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Roman

Zeina, bacha posh, Cécilia Dutter

Ecrit par Laurent Bettoni , le Lundi, 21 Septembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire

Zeina, bacha posh, Le Rocher, août 2015, 218 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Cécilia Dutter

 

Kaboul, années 1980. Le père de la petite Zeina, 3 ans, meurt. Selon une coutume ancestrale, l’avenir de la fillette est désormais tracé : elle sera une bacha posh, une fille déguisée en garçon, seul moyen de survivre à la pauvreté et à la honte d’une famille de femmes puisqu’en Afghanistan ces dernières doivent être « chaperonnées » par un homme dans tous leurs déplacements. À la puberté, les formes de la jeune fille menacent de la trahir, et on la somme de recouvrer son identité originelle. Mais ayant goûté à la liberté réservée aux garçons, Zeina refuse et s’enfuit.

Réfugiée dans les locaux kabouli d’une association occidentale militant en faveur du droit des Afghanes, elle accompagne cette ONG à Paris pour sensibiliser les médias à la douloureuse condition féminine dans son pays. Elle fugue le jour du retour en Afghanistan et survit misérablement dans la capitale jusqu’à ce que sa route croise celle d’un photographe. Fasciné par sa beauté, qu’il devine sous son apparence masculine, il la prend sous sa coupe et parvient à l’imposer dans le milieu de la mode. Égérie des plus grands couturiers, elle sillonne le monde, devient la maîtresse de celui qui l’a découverte et multiplie les conquêtes, cherchant en vain dans le regard masculin à vérifier une identité féminine dont elle doute au plus profond d’elle-même.

Charøgnards, Stéphane Vanderhaeghe

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 19 Septembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Quidam Editeur

Charøgnards, septembre 2015, 260 pages, 20 € . Ecrivain(s): Stéphane Vanderhaeghe Edition: Quidam Editeur

 

Menace sur les mots

C’est peut-être parce qu’il est scénariste et connaît bien Les oiseaux d’Hitchcock que le narrateur de ces Charøgnards va très rapidement comprendre ce qui se passe dans le village où il s’est installé, avec son épouse et leur jeune enfant. Un village où, petit à petit, s’installent des oiseaux noirs : corbeaux, corneilles, choucas, pies… sans réelle agressivité mais lançant comme un défi aux humains par leur seule présence, insidieuse, progressivement envahissante et finalement inquiétante et angoissante, terriblement angoissante. Ils se contentent apparemment d’être là. Sur les fils de téléphone et les toits, sur les voitures qu’ils muent progressivement en carcasses. Tous sont des charognards : des êtres vivants qui se nourrissent de ce qui reste quand les autres meurent. Des charognards dont les déjections empestent et corrodent tout ce qu’elles touchent. Un à un, par couple, par famille, fuient les humains.

L’Oreille de Lacan, Patrice Trigano

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions de la Différence

L’Oreille de Lacan, mai 2015, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patrice Trigano Edition: Editions de la Différence

 

« La vérité, c’est que je ne sais plus à quel saint me vouer pour échapper à l’emprise de mes idées fixes, de mes phobies, pour déjouer les effets dévastateurs de mes états d’âme chaotiques, pour fuir l’inconfort qui irise ma vie d’un soleil malveillant ».

L’Oreille de Lacan est l’histoire tumultueuse de Samuel Rosen, un dandy dépressif et misanthrope, épris de littérature, amateur d’art avisé, un homme au raffinement hors du commun, un homme qui fait de l’art son temps. L’auteur, qui se signale en ouverture du roman, ne va pas manquer de s’inviter au final, sans nouvelles de son personnage, qui s’est envolé. Entre temps, Samuel Rosen se sera approché d’un club très fermé des Omphalosyques, adorateurs du nombril, des illuminés suspendus bouche bée aux paroles du gourou, il aura tenté en vain de s’asseoir sur le divan du fumeur de Culebras torsadés et tourné en rond dans sa bibliothèque, et au milieu de ses objets d’art et de curiosité.

Restos humanos, Jordi Soler

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Belfond

Restos humanos, mars 2015, traduit de l’espagnol (Mexique) par Jean-Marie Saint-Lu, 170 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Jordi Soler Edition: Belfond

 

Difficile d’être un saint au Mexique, même si cette étrange vocation nous taraude comme elle taraude Empédocle, fils secret d’un curé licencieux qu’il appelait oncle, de même que son frère cadet, qui lui par contre ne vise pas la sainteté, mais le pouvoir et l’argent comme bien d’autres énergumènes qui garnissent ce roman. Un roman qui trace le portrait sans concession d’une société où la corruption est sans limite et les scrupules aussi volatiles que la vertu et la morale. Ainsi Empédocle, qui dans la vie ne s’est fixé d’autre but que d’aider ses semblables à s’améliorer, usant aussi bien d’inspiration jungienne, que de tarots et tout un méli-mélo new-ageux, aura bien du mal à se tenir à la sienne. Promenant sa sainteté autoproclamée qu’il s’offre de partager avec qui voudra, entre le marché et le bordel local, sa vocation est cependant réelle et affirmée, renforcée par les quolibets, les insultes et les volées de denrées plus ou moins avariées qu’il ne manque pas de recevoir sur son passage. Vêtu de ses sandales et d’une longue tunique blanche, sorte de christ bouffon et improbable au XXIe siècle, il est la risée de la plupart et révéré cependant par quelques bonnes femmes du cru.

Juste avant l’oubli, Alice Zeniter

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Jeudi, 17 Septembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion, La rentrée littéraire

Juste avant l’oubli, août 2015, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Alice Zeniter Edition: Flammarion

 

Franck aime Emilie, il voudrait fonder une famille avec elle. Mais Emilie n’a qu’une idée en tête, quitter l’enseignement, reprendre une thèse sur un de ses auteurs fétiches. La vie de Franck va basculer le jour où il demande à Emilie de lui faire un enfant et qu’elle dit vouloir faire une thèse.

Contrairement à ses potes, Franck n’est pas un « loup des steppes indomptables ». C’est plutôt un genre de garçon ultra-sensible, à l’écoute de l’autre, et d’une grande émotivité. Cette sensibilité extrême est un paradoxe pour quelqu’un qui travaille comme infirmier et est confronté à longueur de journée à la souffrance des autres. Mais c’est aussi ce qui fait de lui un être très attachant. Car on s’attache à ce personnage fragile et tendre, finalement personnage central du livre dans la mesure où c’est son évolution qu’on suit à travers la destruction de son couple.

En toile de fond, le personnage dominant du livre : l’auteur dont Emilie a fait l’objet de sa thèse et qui la fascine littéralement comme il a passionné de très nombreux lecteurs, au point que les universitaires lui consacrent chaque année un colloque sur l’île où il avait élu domicile quelques années avant sa mort. Donnell s’y serait suicidé, laissant un dernier roman inachevé. Cet élément en lui-même ayant contribué à le rendre un peu plus mystérieux et intéressant sans doute.