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Les Livres

Le cœur battant du monde, Sébastien Spitzer (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 03 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Le cœur battant du monde, Sébastien Spitzer, août 2019, 445 pages, 21,90 € Edition: Albin Michel

 

Après Ces rêves qu’on piétine, Sébastien Spitzer signe un roman qui s’enracine dans le Londres de la seconde moitié du 19e siècle. C’est la révolution industrielle avec son lot d’innovations, de richesses accumulées et de misère inhérente à un système dévastateur du point de vue humain, révolution qui est ici un contexte qui devient un « personnage » essentiel.

Charlotte, une Irlandaise, débarque ainsi à Londres pour y trouver travail et logement. Les circonstances vont faire d’elle celle qui va élever le fils caché (jusque dans les années soixante) d’un certain Karl Marx. Telle est la structure du roman qui suit la vie de Freddy, le bâtard de Marx depuis sa naissance. Sa mère, la bonne de la famille Marx, accouche de Freddy, fruit d’une relation avec l’auteur du Capital alors que l’épouse était absente. Et c’est le premier paradoxe de ce texte qui dépeint un Marx théorisant, à force de travail acharné, les classes sociales que la révolution industrielle va user pour les unes, et favoriser pour les autres. C’est bien une morale bourgeoise qui va exclure de ce monde le fils illégitime dont on aura hâte de se débarrasser. Charlotte, qu’un hasard malheureux va faire rencontrer le docteur Malte, sera donc chargée de l’éducation de Freddy, allant jusqu’à la prostitution pour subvenir aux besoins quotidiens dans ce Londres où la misère le dispute aux révoltes.

Les grands cerfs, Claudie Hunzinger (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 03 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Les grands cerfs, août 2019, 192 pages, 17 € . Ecrivain(s): Claudie Hunzinger Edition: Grasset

 

Ecrire à proximité des bêtes.

Entrer dans le livre de Claudie Hunzinger, Les grands cerfs, c’est passer le seuil d’un univers fait de grands vallons, de secrètes parcelles forestières et de sentiers cachés au plus profond des Vosges alsaciennes. Non pas des chemins qui ne mènent nulle part mais qui nous conduisent au plus près du monde animal.

Le livre commence d’ailleurs comme le grand essai de Jean-Christophe Bailly, Le versant animal. Un cerf apparaît dans les phares d’une voiture sur une route de campagne. Chez Jean-Christophe Bailly c’est l’occasion d’une approche du mystère animal, chez Claudie Hunzinger ce sera le point de départ d’une enquête et de la révélation d’une passion intense.

Observations sur la peinture, Pierre Bonnard (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 03 Décembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Observations sur la peinture, Pierre Bonnard, L’Atelier contemporain, octobre 2019, 72 pages, 15 €

 

La question de la lumière

Parcourir les Observations sur la peinture de Pierre Bonnard, revient à entrer dans le secret de la peinture. Et ce secret, c’est la lumière. Car plus encore que la question du maigre et du gras, c’est la lutte entre l’ombre et la lumière qui intéresse le débat intérieur du peintre. Du reste, il faut souligner que les aphorismes, qui sont une ressource d’un intérêt majeur pour comprendre l’œuvre de Bonnard et plus généralement pour l’activité créatrice, sont consignés ici dans un carnet de dessins lesquels suivent, on l’imagine, le temps de la vie de l’artiste qui dessine ou écrit sur de petites surfaces d’agenda, fort sobres d’ailleurs. Je dirais aussi que ces courtes notes s’apparentent formellement aux fameux fragments d’Héraclite, lesquels sont eux aussi une collecte à travers l’épaisseur du temps, comme ici pour Bonnard, ces notules extraites de petits carnets, réflexions sans vraiment d’ordre, mais éminemment pertinentes. Quant à la compréhension des citations, il faut réfléchir à ce qu’est l’action énigmatique de créer, accompagnée par un peintre.

Adieu fantômes, Nadia Terranova (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 02 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde, Italie

Adieu fantômes, octobre 2019, trad. italien Romane Lafore, 240 pages, 22,40 € . Ecrivain(s): Nadia Terranova Edition: La Table Ronde

 

Voilà pour la jeune romancière italienne un deuxième roman, sélectionné par le Prix Strega 2019. Ce très beau livre est non seulement un hommage à Messine, à la maison familiale mais surtout à ces êtres disparus, perdus, qui restent flottants comme des fantômes obsédants.

Ida part de Rome, quitte pour un temps Pietro, son mari, pour venir aider sa mère à déblayer l’appartement de Messine, qui a besoin de travaux. Le retour dans la ville natale est un vivier de souvenirs : l’amitié pour Sara, la disparition, alors qu’elle avait treize ans, de son père Sebastiano, parti un matin, jamais revenu. La perte du père n’a jamais été cicatrisée, et pour la mère, et pour elle-même. Le fantôme du père peuple les nuits d’Ida et le roman reprend ses veilles, ses rêves, ses cauchemars, en alternance avec le récit de ce retour aux sources. La mère a entrepris de restaurer la terrasse du petit appartement humide, et a fait appel à Nikos et à son père. Ida sent la fragilité de ce garçon de vingt ans, au visage arborant une cicatrice. Le séjour ravive les querelles entre mère et fille, tandis qu’Ida aime de plus en plus quitter la sphère familiale pour arpenter la ville. Elle reçoit des appels de Pietro, revoit Sara et sort un soir avec Nikos, avide de lui raconter son passé.

Actes d’une recherche, Alain Marc (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 02 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Z4 éditions

Actes d’une recherche, septembre 2019, 296 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Alain Marc Edition: Z4 éditions

 

A bord de son vaisseau « Poésie » depuis 1986, le poète Marc Alain tient son journal de bord à l’instar des grands explorateurs et ce, presque « au jour le jour », critique de lui-même, en éternel observateur de ses sens, usant de références et de citations : « C’est des pages, des blancs successifs qui ponctuent, qui font une rythmique du sens, une tenue de la rupture continuée, de phrase en phrase, parfois inachevée », citant ici l’entretien « Théorie et poésie » d’Henri Meschonnic avec Lucette Finas, avec cette précision : « enfin quelqu’un qui parle du rôle de la page, de la fin de page, dans le rythme ! ».

On aura compris que la progressivité des propos évolue en croissance et talent parallèlement à l’œuvre de l’auteur et ou au temps qui passe. D’une précision inouïe, l’ouvrage s’en réfère à pas moins d’environ 200 notes. Ne s’arrêtant pas à une théorie pure qui serait fastidieuse, l’auteur reprend aussi de son journal périodique son approbation ou non par rapport à lui-même, intitulant le propos de sa recherche « Spatialité ».