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Articles taggés avec: Banderier Gilles

Poètes et lettrés oubliés de la Rome ancienne, Pierre Vesperini (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Avril 2024. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Histoire, Les Belles Lettres

Poètes et lettrés oubliés de la Rome ancienne, Pierre Vesperini, Les Belles-Lettres, octobre 2023, LXVI+150 pages, 15 € Edition: Les Belles Lettres

 

On connaît, dans Cyrano de Bergerac, ces vers destinés à railler l’Académie française (où, de fait, Edmond Rostand ne fut jamais admis) : « Voici Boudu, Boissat, et Cureau de la Chambre ; // Porchères, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaud… // Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ! ». La perspective est évidemment celle du XIXe siècle, car ces écrivains n’étaient pas obscurs à leur temps. Ils étaient en tout cas suffisamment connus, à tort ou à raison, pour avoir attiré sur eux l’attention des protecteurs de l’Académie. Le reste fut, comme toujours, affaire de servitude ou de liberté d’esprit.

On pourrait tourner des vers analogues avec les noms de Licinius Calvus, Valerius Cato, Julius Calidus, Laevius, Valerius Soranus, ou d’un Salluste qui fut peut-être le futur historien. Même de bons connaisseurs de la littérature latine (il y en a de moins en moins) n’en auront sans doute jamais entendu parler.

Dictionnaire littéraire et culturel de l’insecte, sous la direction d’Alain Montandon (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 04 Avril 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Editions Honoré Champion

Dictionnaire littéraire et culturel de l’insecte, sous la direction d’Alain Montandon, Honoré-Champion Editeur, 2023, 786 pages, 90 €

« And now the scene came swiftly into focus, and staring back at him, showing neither enmity nor friendship, neither excitement nor indifference, were the fathomless eyes of the Watchers. The thin, grotesquely articulated figures stood around him in a close-packed circle, looking down at him across a gulf which neither his mind nor theirs could ever span. Other men would have felt terror, but Marlan only smiled, a little sadly, as he closed his eyes forever. His questing spirit had reached its goal ; he had no more riddles to ask of Time. For in the last moment of his life, as he saw those waiting round him, he knew that the ancient war between Man and insect had long ago been ended, and that Man was not the victor ».

« Et maintenant, très rapidement, la scène devenait plus nette : le dévisageant, ne montrant ni amitié ni hostilité, ni agitation ni indifférence, les yeux insondables des Veilleurs lui apparurent. Ces silhouettes minces, aux articulations grotesques, se tenaient autour de lui en cercle serré, le regardant par-delà un abîme que ni son esprit ni les leurs ne pourraient jamais franchir.[...]

Vivre, Le compte à rebours, Boualem Sansal (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 26 Mars 2024. , dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Vivre, Le compte à rebours, Boualem Sansal, Gallimard, janvier 2024, 234 pages, 19 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

 

On compare souvent Boualem Sansal à Voltaire, en se croyant obligé de préciser parfois : « le Voltaire algérien ». La comparaison n’est pas outrée, à la fois en raison de son style brillant, alerte, incisif, et de sa critique frontale de toutes les religions, islam compris (islam surtout), mais ce serait un Voltaire sans le mépris, la haine, les courbettes et les grimaces.

Comparer un écrivain à ses devanciers, surtout lorsque ceux-ci sont de tout premier ordre, n’est pas l’amoindrir. On ne peut évaluer un auteur que par rapport à ce champ de l’activité humaine qu’on nomme la littérature et qui constitue peut-être une des spécificités de notre espèce (même si de nombreux animaux communiquent entre eux de manière plus ou moins complexe, il ne semble pas qu’ils inventent des histoires : aucune abeille n’a jamais dansé pour signaler un champ de fleurs qui n’existerait pas).

La Pierre et l’ombre, Burhan Sönmez (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 20 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Bassin méditerranéen, Roman, Gallimard

La Pierre et l’ombre, Burhan Sönmez, Gallimard, Coll. Du monde entier, novembre 2023, trad. turc, Julien Lapeyre de Cabanes, 420 pages, 25 € . Ecrivain(s): Burhan Sönmez Edition: Gallimard

 

Il est très rare que l’on se promette de relire un livre avant même de l’avoir terminé, pour en saisir toutes les beautés. C’est pourtant le cas ici. Établir des hiérarchies dans l’œuvre d’un écrivain est toujours un exercice délicat, surtout quand cette œuvre n’est probablement pas achevée. Ce nouveau roman de Burhan Sönmez, traduit (excellement) en français après Maudit soit l’espoir (2018) et Labyrinthe (2020) est le meilleur. Sönmez y entrelace avec une virtuosité inégalée et – on osera le mot – avec génie, les thèmes de ses romans précédents : la mémoire, l’oubli, la prison, « the still sad music of humanity » et, bien entendu, Istanbul, qui n’est pas seulement un décor, une toile de fond, mais quasiment un personnage à part entière.

Jean Rousset, Traduire et compiler le baroque, Maxime Cartron (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Février 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Jean Rousset, Traduire et compiler le baroque, Maxime Cartron, éditions Droz, février 2023, 114 pages, 18,90 €

 

Rares sont les ouvrages de critique littéraire par rapport auxquels il y a un avant et un après, qui modifient irréversiblement le champ d’une discipline. En général, leur but est d’attirer l’attention sur un chercheur et, si tout va bien, de lui permettre d’obtenir un poste universitaire. Jean Rousset (1910-2002) a publié au moins un ouvrage essentiel, La Littérature de l’âge baroque en France, Circé et le Paon, paru chez José Corti en 1953. Jean Rousset n’a pas inventé le concept de baroque, qui vient du domaine des beaux-arts et fut théorisé par Heinrich Wölfflin (1864-1945), un autre savant suisse (« Bologne en particulier respirait l’esprit des papes, de l’Espagne et du baroque. Là, je compris que ce dernier n’était pas simplement une époque, mais qu’il a l’ampleur d’une puissance vitale », écrivait Otto Flake dans ses Scènes d’une vie de bohème, Une jeunesse à Colmar et Strasbourg, Arfuyen, 2023, p.215), mais il s’est avisé qu’on pourrait l’appliquer à la littérature.