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Nouvelles

Un membre permanent de la famille, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Mai 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Actes Sud

Un membre permanent de la famille, janvier 2015, traduit de l’américain par Pierre Furlan, 240 pages, 22 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Actes Sud

 

Le hasard des lectures permet parfois de belles collisions : ainsi, lire à quelques semaines de distance seulement Survivants, premier recueil de nouvelles signé Russell Banks, et Un membre permanent de la famille, permet d’à la fois mesurer la distance parcourue par l’auteur du point de vue narratif (la technique est ici maîtrisée à un point humiliant pour tous les auteurs incapables de cohérence), et constater à quel point il est ancré dans quelques thématiques, qu’il cultive et creuse au fil des décennies, comme pour montrer que l’humain a bien peu évolué en quarante ans (sous-entendu : rien de nouveau sous le soleil).

Les treize nouvelles recueillies ici relatent, comme à l’habitude donc chez Banks, l’insignifiance de petites vies banales, sans jamais céder à la tentation des auteurs imbéciles, cette sale manie consistant à vouloir « réenchanter le réel » ou toute autre tricherie narrative ; non, chez Banks, l’homme (et la femme) se distingue par sa banalité, oxymore apparent dont l’auteur tire toute la richesse possible, que ce soit dans le Nord-Ouest des Etats-Unis ou à Miami, lieux entre lesquels se partagent les présentes nouvelles.

La fête des corbeaux, Thomas McGuane

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 26 Mai 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Christian Bourgois

La fête des corbeaux, mai 2015, traduit de l’anglais (USA) par Éric Chédaille, 336 pages, 20 € . Ecrivain(s): Thomas McGuane Edition: Christian Bourgois

 

La fête des corbeaux, ce sont dix-sept nouvelles et autant de superbes pochades dans lesquelles Thomas McGuane déroule les fils emmêlés des rapports des liens du sang. Rapports dont la haute toxicité façonne des êtres qui subissent, se plient passivement aux désirs des figures parentales ou tentent de s’en échapper, le plus souvent en vain, par manque de confiance et surtout d’estime de soi. Une toxicité qui se transmet inéluctablement de génération en génération, empoisonne et emprisonne les couples, détruit les enfants, fait se dissoudre les rapports amicaux et conduit les anciens, faute de solidarité, vers l’asile ou la maison de retraite. Dix-sept tranches de vies déliquescentes.

La perversité à peine voilée des relations à l’intérieur des couples, l’absence de communication véritable, les jeux malsains de pouvoir au sein de ces binômes, s’exercent avec une saisissante acuité dans nombre de ces nouvelles. Prise à témoin ou plutôt comme otage, la descendance morfle et trouve des aménagements pour survivre. Ainsi dans la première histoire, Un problème de poids, le narrateur déclare : Je ne manque pas d’affection pour mes parents, mais ces deux-là sont enfermés dans quelque chose d’exclusif au point d’être hermétiquement clos à tous les autres, y compris moi-même (p.21).

Le Salon des incurables, Fernando Aramburu

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 07 Mai 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Buchet-Chastel

Le Salon des incurables, traduit de l’espagnol par Vincent Ozanam (No ser no duele, 1997), 309 pages, 23 € . Ecrivain(s): Fernando Aramburu Edition: Buchet-Chastel

 

 

Il est difficile d’imaginer quelqu’un de plus rangé, discret jusqu’à l’insignifiance, qu’Avelino Armisén. C’est pourtant ce pharmacien consciencieux qui va tuer sa mère d’une façon bien inattendue. Que cache et que recherche cette élégante enseignante, obsédée par l’odeur de ses mains et jusqu’où Boni ira-t-il puiser son inspiration littéraire dans son désir d’être écrivain ?… Les personnages de Fernando Aramburu semblent bien « incurables » pour ne pas dire irrécupérables ! Ils vivent et survivent pourtant comme ils peuvent, essayant d’échapper à eux-mêmes autant qu’aux autres ou qu’aux événements qui les oppressent ou les enferment de façon incompréhensible. Leurs comportements peuvent paraître absurdes, mais c’est peut-être surtout le monde dans lequel ils vivent qui est absurde, insensé, quand il n’est pas cruel et terrifiant. L’issue n’est jamais où on l’attend, et elle n’ouvre pas forcément sur la solution espérée. Celui qui pense être Silas en fera durement l’expérience face à son incompréhensible hospitalisation.

Un dernier verre de thé et autres nouvelles, Mohammed El-Bisatie

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays arabes, Sindbad, Actes Sud

Un dernier verre de thé et autres nouvelles, octobre 2014, traduit de l’arabe (Egypte) par Edwige Lambert, 240 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Mohammed El-Bisatie Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Un clair-obscur, comme des âmes oubliées à la fatalité…

Un dernier verre de thé et autres nouvelles est une anthologie, composée de 27 nouvelles, qui retrace l’itinéraire de son auteur pendant une quarantaine d’années au regard de ce qui précède et annonce l’histoire égyptienne dans ses mutations et ses révolutions.

« Le professeur ouvre les yeux. Il voit le barbu secouer la poussière de sa gallabeya, puis s’avancer lourdement et rester sur le seuil de la bâtisse. Ses yeux sont fixés sur son dos large. Les branches de l’arbre sont immobiles. Les lèvres du professeur se mettent à trembler. Il les serre. Il se tait ».

« Je l’ai vue de mes propres yeux ! », mais que peut-on voir quand la nuit éclaire de son ombre la vie simple des sans vies, une terre d’extrême pauvreté, un pays de laissés-pour-compte, des marginaux à la dignité intacte, dans une Égypte intemporelle, sèche, comme la terre qui est sensée la nourrir, quand l’eau du canal qui ne charrie plus la vie pour des récoltes abondantes, mais, des cadavres, des immondices au milieu de l’écume et des herbes ?

De haute lutte, Ambai

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 10 Avril 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Zulma

De haute lutte, février 2015, traduit du tamoul par Dominique Vitalyos et Krishna Nagarathinam, 215 pages, 18 € . Ecrivain(s): Ambai Edition: Zulma

 

Ce recueil incisif rassemble quatre nouvelles, qu’on pourrait presque qualifier de romans par leur longueur, par le nombre des fragments constitutifs de leur déroulement narratif, par l’amplitude spatio-temporelle de l’intrigue et par la richesse contextuelle de l’histoire individuelle de leur personnage principal.

Le manuscrit : Chentamarai baigne depuis l’enfance dans un milieu d’artistes où sa mère, Tirumakal, une universitaire férue de littérature, de poésie, de chansons et musiques classiques indiennes qui tient salon tous les vendredis, ayant quitté son mari, fait figure de femme libre au sein d’une société dominée par les hommes. Chentamarai découvre un jour un manuscrit dans lequel sa mère raconte les difficultés et humiliations qu’elle a connues dans sa vie conjugale, dans sa relation avec son époux.

Mais dites-moi, qu’y a-t-il de révolutionnaire à dire qu’une veuve ne peut espérer retrouver l’accès à une vie digne de ce nom qu’en se remariant ? […] Quand vous affirmez qu’il est nécessaire de lui associer un homme pour lui offrir une nouvelle vie, c’est comme si vous disiez qu’elle doit toujours rester sous le contrôle d’un représentant du genre masculin…