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Roman

Régiment de femmes, Clemence Dane

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 26 Juin 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Belfond

Régiment de femmes (Regiment of Women), septembre 2014, traduit de l’anglais par Jeanne Fournier-Pargoire, 487 pages, 19 € . Ecrivain(s): Clemence Dane Edition: Belfond

 

 

Il peut paraître difficile de se plonger dans la lecture de ce Régiment de femmes car il nous impose un saut dans le temps qui n’est pas que celui de l’imaginaire, mais aussi celui de la lecture même, de son rythme. Première œuvre de son auteur, alors âgée de 29 ans, publiée en 1917, donc il n’y a pourtant pas si longtemps au regard de l’histoire de la littérature, l’écriture et le récit s’y déploient en effet dans une dynamique et une durée qui peuvent nous prendre au dépourvu, demandant au lecteur de trouver dans sa propre lecture un tempo et un phrasé qui appartiennent sans doute plus à la musique classique de ce temps qu’au rap ou à d’autres rythmes contemporains. Une difficulté de lecture qui est celle qu’un lecteur du XXIe siècle peut éprouver à la lecture de La Recherche du temps perdu, même si ici, la longueur du récit n’est pas en cause.

Le fil, Sophie Lemp

, le Jeudi, 18 Juin 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions de Fallois

Le fil, mai 2015, 96 pages, 15 € . Ecrivain(s): Sophie Lemp Edition: Editions de Fallois

 

Le parfum du tilleul

Dans la mythologie romaine, les Parques tissent le fil de la destinée. Dans la première scène du Crépuscule des dieux, les Nornes tressent ce même fil mais il se rompt, sinistre présage de ce qu’il va advenir. Chez Sophie Lemp, le fil c’est ce qui la relie à sa grand-mère dont la mort, deux ans auparavant, est la source d’inspiration de son court récit. Une de ces grands-mères idéales qui a l’amour pudique. Sophie l’a très bien connue. Très bien et très mal à la fois, comme elle va le découvrir. Sa grand-mère a laissé trois carnets qu’elle a commencé à noircir après la naissance de sa petite-fille.

« Je me souviens de ce 9 mai 1979 ; le coup de téléphone de la maternité. Le matin, l’après-midi qui n’en finissait plus puis ton papa qui m’appelait vers 16 heures : C’est une belle petite fille ! Écoutez-là ! Et je t’ai entendue pleurer ».

Le fil alterne ainsi entre le présent et le passé : Sophie voit toute son enfance défiler. A chacune des pages noircies par sa grand-mère, elle découvre à quel point elle la chérissait. « Je t’aime ma petite fille et je te souhaite l’espoir, l’équilibre, le courage, l’amour des autres ».

Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, Michaël Uras

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, Christophe Lucquin Éditeur, mai 2014, 224 p. 16 € . Ecrivain(s): Michaël Uras

A l’ombre des souvenirs retrouvés

A lire les informations que l’on trouve ça et là sur Internet concernant la vie de l’auteur, on se dit que le petit Jacques, narrateur de Nos souvenirs flottent dans une eau poisseuse, n’est pas étranger à Michaël Uras. Mêmes origines italiennes du côté du père, maçon de profession, mêmes voyages l’été en direction de la Sardaigne, mêmes enfances et adolescences dans « une petite ville perdue »… Il parle d’ailleurs de ce roman, son deuxième (1), comme d’une « autofiction » (2), même s’il relève davantage, par le mélange assumé du réel et du fictif et par l’absence de pacte, du roman autobiographique.

Mais l’essentiel est ailleurs. A travers un ensemble de situations anecdotiques – premières amours, départs en vacances, jeux avec les enfants du quartier… – le narrateur nous plonge dans son âge tendre qui est celui d’un jeune garçon d’origine modeste, entouré de ses deux frères, de sa mère et de son père immigré italien, vivant dans une petite ville française où se côtoient, au sein du même lotissement, classes moyennes et populaires. Les aventures heureuses et malheureuses de Jacques se succèdent à travers une vingtaine de chapitres qui constituent un ensemble, mais peuvent se lire de manière autonome.

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, Ben Fountain

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, 10/18

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, septembre 2014, trad. de l’anglais (E-U) par Michel Lederer, 408 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Ben Fountain Edition: 10/18

 

 

Lorsqu’on s’intéresse au récit de guerre, force est de constater que les guerres du Golfe semblent avoir peu inspiré les auteurs – ou alors, peu sont traduits, ce qui est aussi une possibilité. Peut-être, par rapport aux guerres précédentes, est-ce l’omniprésence des images journalistiques (qui en plus ne montrent rien ou presque) qui rend difficile la narration ? Car même au point de vue cinématographique, le résultat est plutôt maigre. Dans ce contexte créatif, on constate en plus que l’écriture « intello » est parfois au rendez-vous (voir le pénible Yellow Birds, par Kevin Powers), et on est donc d’autant plus heureusement surpris de tomber sur une véritable perle littéraire : Fin de Mi-Temps pour le Soldat Billy Lynn, par Ben Fountain (1958). Ce roman, publié en 2012 dans sa langue d’origine, n’est pas un récit de guerre dont l’auteur serait un ancien soldat, et ce fait seul peut expliquer la saine mise à distance dont Fountain fait preuve.

Lisbonne mélodies, João Tordo

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 10 Juin 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Actes Sud

Lisbonne mélodies (O Ano Sabático), mai 2015, traduit du portugais par Dominique Nédellec, 240 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): João Tordo Edition: Actes Sud

 

Malgré son titre français, ce n’est pas de la ville de Lisbonne que nous parle ce roman, mais de musique et de création, et encore plus d’identité. Cela commence avec le retour au pays d’un musicien de jazz qui s’est découvert sur le tard une passion pour la contrebasse. Ses armes de jazzman, il les a faites à Québec où il a aussi appris la dépendance à l’alcool. Après quelques années où il s’est perdu lui-même, laissant derrière lui musique et amours rêvés, Hugo revient à Lisbonne, accompagné de son encombrante contrebasse dont il a juré qu’il n’en jouerait plus. Mais revenir là où on ne l’attend pas, où il n’a plus vraiment de place, c’est prendre des risques impossibles à imaginer. Comme celui de rencontrer son double, qui, lui, semble avoir « réussi » : le pianiste de jazz Luis Stockman, qui au cours d’un concert va le trahir, alors qu’ils ne se connaissent pas, en donnant à entendre la mélodie, le thème secret qui est comme l’âme du contrebassiste. Un thème qui le hante et qu’il n’a jamais pu achever et que l’autre lui a « volé ». Un autre qui pourrait être le frère jumeau qu’il aurait pu avoir mais qui n’a jamais vécu… Un frère par les yeux duquel il va apprendre ou réapprendre à voir le monde. La vie. Sa vie.