un banal accident de voiture qui arrive quand des hommes sont soûls et qu’il y a de l’eau-de-vie dans la voiture et tout ce qui va avec . » (James M. Cain, Le Facteur sonne toujours deux fois)

Et la citation ne s’arrête pas là. En fait, elle ne s’arrête pas du tout ! Jusqu’à la fin du livre, Indridason nous offre une merveille de « remake » du Facteur. Ce n’est pas nouveau. Ce chef-d’œuvre de la littérature noire a inspiré des centaines de livres et de films.