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Roman

Villa des hommes, Denis Guedj (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 17 Avril 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Points

Villa des hommes, Ed. Robert Laffont 2007. Réédition Points 2011. 312 p. 7 € . Ecrivain(s): Denis Guedj Edition: Points

 

« - Emmerdez-les le plus possible, Monsieur Matthias. Foutez-leur une belle merde ! Ne laissez pas le monde tourner rond. Quand il tourne rond, on perd la boule. »


C’est Herr Singer qui parle. C’est la fin du livre de Denis GUEDJ « Villa des Hommes ». C’est la fin de l’histoire d’une amitié improbable entre un jeune soldat français blessé dans les combats douteux de la Première Guerre Mondiale et un vieux mathématicien allemand, génial, soigné dans le même hôpital parce qu’il souffre de dépression périodique. Entre eux s’est tissé un lien de plusieurs longs mois, lien fait de silences, de discussions interminables, lien indissoluble tressé dans les mêmes rêves, les mêmes dégoûts. La haine de la guerre, le refus des cécités nationalistes, le rêve partagé d’un monde plus fraternel et plus juste.

Herr Singer c’est, dans une libre inspiration, la figure de Georg CANTOR, mathématicien célèbre, père des « mathématiques modernes », père de la « théorie des ensembles » et des « nombres transfinis ». Monsieur Matthias, c’est un cheminot français qui se retrouve transformé en « chair à canon » dans la "grande boucherie" de 14/18. Rien ne les unit quand le directeur de l’hôpital entre dans la chambre de Herr Singer et lui dit :

Amour, Hanne Orstavik (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 16 Avril 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays nordiques, Les Allusifs

Amour, 2011, 134 pages, 14 € . Ecrivain(s): Hanne Orstavik Edition: Les Allusifs

 

Libéré de l’espoir… non, le petit Jon est trop jeune pour penser cela, penser que c’est cela qui s’installe dans sa tête quand il se couche, au seuil de sa porte, dans la nuit glaciale : il aura neuf ans le lendemain.

Il en a rêvé, de ce train électrique pour son anniversaire, ce train qui siffle dans son esprit et qui les emporte, Vibeke, sa mère et lui. Loin d’ici, dans cet endroit reculé de Norvège où l’on dirait que l’hiver et la nuit ne finiront jamais… Vibeke, sa mère, il ne l’appelle pas autrement, ne pense à elle que sous ce prénom. Une seule fois, vers la fin, il pensera « maman ». Ces deux-là ne se sont pas trouvés, ne se retrouvent pas. Leurs routes se croisent, à un moment, mais implacable, le destin les trace et les traque.

Le fil du récit passe de la mère au fils, enchevêtrant leur soirée d’abord légèrement, puis effroyablement. On assiste, impuissant, à l’inéluctable.

L'Homme mouillé, Antoine Sénanque (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 16 Avril 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset

L’homme mouillé – 207 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antoine Sénanque Edition: Grasset

 

« Kafkaïen ». Le mot est utilisé à toutes les sauces au moindre semblant de mystère qu’on redoute de l’employer. Veut-il encore dire quelque chose ? Mais force est de constater qu’il sied parfaitement au livre d’Antoine Sénanque, L’homme mouillé. Le point de départ évoque celui de La Métamorphose de Kafka : un homme est frappé tout à coup d’un mal inexplicable qui va bientôt devenir son identité même. A l’instar du kafkaïen Gregor Samsa qui se réveille un matin dans la peau d’un insecte, le héros de L’homme mouillé, le hongrois Pal Vadas, lui, dégouline soudain de sueur. Mais pas de n’importe quelle sueur. C’est une sueur abondante, qui coule de toute sa peau et même de ses ongles, et qui coule, coule, coule, quitte parfois à provoquer des inondations et dévaster son appartement. D’ailleurs, techniquement parlant, ce n’est pas tout à fait de la sueur, mais de l’eau de mer, algues comprises.

Son médecin n’y comprend rien, évoque un mystère qui défie la raison. Un mystère qui s’enrichit d’une dimension psychanalytique car cette sudation inexplicable a fait son apparition le 12 mars 1938, le jour de l’anniversaire de la mort du père de Pal Vadas, tombé au champ de bataille lors de la première guerre mondiale. Et ce même jour, il reçoit un courrier lui annonçant la mort de son père…

Purge, Sofi Oksanen (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 13 Avril 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Pays nordiques, Stock

Purge. 2010. 21 € . Ecrivain(s): Sofi Oksanen Edition: Stock

 

« Purger : purifier par élimination des matières étrangères ».

Or, qu’est-ce que l’amour (pour Aliide) sinon cela, une « matière étrangère » qui l’envahit, la comble, l’obstrue.

Dans ce livre, bien sûr il est question de la malédiction d’être femme, une femme en territoire occupé, mais le cœur, le corps ne sont-ils pas aussi territoires occupés quand l’amour advient ?

Avant tout, histoire d’amour âpre, fou, rude. Aliide aime comme une bête, tombe amoureuse de Hans, et cela la conduit à la dénonciation, à faire en elle la part belle à ce qui la dévore, brutalement.

Ce n’est rien, trahir sa sœur, prendre ses biens et sa place, ce n’est rien, vendre, et ce n’est rien non plus tuer l’homme qu’elle aime si elle peut continuer à vivre avec lui, près de lui.

Car, croit-elle vraiment à cette « autre vie », à ce « nouveau départ » dans une ville qui les cachera, Hans et elle, et les engloutira dans l’oubli ? Quand elle lit le cahier secret où Hans avoue sa méfiance envers elle, Aliide hurle son amour déçu, perdu, elle le recrache comme on s’exorcise, comme si elle accouchait d’un enfant mort-né. Et dans le cagibi où elle cachait Hans jusqu’à l’improbable fuite, elle l’enterre vivant.

Fante. John, Fante (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 03 Avril 2011. , dans Roman, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers, Chroniques régulières, La Une CED, Univers d'écrivains, USA

Plein de vie !

John Fante. Prononcez « fanté ». Je dois vous dire d'abord bien sûr : c'est qui John Fante ? Un écrivain, américain. Italo-américain plutôt, la précision est d'importance, elle imprègne toute son œuvre. Sa vie couvre à peu près le XXème siècle, de 1909 à 1983. On ne peut pas esquiver sa vie, elle est la matière même de l'œuvre. Tous ses romans égrènent des épisodes autobiographiques, de l'enfance rude du Colorado (sous les grondements incessants d'un père alcoolique et violent) à la réussite professionnelle et mondaine d'Hollywood (où il sera un scénariste très prisé) et enfin jusqu'à la fin douce et glorieuse, malgré la cécité qui le frappe en 1978, aux côtés de Joyce, son épouse.

Je ne sais pourquoi, bien qu'adulé (et même objet d'un véritable culte !) par des cercles de plus en plus nombreux de passionnés de littérature, Fante n'a pas encore atteint en France la notoriété d'un Steinbeck, d'un Hemingway, d'un Faulkner. Son influence littéraire est pourtant d'une large importance : il est le père spirituel de la « Beat génération », de Charles Bukowski, de Truman Capote, de James Ellroy. Son influence est considérable aussi sur Jim Harrison et « l'école du Montana ».