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La Une Livres

Devant toi le jour, Ana Brnardić (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Devant toi le jour, Ana Brnardić, L’Ollave, juillet 2021, trad. croate, Vanda Mikšić, Brankica Radić, 63 pages, 13 €

« Du sol poussent de grandes oreilles qui nous servent

à communiquer. Nous ne comprenons pas un mot,

mais nous suivons le tâtonnement des langues » (p.14)

 

L’inspiration poétique, c’est comme une vie propre de la langue venant envahir la pensée. Et quand la langue (croate ici) est inconnue, il reste une vie tout court qui submerge la pensée. Cette vie se tient (on devine, grâce aux deux traductrices, sa cohérence, sa précision, sa fluidité ; on l’assimile même en voyant et entendant, aux Voix Vives de Sète, ce 24 juillet 2021, Ana Brnardić, 41 ans, lire parfaitement des textes à nous inintelligibles, mais qui sont manifestement à eux-mêmes l’unique arbitre de leurs harmonies physiologiques, de leurs affinités sonores, des nuances s’entre-visitant). La poète est là, calme, belle et juste, mais la vie des mots dépasse tout ce qu’elle peut en attendre et fixer : pas d’autre clairière dans leur « forêt vierge » que l’autorégulation d’un immense et inépuisable débit de sens. Comme dit le premier texte du recueil :

Plasmas, Céline Minard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Rivages

Plasmas, août 2021, 158 p. 17 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Payot

 

Céline Minard est heureusement là dans le paysage littéraire français. Elle étonne et détonne par une virtuosité stylistique hors du commun et une imagination débridée, capable d’inventer des mondes fictionnels plus encore qu’improbables. Le Grand Jeu, Olimpia, Faillir être flingué, Bacchantes (entre autres), sont des jaillissements de territoires inexplorés, saisissants, des explorations de genres ignorés ou presque par la littérature française. La déclamation antique, le western, l’ermitage, le casse et, avec ce roman, la Science-Fiction. Minard est un écrivain. La chose est si rare aujourd’hui en France. Elle crée des mondes et les fait vivre, de toutes pièces, sans s’emberlificoter dans on ne sait quel rapport à la réalité ou à l’actualité. Minard, c’est la mort de l’auto ou de l’exo fiction, c’est la chose littéraire dans sa pureté, sa raison d’être, sa brutalité. Aux tâcherons d’aujourd’hui qui s’essaient péniblement à extraire de l’Histoire, du fait-divers, des biographies de gens célèbres, un vague roman tirebouchonné, emprunté dans tous les sens du terme, sans surprise, Céline Minard répond que la littérature est libre de toute entrave, de toute attache, de tout genre, qu’elle est le territoire infini de l’imaginaire et qu’elle n’a de compte à rendre à personne.

Quat’ saisons, Antoine Blondin (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Quat’ saisons, Antoine Blondin, juin 2021, 288 pages, 8,50 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Les trois premiers romans d’Antoine Blondin (1922-1991) ont été ici même célébrés lors de leur réédition à La Petite Vermillon il y a quatre ans ; puisque cette honorable collection s’obstine à éloigner de l’oubli cet encore plus honorable auteur, célébrons donc le seul recueil de nouvelles publié du vivant de Blondin, Quat’ saisons (1975) augmenté de six nouvelles extraites du recueil posthume Premières et dernières nouvelles (2004, non encore réédité en poche). Une fois n’est pas coutume, plutôt qu’entamer nous-même la glose de Quat’ saisons, laissons l’auteur présenter son livre :

« Au fil d’une année, les voitures des quat’ saisons proposent sur les marchés un fouillis de primeurs contrastées en volumes et en couleurs. Il arrive pourtant qu’un œil sensible découvre une harmonie sous ces disparates : pommes de terre nouvelles, carottes nouvelles, tomates nouvelles… L’auteur de ce livre, à l’éventaire duquel on ne trouve que des nouvelles, tout court, ne souhaite pas autre chose. Il a choisi de remonter le cours des quatre saisons, de l’hiver au printemps, parce qu’ayant été cueilli à froid, il a essayé de terminer sur un coup de grâce ».

Lettres aux jeunes poétesses, Ouvrage collectif, préface Aurélie Olivier (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Poésie, L'Arche éditeur

Lettres aux jeunes poétesses, Ouvrage collectif, préface Aurélie Olivier, août 2021, 144 pages, 15 € Edition: L'Arche éditeur

 

Le titre de l’ouvrage en annonce bien le contenu : la démarche initiale est de vouloir faire écrire à des poétesses ce qu’elles auraient voulu recevoir comme conseils pour se préparer à l’aventure de l’écriture.

Tout y passe, les auteures pressenties s’y donnant à cœur joie en même temps que, souvent, à juste titre, « L’écrivain mâle sera questionné sur la conception de son ouvrage, l’élaboration de sa structure. Toi on te demandera si la sortie de ton livre t’a fâchée avec ta famille ».

L’intention de Claire Stavaux, l’éditrice, est de donner la parole. L’intention est louable et fonctionne parfois avec une dose d’humour : « C’est un milieu un peu hostile mais il y a de la sororité. C’est pas non plus franchement gagné/…/ Ne regrette rien et viens sans peur, tu marches déjà sur des braises, bientôt viendra le batême du feu. Allez bisou ».

L’amour des choses invisibles, Zied Bakir (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Grasset

L’amour des choses invisibles, Zied Bakir, juin 2021, 180 pages, 17,50 € Edition: Grasset

 

Dans son autofiction, L’amour des choses invisibles, Zied Bakir agrémente son récit de nombreuses références littéraires, à commencer par Le Langage des Oiseaux.

Le Langage des Oiseaux, de Sheikh ‘Attâr Neyshâbouri, poète mystique iranien des XIIe et XIIIe siècles, est un récit symbolique qui met en scène la marche du pèlerin à la recherche de Dieu sous la forme d’un voyage d’oiseaux tentant d’atteindre le plus vénéré, Simorgh, leur souverain. Et ‘Attâr de prévenir son lecteur que « La marche de chaque individu sera relative à l’excellence qu’il aura pu acquérir et chacun ne s’approchera du but qu’en raison de sa disposition », et de préciser, dans ce passage que Zied Bakir a lu, dûment surligné : « L’amour des choses invisibles c’est l’amour sans souillure. Si ce n’est pas cet amour qui occupe ton esprit, le repentir te saisira bientôt ». Or y a-t-il une chose plus invisible que l’inspiration pour un écrivain presque novice comme il le confie dans l’une de ses interviews ? (1).