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Un critique littéraire singulier à l'aurore du XXème siècle : Alfred Jarry (1/3)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 24 Janvier 2013. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

Comme l’écrit Julien Schuh, « [l]a première période de l’écriture de Jarry », qui correspond à « la première moitié » de sa vie d’écrivain, de 1893 à 1899, « peut être analysée comme une forme de quête de l’absolu littéraire : dans le sillage du décadentisme et du symbolisme, et sous l’égide de Remy de Gourmont, Jarry livre des ouvrages d’une obscurité calculée, synthèses voulues de son univers, prétendument libérées des contingences » (1). Cette « obscurité calculée » s’inscrit pleinement dans la mouvance du « rêve mallarméen du livre », rêve qui correspond à toute une époque, étant ontologiquement relié au symbolisme.

Ce rêve est, comme le note Bertrand Marchal, « d’abord un rêve narcissique d’identité absolue, le rêve d’un livre […] total qui enferme dans sa plénitude jalouse, comme les missels à fermoir ou les grimoires des alchimistes, la plénitude du sens » (2). Et cette plénitude du sens ne doit pas être octroyée à quiconque. Pour Jarry comme pour Mallarmé, la lecture est vue comme « un viol » (3). Et, de fait, l’œuvre est « livr[ée] » à la « subjectivité » perçue comme « parasite » (4) du lecteur.

André Kertész et Ludovic Degroote : le geste impossible du souvenir

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 11 Janvier 2013. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

 

A l’occasion de la parution de Monologue de Ludovic Degroote aux éditions Champ Vallon, collection Recueil, octobre 2012, 97 pages, 11,50 €

 

Octobre 1977. Le photographe André Kertész perd sa femme Élisabeth, qu’il a rencontrée près de soixante ans auparavant. Il va faire l’utilisation du Polaroid SX-70, explorant « les possibilités intimistes offertes par ce procédé novateur, très éloigné de la pratique classique : petit format carré (8 x 8 cm), en couleurs, développement immédiat et production d’une vue unique, sans négatif », comme le soulignent Annie-Laure Wanaverbecq et Michel Frizot.

Parallèlement, il découvre dans une vitrine un buste en verre qui l’intrigue. Suite à trois mois d’hésitation, il l’achète.

Marche forcée, oeuvres, 1930-1944, Miklós Radnóti

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 10 Novembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Pays de l'Est, Récits, Phébus

Marche forcée, Œuvres, 1930-1944, trad.hongrois et présentation par Jean-Luc Moreau, Editions Phébus, Collection D’aujourd’hui. Étranger, 2000 . Ecrivain(s): Miklós Radnóti Edition: Phébus

 

« La mort, de notre attente, est la rose vermeille ».

Il était une fois un jeune homme qui marchait vers le nord. Il ne mangeait ni ne buvait. Il ne toucha pas au pain que lui jeta un boulanger. Il ne put y toucher. On cassait les bras qui se tendaient. Il était une fois un homme plein d’espoir qui avait pour compagnons de voyage des hommes qui étaient abattus parce qu’ils étaient pieds nus ou parce qu’ils avaient gardé leurs chaussures. Il était une fois un homme qui voulut malgré tout continuer. Il ne pouvait ni manger, ni boire. Ce qui retint son attention, un soir de magnifique coucher de soleil, ce fut un peu de maïs séché, qui était éparpillé sur le sol, et qui l’appelait. Sans manger ni boire. Le cochon qu’il vit au loin voulut bien lui laisser un peu de son modeste repas (bouillie de maïs). Il était une fois un homme qui marchait en direction du nord. Il vit son ami musicien (qui n’avait guère plus de vingt printemps dans ses chaussures – il les avait gardées –) recevoir une balle dans la nuque parce qu’il ne voulait pas se défaire de son violon (dont il se servait pour vivre). Il le vit se relever, marcher en boitant vers un arbre, et s’écrouler, obéissant au chant d’une mitraillette, lequel avait immédiatement suivi ces aboiements : Der springt noch auf (Il remue encore).

La poésie et les notes d'Antoine Émaz : au plus près (2/2)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 20 Octobre 2012. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

C’est l’une des grandes forces des notes d’Émaz que d’articuler, avec beaucoup de nudité (mais nudité ne veut pas dire absence de pudeur), – en réservant quantité de marges, là où s’avance le dire –, la présence d’un être au monde.

Dans la souffrance de la peur qui tord les boyaux et donne envie de vomir sans qu’il soit possible de le faire comme dans l’atonie paisible d’un regard complètement fixe posé longtemps sur des fleurs qui, elles, ne le sont pas, tressautant légèrement dans le vent.

Dans l’immobilité pensive, parcourue par les traînées nuageuses éparses de la pensée, d’une conscience dans une cuisine, ciel surplombant une nappe.

Si Émaz s’affirme incontestablement comme un auteur majeur de ce siècle naissant, l’un des plus grands poètes, c’est parce qu’il ne triche jamais, ni avec le langage, ni avec lui-même.

L’on est ainsi, en tant que lecteur, face à des livres bruts (mais extraordinairement travaillés, jusque dans leur structure, dans le réseau de tensions qu’ils instaurent en leur sein ; l’un n’exclut pas l’autre) qui questionnent notre rapport au monde, et, en le questionnant, le réinventent.

La poésie et les notes d'Antoine Émaz : au plus près (1/2)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 12 Octobre 2012. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

Caisse claire, poèmes, 1990-1997, anthologie établie par François-Marie Deyrolle, postface de Jean-Patrick Courtois, Points, collection Points. Poésie, 2007, 231 pages, 7,60 €

Sauf, encres de Djamel Meskache, Tarabuste, collection Reprises, 2011, 330 p., 13 €

Cuisine, publie.net, collection Temps réel, 2012, 240 pages, 3,99 €

Cambouis, publie.net, collection Temps réel, 2010, 268 pages, 3,49 €

 

Chaque poème d’Antoine Émaz est force percussive du peu, au plus près des choses, au plus ras du réel.

Il s’agit de dire ce qui est, précisément.

Le poème est os, le plus souvent, même si parfois il est coulée de boue.