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Les Livres

Cavalerie rouge, Isaac Babel (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Cavalerie rouge, Isaac Babel, février 2019, trad. russe Maurice Parijanine, 224 pages, 9,50 € Edition: Gallimard

 

La prose incandescente de Babel introduit sa braise jusqu’au fond de l’âme. Nouvelliste fabuleux – on connaît ses contes d’Odessa – Babel reste nouvelliste dans ce qui ici se présente comme un roman. Le narrateur en effet est toujours le même personnage (largement autobiographique) et le « roman » raconte des épisodes de la guerre révolutionnaire qui conduisit les régiments de partisans au front, pour la défense de la jeune patrie socialiste, sous le commandement de Boudienny, contre les assauts des Blancs, les contre-révolutionnaires.

C’est donc du cœur de l’Armée Rouge que le soldat Babel nous raconte ces récits de guerre. Ce sont de véritables nouvelles, comportant chacune un thème, une histoire, une fin. Le narrateur se fait l’écho d’une Russie en pleine révolution. Pas seulement la révolution que l’Histoire nous rapporte, celle d’Octobre 1917, mais la révolution qui bouleverse les hommes et les femmes de Russie, change leur vision du monde, efface radicalement la faiblesse et l’asservissement pour laisser place à un homme nouveau, avec ce que ça induit de bien et de mal, de progrès et de régression, de Diable et de Bon Dieu.

Les Juifs et la modernité L’héritage du judaïsme et les sciences de l’homme en France au XIXe siècle, Perrine Simon-Nahum (par Gilles banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 05 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Albin Michel

Les Juifs et la modernité L’héritage du judaïsme et les sciences de l’homme en France au XIXe siècle, Perrine Simon-Nahum, octobre 2018, 334 pages, 22 €

Il ne faut pas demander aux analogies plus qu’elles ne peuvent donner. Tout s’est cependant passé comme si, après l’émancipation des Juifs voulue par l’Ancien Régime finissant et mise en œuvre par la Révolution, après leur intégration roide à la société française, les trésors d’énergie, de subtilité et d’intelligence déployés à commenter ou, simplement, à méditer et à lire, dans la réclusion des « juiveries », la Torah, le Talmud, leurs commentaires et les commentaires de leurs commentaires, s’étaient orientés vers d’autres buts. Le processus d’émancipation, moins lisse qu’on ne se le représente, n’était lui-même pas exempt d’ambiguïtés, résumées par le terme de « régénération » qu’avait employé l’abbé Grégoire dans son célèbre mémoire présenté devant l’Académie de Metz. Que signifie cette idée de « régénération », si ce n’est que les Juifs auraient « dégénéré » en se repliant sur eux-mêmes (comme si ce repli avait résulté d’un choix collectif et d’une décision libre…) et que l’abandon de leurs particularismes (au premier rang desquels l’orthopraxie religieuse) les « régénérerait ».

Contes des sages persans, Leili Anvar (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 04 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Seuil, Contes

Contes des sages persans, Leili Anvar, novembre 2019, 240 pages, 19 € Edition: Seuil

 

Du fabuleux, du révéré

Chacun des trente-deux contes de ce recueil, traduits par Leili Anvar, commence par le leitmotiv « Il était une fois, et il n’était pas, sous la voûte azurée, au pays d’autrefois », litote poétique à la manière de la trame narrative que tisse Shéhérazade au long des Mille et une nuits. Le premier conte persan parle de la beauté absolue d’une reine (brune) dont la vue tue, telle une déesse antique, Méduse qui ensorcelle, stupéfie et foudroie ceux qui la regardent, ou Narcisse au féminin qui ne se noie pas dans son reflet mais le re-duplique afin que rayonne sa splendeur aux yeux de tous, par l’intermédiaire d’un miroir. Plus loin dans l’ouvrage, c’est l’éléphant, révéré par les Bouddhistes, ou bien incarnation de Ganesh, qui est sujet à controverse et admiration : « Ainsi, nous verrons dans l’éléphant le pilier, l’éventail, la gouttière, les branches du trône et davantage… », qui rappelle, en cela, le mythe de la caverne et celui de la révélation :

Une histoire de sang contaminé, Les disparus des années écarlates, Méda Seddik (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 04 Décembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Une histoire de sang contaminé, Les disparus des années écarlates, Méda Seddik, Les impliqués Editeur, septembre 2019, 212 pages, 20 €

 

Dès le prologue, le narrateur nous met la puce à l’oreille. C’est un matin ordinaire. Il est très tôt. Son radioréveil diffuse « une chanson de Marc Lavoine, Paris, qui me procurait une émotion mêlée à de la nostalgie ». Alors qu’il sort lentement de son sommeil, il entend à la radio qu’il est question de la distribution des produits sanguins contaminés dans le monde, principalement dans les pays du Sud, les plus pauvres bien entendu. Tout le monde médical et politique est en alerte. Il est très en colère, lui qui a été amené par les hasards de ses nominations à connaître tous les ravages de cette sombre affaire. Il a côtoyé de trop près des malades hémophiles, particulièrement des jeunes qui n’ont pas survécu à cette tragédie de l’apparition du sida, pour ne pas être révulsé par la méconnaissance de tous les intervenants qui s’emparent du sujet. « Mon exaspération était à son comble… Une boule au ventre me tenaillait depuis mon lever. Une envie de révolte, de cris, de soulagement ! ».

L’œil de la nuit, Pierre Péju (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 03 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

L’œil de la nuit, octobre 2019, 432 pages, 22 € . Ecrivain(s): Pierre Péju Edition: Gallimard

 

Dans le petit livret qui accompagne son dernier livre, Pierre Péju explique comment, en effectuant des recherches pour un roman qu’il souhaitait situer aux USA à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, il a découvert « par hasard » l’existence d’Horace W. Frink (1883-1936), psychiatre, adepte de l’hypnose, puis dès 1910, pionnier de l’introduction de la technique freudienne de psychanalyse en Amérique. La période sur laquelle il s’apprête à écrire est celle de tous les changements, économiques, culturels, technologiques, celle de tous les espoirs et de tous les possibles en matière de médecine. Une période aussi exaltante aux USA que singulièrement morbide en Europe avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, puis par un mouvement de balancier, celle d’une débauche d’extravagances pendant les années folles sur le vieux continent alors que les lois sur la prohibition dès janvier 1919 tentaient de « moraliser » la société et freiner les violences conjugales outre-Atlantique.