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Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 03 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Nouvelles

Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram, éditions Le Visage Vert, août 2021, trad. USA Anne-Sylvie Homassel, Blandine Longre, 162 pages, 14 €

 

Ralph Adams Cram fut un architecte de renom aux Etats-Unis, qui dès sa jeunesse éprouva un goût prononcé pour l’ancien, plus spécifiquement le gothique, ce qu’affermirent en lui deux voyages effectués en Europe avant ses trente ans. Préalablement à son engagement définitif dans le métier d’architecte, il côtoyait les milieux artistiques de Boston et produisit quelques œuvres littéraires, dont cet unique recueil de nouvelles, Black Spirits and White (1895), ouvrage qu’il sembla renier vers la fin de sa vie.

Si l’on a un penchant pour les histoires de fantômes, il est honnête de dire que notre esprit ne peut se trouver révolutionné par ces récits. Ceci n’enlève en rien le plaisir qu’on en tire, ni la qualité littéraire du livre : l’auteur ménage remarquablement les atmosphères de mystère et d’horreur, qui ne manquent pas de laisser durablement leurs empreintes dans notre imagination. Comment s’empêcher, par ailleurs, de ne pas soulever quelques références littéraires dans ces nouvelles ?

La Craquelure, Domi Bergougnoux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 16 Décembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Al Manar

La Craquelure, Domi Bergougnoux, octobre 2021, 88 pages, Ill. Jean-Denis Bonan, 15 € Edition: Al Manar

 

Composé de deux parties (Fêlures – Apprendre à voler), le livre de deuil de Domi Bergougnoux instille une souffrance perceptible dans les constats hissés à bout de poèmes, dans la sensible perception d’un monde raviné. Une mère décrit et pleure son fils, un homme jeune ravagé par l’alcool et la détresse de lui-même. Que peuvent les mots, les vers, les poèmes, pour soulager du pire ?

La première et longue partie de poèmes, dont les titres sont éloquents (Homme blessé – Loup blessé – Homme froissé, etc.), nous mène « cul-sec » dans la nuit de cet homme au « regard terrifié », « plein de silence », « dans l’étreinte douce du vide ». Ces textes, jamais larmoyants, gardent la gravité inscrite dans le regard d’une mère, attentive à détailler le « fracas des étoiles », « l’enfant plein de colère », celui d’« une enfance brisée ». La poète a les mots pour nous alerter de toute cette souffrance, et de l’aridité de « ces pierres ».

« Rejeté hors de lui », l’homme fait l’expérience d’une sous-vie, dans les débris, déchets, éclats d’un quotidien sordide.

Si tu vas à Marrakech, Mustapha Nadi (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 16 Décembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, L'Harmattan

Si tu vas à Marrakech, mai 2021, 105 pages, 13 € . Ecrivain(s): Mustapha Nadi Edition: L'Harmattan

 

« Si tu vas à Marrakech, n’oublie pas l’envers du décor ! », prévient l’auteur.

Mustapha Nadi, né dans la cité impériale du sud marocain, vivant en Lorraine, dévoile la vision qu’il a de sa ville natale, dont il découvre et redécouvre, à chacun des séjours qu’il y effectue, les faces cachées, occultées derrière l’écran du panorama de carte postale qu’en fabriquent les faiseurs de documentaires destinés aux hordes de touristes qui aspirent à y débarquer en quête d’un exotisme devenu là parfaitement artificiel.

« Comme une cicatrice qui ravive son origine, une blessure. Naître à Marrakech et vivre en Lorraine. […] Bien des années plus tard, un lien irrationnel […]. Une sorte de cordon subliminal ».

Dans une double tonalité, l’une, diffuse, de nostalgie des origines et des scènes révolues d’un quotidien paisiblement affairé, l’autre, expressivement sensible à fleur de phrase, d’anxiété face au présent et à l’avenir, en seize courts récits, Nadi aborde un par un chacun des éléments d’un décor dont il présente alternativement la face visible et le revers.

Garonne in absentia, Jean-Michel Devésa (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 15 Décembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions

Garonne in absentia, Éditions Mollat, octobre 2021, 160 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Devésa

 

 

Mathilde et Jean se rencontrent passé la trentaine. Ce sont de ces personnes qui font de longues études supérieures et qui n’en sortent pas. Elle est psychologue et lui professeur à l’université. Ils achètent une grande demeure qui nécessite des travaux coûteux et du temps. Ils vont y vivre une vingtaine d’années. D’abord le bonheur (la première moitié) puis le délitement inexorable de leur vie en commun. Histoire classique a priori, comme en écho au style du château Labrune, en bordure de la Garonne, où cela se passe. Mais comme dans ses deux beaux précédents romans – Bordeaux la mémoire des pierres et Une fille d’Alger –, Jean-Michel Devésa élabore un récit original et prenant grâce à une écriture minutieusement ouvragée et un art maîtrisé de la description des choses et des sentiments.

Œuvres complètes, Louise Labé, Bibliothèque de La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Décembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Pléiade Gallimard

Œuvres complètes, Louise Labé, octobre 2021, 736 pages, 49 € jusqu’au 31 mars 2022, 55 € ensuite Edition: La Pléiade Gallimard

 

Louise Labé Lyonnaise, dite la Belle Cordière, entre en Pléiade. Mais qui entre en fait ? Le dynamisme littéraire de la bonne ville de Lyon vers le milieu du XVIème siècle, le goût du mystère et du jeu littéraires, l’esprit coquin des poètes lyonnais (Maurice Scève et sa troupe) laisse supposer que Louise est un mythe littéraire, une pochade géniale d’un groupe d’amis poètes qui se seraient servi d’une courtisane de l’époque – réputée pour ses prouesses amoureuses – pour inventer une poétesse. Mireille Huchon, qui dirige cette édition, avait largement contribué à semer le doute dans son étude sur Louise Labé (Louise Labé, une créature de papier).

Et pourtant. Rien au monde ne vient à l’appui définitif de cette thèse. L’ouvrage de La Pléiade présente 24 sonnets de la plume de Louise Labé et 24 poèmes dédiés à Louise Labé par ses amis lyonnais (dont Maurice Scève, Pontus de Tyard, Guillaume des Autels, Pernette du Guillet…). Faux hommage ou vraie admiration pour une femme stupéfiante, putain et poète ? Clore ce débat sans fin s’impose. Mireille Huchon nous y invite dans son introduction : qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.