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Nouvelles

Cigogne, Jean-Luc A. d’Asciano

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 10 Septembre 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Serge Safran éditeur

Cigogne, mars 2015, 184 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Jean-Luc A. d’Asciano Edition: Serge Safran éditeur

 

C’est un véritable et déconcertant régal que nous sert ici Jean-Luc d’Asciano, en sept nouvelles, ciselées comme des joyaux rares, sept nouvelles étranges, dérangeantes, on en frissonne souvent. C’est beau et puis noir et mystérieux comme un lac profond. On navigue entre portraits de personnages atypiques, réalité sociale et contes initiatiques forcément un peu cruels, et drôles aussi. L’enfance y est très présente avec tout son potentiel de création et de destruction et puis des animaux, beaucoup d’animaux. En fait, c’est difficile à classer car c’est vraiment très original, l’auteur nous embarque dans un imaginaire d’une très grande richesse et on comprend tout de même que c’est le réel qui a servi de matériel de base, le réel comme une vase épaisse où puiser des choses qui paraissent si invraisemblables qu’elles sont forcément vraies. Il y est question des folies de chacun, des différences qui font que chaque humain est un continent à lui tout seul et de l’acceptation aussi, de la force du lien et de l’amour.

La Colline des Potences, Dorothy M. Johnson

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Septembre 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallmeister

La Colline des Potences, juin 2015, trad. de l’américain par Lili Sztajn, 301 pages, 10 € . Ecrivain(s): Dorothy M. Johnson Edition: Gallmeister

Regardez une photo de Dorothy M. Johnson (1905-1984) : il s’agit d’une honorable et américaine grand-mère à lunettes, dont la chevelure est sculptée d’impeccable façon, comme ça se faisait durant les années cinquante ou soixante ; on l’imagine auteur de romans à l’eau de rose. Ouvrez un livre de Dorothy M. Johnson, et voici qu’apparaît un tout autre univers narratif : la sauvagerie de l’Amérique de la Frontière se révèle, vous entrez de plain-pied dans un monde d’hommes rudes habiles avec un Colt ou un lasso à la main, et pourtant disposés à déposer leur cœur aux pieds d’une femme assez courageuse pour mener la vie des pionniers ; vous avez l’impression de lire les romans des films diffusés le mardi soir sur FR3 durant La Dernière Séance chère à Eddy Mitchell. D’ailleurs, ce n’est probablement pas qu’une impression : la longue nouvelle La Colline des Potences, extraite du recueil du même titre (1957), fut adaptée pour le cinéma en 1959, avec Gary Cooper dans le rôle masculin principal, et rien n’interdit de supposer que ce film eut les faveurs d’Eddy Mitchell durant les années quatre-vingt. D’ailleurs, pour en finir avec les rapports entre Dorothy M. Johnson et le cinéma, il n’est que d’ajouter qu’elle co-écrivit le scénario d’Un Homme Nommé Cheval (1970) et qu’une autre de ses nouvelles s’intitule The Man Who Shot Liberty Valance (1953), et on a plus ou moins fait le tour de la question.

Aucune raison d’aller ailleurs, Héloïse Simon

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 24 Août 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Paul & Mike

Aucune raison d’aller ailleurs, juin 2015, 230 pages, 14 € . Ecrivain(s): Héloïse Simon Edition: Paul & Mike

On est toujours ailleurs, même quand on est ici, toujours ici, même quand on est ailleurs. Il y a, dans les douze nouvelles que contient le présent recueil, une dialectique à l’œuvre du loin et du près, de là où on est et de là où on va, un appel constant à la fuite ou au retour, des choses qui nous éloignent et d’autres qui nous retiennent. On trouve ceux qui attendent, ceux qui viennent de loin ou encore ceux « qui arrivent à bon port ». On traverse les continents, les états, les états d’âme, on assiste à des rencontres, des séparations, des retrouvailles…

« Y’a aucune raison d’aller ailleurs. Y’a jamais aucune raison d’aller ailleurs ». Cette phrase, qui donne au livre son titre, est extraite de la première nouvelle, Sélénite. C’est Ed Bullard qui la prononce, cet agriculteur du Midwest que le narrateur est venu rencontrer en vue d’un reportage pour un magazine français. Ed n’a jamais rien connu d’autre que du plat, que les carrés et rectangles d’orge, de maïs et d’avoine qui l’entourent depuis sa naissance. Et pourtant, rien d’autre – à part la Lune « avec ses volcans, ses mers ses montagnes » – ne lui fait envie. Ed, inculte, ayant quitté à 12 ans l’école se fait savant et poète dès qu’il évoque notre satellite. Mais un savant du 19e siècle, puisqu’il a tout appris d’un livre datant de 1880, alors que personne n’avait encore mis un pied sur la Lune. Lui, d’ailleurs, ne le sait pas qu’un homme y a marché… Alors même qu’il habite la petite ville d’Armstrong.

Les eaux troubles du mojito, Philippe Delerm

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mercredi, 19 Août 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil, La rentrée littéraire

Les eaux troubles du mojito, août 2015, 110 pages, 14,50 € Edition: Seuil

 

Impressions fugaces

La prose de Philippe Delerm relève d’une volonté particulière de s’intéresser à des instants de vie. Dans cet opus d’une poésie manifeste, l’auteur offre à son lecteur un vrai plaisir de lecture. En effet, Les eaux troubles du mojito est un ouvrage qui condense quarante deux récits très brefs à la thématique surprenante et teintée de la couleur de l’été. L’approche de Philippe Delerm est originale à plus d’un titre. D’abord, il valorise les petites choses de la vie quotidienne en objets littéraires. Ainsi, la pastèque se voit le protagoniste d’un récit de deux pages dans lequel ses qualités gustatives et sa couleur « rouge-rose » à « la solide écorce vert profond » sont mises en valeur. Il y a aussi ce petit navet qu’on oublie tant de citer ! L’auteur, quant à lui, s’y intéresse et lui redonne de la noblesse. Ecoutons son chant sur le navet, le mal-aimé :

« Il est toujours le parent pauvre, réduit à quelques unités précieuses et menacées. Couronné de mauve, il avait un petit côté vieillot et rondouillard, idéalement conçu pour l’idée de la soupe. Mais passé à l’épreuve de l’épluche-légumes, il a gagné une blancheur immaculée… »

La mer couleur de vin, Leonardo Sciascia

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 22 Juin 2015. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Denoël, Italie

La mer couleur de vin, traduit de l'italien par Jacques de Pressac mai 2015, 192 pages, 15,50 € . Ecrivain(s): Leonardo Sciascia Edition: Denoël

 

Le genre de la nouvelle est difficilement maîtrisable, dit-on, pour un écrivain ayant l’intention d’inclure dans ce type de récit autant de force de conviction et d’intensité que dans un roman, catégorie prétendument plus aisée pour l’atteinte de ce type de but. Leonardo Sciascia, dans un recueil de nouvelles intitulé La mer couleur de vin, contredit magnifiquement ce présupposé. Il parvient à y décrire pêle-mêle le mirage d’un voyage organisé par un passeur sans scrupules, monnayant ses services fort cher pour organiser un voyage vers l’Amérique… Las, la traversée se termine au point de départ : « Ils se jetèrent assommés sur le bord du fossé : il n’y avait pas urgence à porter aux autres la nouvelle qu’ils avaient débarqué en Sicile ».

Dans la nouvelle la plus longue, La mer couleur de vin, ayant donné son titre à l’ouvrage, il est question du voyage en train d’un ingénieur quittant Rome pour Reggio de Calabre en Sicile. Cet homme, ayant choisi a priori une vie solitaire, est fasciné par les enfants de la famille dont il partage le compartiment. Comme si ces derniers ravivaient en lui le regret toujours vivace de n’avoir pas adopté une vie de famille, d’avoir configuré son existence autrement :