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Roman

Dire son nom, Francisco Goldman

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 29 Août 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Christian Bourgois, La rentrée littéraire

Dire son nom, Trad. Anglais (USA) Guillemette de Saint Aubin. 440 p. 19€ . Ecrivain(s): Francisco Goldman Edition: Christian Bourgois


Ce livre peut être ludique et léger, ou impudique et pesant comme la mort, pas plus que la mort. C’est, comme tous les récits autour de la perte, une question résurgente : pourquoi ?

La femme du narrateur, Aura, apparaît, la plupart du temps, comme une créature éthérée : c’est un lutin, un elfe, une fée, un petit personnage déroutant, fantasque, doutant, insaisissable. Femme-enfant à la fois spontanée et réfléchie. Le narrateur, le mari, la voit ainsi dans un arbre après sa mort, où son sourire seul lui apparaît, si effrayé à l’idée qu’il puisse la manquer, l’oublier.

La vie d’avant Aura se fait irréelle, imprécise, improbable : a-t-il vraiment vécu avant ? Perpétuellement interrogés, remués, sont le destin, la chance, la mort et la vie et son jeu de roulette : une chance sur (?) qu’ils se rencontrent, une chance sur (?) qu’ils s’aiment… une chance sur (?) que la vague sur cette plage-là soit scélérate, la mauvaise… « Esta es mia » dira Aura, avant de la suivre.

Oméga mineur, Paul Verhaegen

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 17 Août 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Le Cherche-Midi

Oméga Mineur. Le Cherche Midi, Lot 49, 740 p. 25 €. 2010 . Ecrivain(s): Paul Verhaegen Edition: Le Cherche-Midi

 

Il y a des livres qu’on aime tellement qu’on a envie de les partager avec tout le monde. Il y a des livres qui changent la vie d’un lecteur. Il y a des livres comme Oméga Mineur du flamand Paul Verhaeghen.

Oméga Mineur est un monument. Un livre brillantissime comme il n’y en existera peut-être qu’un seul cette année. Ou dans les dix prochaines. Oméga Mineur est un livre total qui a l’ambition folle d’embrasser tout le XXe siècle. Et qui y parvient.

Comment débute-t-on un roman total ? Par une scène de sexe. Parce que « au commencement était l’Acte ».

Par le trou de la serrure, Paul Andermans espionne sa colocataire en pleins ébats. Mais quelque chose l’interpelle. Il a l’impression d’une mise en scène, comme si tout avait été organisé pour qu’il y assiste précisément à ce moment. Pendant plusieurs jours, cette scène va se rejouer dans son esprit et le torturer. Et c’est pourquoi il décide de se lancer dans la rédaction du « Grand livre » que nous pouvons lire.

Vice caché, Thomas Pynchon

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 12 Août 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, USA, Seuil

Vice caché. Traduction de l'anglais (USA) Nicolas Richard. Septembre 2010. 350 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Thomas Pynchon Edition: Seuil


Combien de critiques de livres de Thomas Pynchon parlent de la même chose ? Où il est question d’un auteur qui refuse de se montrer aux médias. Un homme dont on ne connaît de lui qu’une photo, à vingt ans. Pourquoi ce passage obligé ? D’ailleurs, qu’est-ce que ça peut faire ce que fait l’écrivain fait de sa vie ? Quel est l’intérêt ? Ce qui importe, c’est ce qu’il écrit. Est-ce que c’est bon ? Est-ce qu’on aime ? Est-ce que ça peut changer notre vie ?

C’est sans doute qu’il est beaucoup plus facile de gloser sur le personnage que sur une œuvre qui exige une concentration extrême à chaque page. Les personnages abondent, l’intrigue se démultiplie en sous-intrigues, en digressions, et fourmille de détails d’une érudition à faire pâlir un encyclopédiste. Souvent, on se perd. Parfois, c’est amusant, d’autres fois exaspérant et on a l’impression que Pynchon est beaucoup trop intelligent pour nous.

Son dernier opus est sans doute le livre idéal pour aborder son univers. Vice caché, c’est un peu Thomas Pynchon pour les nuls. On n’ira pas jusqu’à dire qu’il est idéal pour la plage, mais il est beaucoup plus linéaire que ses précédents ouvrages.

Entre ciel et terre, Jon Kalman Stefansson

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 10 Août 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Pays nordiques, Gallimard

Entre ciel et terre. 2010. 21 €. Traduit de l'islandais par Eric Boury . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Gallimard

Ne vous fiez pas à son titre un peu bateau : Entre ciel et terre est une merveille.

L’une des toutes premières phrases du livre donne le ton : « C’était en ces années où, probablement, nous étions encore vivants ». Vivants mais en même temps morts, comme Stefánsson l’écrit un peu plus loin : « Nous errons ici, morts, mais pourtant vivants ».

Entre ciel et terre se déroule en Islande, à une époque où on peut écouter Dickens donner des lectures de ses œuvres et où Emile Zola fait l’actualité pour la sortie d’un nouveau roman. L’Islande se trouve alors « à l’extrême limite du monde », si loin à l’écart « que bien des gens ignorent [son] existence ». « Il n’y a aucune ville, pas de chemin de fer, aucun palais » et « rien à voir que des montagnes, des chutes d’eau, des étendues de terre accidentées ». La vie y est rude, d’autant plus qu’il faut faire avec « le voisinage constant de la mort ».

Mais c’est aussi un pays qui devient magnifique sous la plume poétique (image quelque peu galvaudée, mais ô combien vraie !) de Stefánsson. Un pays dans lequel « les montagnes sombrent dans l’eau », où « la mer est bleu de froid », et « respire lourdement ». Un pays où la mer « rêve que le clair de lune est la somme de ses rêves ». C’est aussi un pays qui a « cette lumière capable de te transpercer et de te changer en poète ».

Sukkwan Island, David Vann

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 04 Août 2011. , dans Roman, Les Livres, Recensions, USA, Gallmeister

Sukkwan Island (Gallmeister, 192 p. 21,70 €) . Ecrivain(s): David Vann Edition: Gallmeister


Un père décide d’emmener son fils de 13 ans vivre dans la nature pendant un an. Il a acheté une cabane isolée dans une île sauvage au sud de l’Alaska, dans un paysage de mer et de montagnes. L’endroit est seulement accessible par bateau ou par hydravion. Le plus proche voisin se trouve à trente kilomètres.

Un père et son fils au milieu de la nature. Le pitch de Sukkwan Island, le premier roman de David Vann, présente quelques familiarités avec La Route de Cormac Mc Carthy.

(Une parenthèse sur La Route, le plus grand succès populaire et critique – il a obtenu le Prix Pulitzer – de son auteur. Certains ont parlé d’épure, mais comparé à ce que Cormac McCarthy a pu écrire par le passé – Suttree, Méridien de sang ou La Trilogie des confins – il conviendrait plutôt de pointer une certaine paresse. Cormac McCarthy a désossé son style, comme s’il n’avait livré qu’un scénario ou le squelette du roman qu’il voulait publier. Comme s’il était trop vieux et n’avait plus la force de se faire violence. Est-ce pour cette raison qu’il a décidé de vendre la machine à écrire sur laquelle il a signé tant de chef d’œuvres ?).