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Les Livres

Un poème au milieu du bruit, Lectures silencieuses, Antoine Boisclair (par Jacques Desrosiers)

Ecrit par Jacques Desrosiers , le Jeudi, 28 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Un poème au milieu du bruit, Lectures silencieuses, Antoine Boisclair, Éditions du Noroît, 2021, 240 pages, 25 €

 

Ce recueil qui se présente comme une simple collection d’essais pourrait servir d’introduction à la poésie. L’auteur a beau se limiter à une poignée de contemporains, il dégage de leurs poèmes des thèmes soit rattachés depuis toujours au cœur même de la poésie (le temps, la mort, la nostalgie), soit proches des grandes préoccupations actuelles (l’écologie, la métamorphose des villes, l’engagement politique). Sa palette est large : poésie américaine, mexicaine, québécoise, française, antillaise, polonaise, portugaise, géants comme Pessoa ou Szymborska, poètes connus (Yves Bonnefoy, Gaston Miron) à côté d’autres qui nous sont moins familiers (comme Derek Walcott ou Amy Clampitt). Sans parler de tous ceux qui surgissent au fil des pages, de Guillaume de Machaut à T. S. Eliot. Sa sobriété de ton donne à ses textes quelque chose de clair et tranquille qui nous fait entrer de plain-pied dans les poèmes. À la fin de chacun de ces dix-huit courts chapitres, on a très bien saisi ce qui est en jeu dans les vers qu’il vient de passer au peigne fin.

Erotika Biblion, et Lettre à M. sur Cagliostro et Lavater, Honoré-Gabriel Riquetti Mirabeau, précédés de Un Cabinet de curiosités littéraires, Emmanuel Dufour-Kowalski (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 27 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Slatkine

Erotika Biblion, et Lettre à M. sur Cagliostro et Lavater, Honoré-Gabriel Riquetti Mirabeau, précédés de Un Cabinet de curiosités littéraires, Emmanuel Dufour-Kowalski, éditions Slatkine, 2022, 242 pages, 45 € Edition: Slatkine

 

L’Erotika Biblion de Mirabeau – dont le titre semble à lui seul un alléchant programme – n’a rien d’un ouvrage introuvable, accessible seulement par des éditions anciennes conservées dans des institutions vénérables. Il fut reproduit dans deux recueils d’Œuvres érotiques faciles à se procurer sur le marché du livre d’occasion, l’un aux éditions des Arcades (1953), l’autre dans un fort volume publié chez Fayard (1984), où chaque opuscule était présenté par un préfacier différent : Gabriel Matzneff pour L’Abbé Il-et-Elle, Charles Hirsch – expert de l’hébreu et de la kabbale (on verra que ce choix de prime abord déroutant, car ces disciplines semblent peu chargées d’érotisme, se justifie). Il existe en outre une édition savante par Jean-Pierre Dubost, chez Champion (2009).

Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Septembre 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney, Folio, mai 2023 : L’Enfant de poussière, 800 pages, 10,90 €, La peste et la vigne, 720 pages, 10,90 € & Les chiens et la charrue, 784 pages, 10,90 €

 

Avant de se lancer dans l’écriture du Cycle de Syffe, l’œuvre de sa vie à l’en croire, le Français d’adoption Patrick K. Dewdney a publié quelques romans noirs et un recueil de poésie ; sans les avoir lus, on les imagine volontiers comme des galops d’essai, des tests stylistiques qui lui ont permis de s’aguerrir avant le plongeon dans les tumultes de la vie de Syffe, personnage complexe qui, de l’âge de huit ans à celui de vingt-deux ans, celui atteint à la fin du troisième tome de son « cycle », Les chiens et la charrue, connaît l’équivalent de plusieurs vies mouvementées pour dire le moins. Il est vrai que lui-même, puisqu’il est le narrateur de ces vies, se présente comme le « spectateur d’une époque convulsée », et affirme ceci le concernant : « Mon unique qualité récurrente était une chance insolente en dépit de mes malheurs, et même lorsque j’avais pris une part plus active dans les péripéties de mon existence, je me révélais tout simplement incapable de m’approprier quoi que ce soit ». Il est vrai que ce personnage a ceci de particulier que rien ne semble lui être destiné de pérenne : il assiste voire prend part au succès d’autrui puis repart sur les routes, quand il n’y est pas rejeté de force.

Tortilla Flat, John Steinbeck (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 26 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Tortilla Flat, John Steinbeck (1935), Folio, trad. américain, Brigitte V. Barbey, 254 pages . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

Tortilla Flat est – étonnamment au vu de sa brièveté – le livre qui a fait la renommée de John Steinbeck. Quand il fut publié en 1935, Steinbeck avait publié quatre autres livres, tous plus ou moins mal reçus. Il était dans la trentaine, proche de la pauvreté, vivant dans une maison que son père lui avait donnée et dépendant en grande partie de la paye de sa femme, Carol Henning.

Dès les premières semaines, le livre provoque des critiques très élogieuses, soulignant le ton nouveau et la liberté de Steinbeck, le mélange parfait entre la comédie et le tragique.

Singulièrement, Steinbeck regretta d’avoir écrit l’histoire de Danny et de ses colocataires. « Quand ce livre a été écrit, il ne m’est pas venu à l’esprit que les paisanos étaient originaux ou pittoresques, pauvres ou opprimés ». « Ce sont des gens que je connais, des gens réels, qui existent », a-t-il écrit dans une préface de l’édition de 1937. « Si j’avais su que ces histoires et ces gens seraient considérés comme pittoresques, je pense que je n’aurais jamais dû les écrire ».

Combinaisons, Denis Ferdinande (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 26 Septembre 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Combinaisons, Denis Ferdinande, Éditions Atelier de l’Agneau, Coll. Architextes, mai 2023, 198 pages, 23 €

Et si nous allions, de la périphérie de l’écriture vers son centre ? À savoir : partant des objets qui l’exécutent à même la table d’écriture, puis, « – dérivant –, l’écriture prenant graduellement le pas », enfin, comme une apparition dans la matière noire de l’imagination ouverte de la fiction, nous acheminant vers la pièce centrale : la pièce de théâtre. Par sauts chronologiques et/ou d’association, sauts d’obstacles sémantiques, réflexions, séquences de lectures ou d’écoute de pièces musicales, observation de photographies, écarts poétiques et alinéas sans cesse reconduits sous une forme fragmentaire mise en scène en fonction d’une totalité textuelle, ou encore sentences oniriques crayonnées à même le feuillet de la mémoire à l’occasion d’un sursaut d’éveil – en aval d’« un blanc des effacements successifs qui introduisent le fragment » – l’auteur et à sa suite le lecteur traversent l’écriture attablée ici à l’impuissance de sa possibilité même et cependant incessamment mue par le désir de réitérer sa propre nuit, jusqu’à… « sa pointe d’où voir tout se déployer », même l’éclat de son savoir dans la désertion « antésophique » de son acquisition (« remets-toi à ignorer ce que tu sais, pour savoir comment tu le savais et savoir ton savoir), (Paul Valéry, cité in situ). Telle est la nouvelle expérience littéraire expérimentale à laquelle nous convient Les Combinaisons de Denis Ferdinande…