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La Vie simple, Pour soi et pour les autres, Carlo Ossola (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 04 Septembre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Italie, Les Belles Lettres

La Vie simple, Pour soi et pour les autres, Carlo Ossola, Les Belles-Lettres, 2023, trad. italien, Lucien d’Azay, Olivier Chiquet, 140 pages, 11,50 € Edition: Les Belles Lettres

 

Qu’est-ce qu’une vie simple ? Sitôt la question formulée, on devine que la réponse sera complexe ou, en tous cas, pas aussi succincte et directe qu’on pourrait s’y attendre. Mais cette question s’est toujours posée, de savoir comment user au mieux de ce bref intervalle de vie (« Nous ne disposons que d’un instant de soleil, un instant précieux et béni », écrivait Irwin D. Yalom) qui nous est accordé entre un néant et – et quoi ? Seules les religions ont prétendu répondre à cette dernière interrogation.

Depuis que la mode est apparue aux États-Unis, les ouvrages de développement personnel abondent et qui voudrait en constituer une collection exhaustive remplirait vite une maison de bonne taille. Il est à peine besoin de souligner leur caractère répétitif, leur désespérante horizontalité et le fait que leur succès accompagne fort bien des sociétés où la consommation d’antidépresseurs et de psychotropes divers atteint des records, et ce, dès le plus jeune âge.

Le XIXe siècle à travers les âges, Philippe Muray (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Août 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Les Belles Lettres

Le XIXe siècle à travers les âges, Philippe Muray, Les Belles-Lettres, février 2024, 652 pages, 29 € Edition: Les Belles Lettres

 

Qu’est-ce que Le XIXe siècle à travers les âges ? L’ouvrage a le volume et l’érudition des anciennes thèses de doctorat d’État et Philippe Muray l’a d’ailleurs conçu dans un cadre universitaire (lors d’un séjour à Stanford, en 1983), mais il manque l’appareil foisonnant des références, les notes infrapaginales qui prolifèrent et remontent parfois jusqu’au titre courant, les dizaines de pages de bibliographie répertoriant ouvrages imprimés, manuscrits conservés dans les endroits les plus insolites ou les moins accessibles, la littérature secondaire recensant même des notules publiées dans des périodiques locaux disparus et oubliés, la volonté d’exhaustivité, enfin, appliquée parfois à un seul auteur, voire à une seule œuvre. Mais le projet de Philippe Muray dépassait les forces d’un homme seul, puisqu’il s’agissait d’embrasser tout un siècle au long duquel on a beaucoup pensé, écrit et publié. Il le définissait ainsi :

Théologie de la cruauté (saint Augustin, Sade et quelques autres), Ghislain Chaufour (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 19 Août 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais

Théologie de la cruauté (saint Augustin, Sade et quelques autres), Ghislain Chaufour, Les Provinciales, mars 2024, 190 pages, 18 €

 

« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille ». Même si nous faisons tout pour l’éviter, aidés en cela par la médecine qui met à notre disposition une gamme d’antalgiques de plus en plus étendue (arrivons-nous à imaginer une intervention chirurgicale sans anesthésie, alors que cela constitua la norme pendant l’essentiel de l’histoire humaine, des trépanations dans les cavernes aux amputations « à chaud » sur les champs de bataille ?), la souffrance – physique, en premier lieu – accompagne nos vies. Si nous ne gardons aucun souvenir de notre naissance, et cela vaut peut-être mieux ainsi, ce moment ne paraît agréable pour personne. À l’autre extrémité de l’existence, il est rare qu’un trépas soit tout à fait indolore et passe inaperçu au trépassé (sans oublier que, pendant des siècles, ce type de décès, quasi-instantané, était considéré avec suspicion et n’était pas regardé comme une « bonne » mort). Dans l’intervalle entre ces deux moments, un assortiment varié de douleurs néphrétiques, vertébrales, coliques, dentaires, céphaliques… nous guette, afin de nous rendre optimistes.

Chronique de la Grande Guerre, Maurice Barrès (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Juillet 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Histoire, Classiques Garnier

Chronique de la Grande Guerre, Maurice Barrès, Classiques Garnier, septembre 2023, édition : Denis Pernot, Vital Rambaud, 1040 pages, 48 € Edition: Classiques Garnier

 

Avant de présenter ce fort volume, il faut commencer par tresser une couronne de laurier aux deux éditeurs scientifiques, Denis Pernot et Vital Rambaud, qui ont accompli un travail admirable, un travail de Bénédictin, pour sélectionner, republier et surtout annoter ces textes de Barrès. L’apparat critique est minutieux et les notes, abondantes, identifient les références les plus obscures et les allusions aux personnages les plus oubliés.

Pendant les quatre années que dura la Première Guerre mondiale, Barrès, qui n’était pas un jeune homme (il avait 52 ans en 1914), donna chaque jour ou presque un article à L’Écho de Paris. Ce n’était même pas le vieux conseil de Pline l’Ancien, nulla dies sine linea, mais bien davantage. Cet ensemble impressionnant, ne serait-ce qu’au point de vue quantitatif, fut réuni après-guerre en quatorze volumes (1920-1924, réédition en 1931-1939), qu’il faut aller chercher chez les libraires d’ancien. Malraux admirait le travail fourni par son prédécesseur :

Villa Florida, Journaux 1918-1934, René Schickele (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 19 Juin 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Récits

Villa Florida, Journaux 1918-1934, René Schickele, éd. Arfuyen, novembre 2023, trad. allemand, Charles Fichter, 260 pages, 18,50 €

 

Mario Praz avait coutume de dire que les écrivains mineurs réfractaient mieux l’esprit de leur époque que ne le faisaient les « phares » baudelairiens, dont le génie dépasse leur propre temps. À n’en pas douter, René Schickele appartient à la première catégorie. Celui qui se définissait comme « citoyen français und deutscher Dichter » (« citoyen français et poète allemand », encore que la notion de Dichter soit complexe et ne se superpose qu’imparfaitement à celle de poète) naquit en 1883, dans une Alsace faisant alors partie de l’Empire allemand, mais le français fut, au sens plein du terme, sa langue maternelle, puisque sa mère était originaire du Territoire de Belfort, la partie de l’Alsace demeurée française après 1870 (ce qui explique sa position insolite dans la nomenclature des départements). Parfaitement à l’aise entre deux cultures antagonistes (Éric-Emmanuel Schmitt remarquait que le Rhin ne sépare pas deux pays, mais deux civilisations), il était un jour en Allemagne et le lendemain à Paris où, jeune journaliste, il fut fasciné par Jaurès. En 1922, il s’installa à Badenweiler, ravissante petite ville allemande, où Tchekhov était mort quelques années plus tôt.