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La Une CED

Baccalauréat ! par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Jadis, le baccalauréat avait son miel pur ! Il avait sa peur douce ne ressemblant à aucune autre peur. Une peur semblable à celle de la circoncision ! Douleur en douceur annonciatrice de la virilité ! Le bac nous faisait rentrer dans la cour des grands !! Et, il avait un bonheur sans pair, une sensation unique !

La veille du bac, la nuit fut longue. Très longue, à la longueur d’une année, un peu plus ! Dans l’oreiller de laine s’installent toutes les angoisses.

Le matin, avant de prendre le chemin du centre d’examen, je me sentais hanté par la crainte d’oublier quelque chose : la règle, le deuxième stylo ! La gomme, le crayon, la pièce d’identité ou encore la convocation…

Les candidats, sans exception aucune, étaient, en ce jour-là, bien habillés. En neuf ou en propre. Bien coiffés ! En chic. Les garçons comme les filles.

C’était un jour qui ne ressemblait pas aux autres.

On ne vit pas deux fois le bac !

Autres courants, Philippe Jaffeux

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Autres courants, Philippe Jaffeux, éd. Atelier de l’agneau, 2015, 80 pages, 16 €

Je me retournai ensuite, et ayant

levé les yeux, je vis un livre qui volait.

Et l’ange me dit : Que voyez-vous ?

Je lui dis : Je vois un livre volant,

long de vingt coudées, et large de dix.

Zacharie, V - 1., 2.

Le Livre nombre

Je ne suis parvenu à déchiffrer la prosodie complexe de ce livre que vers la toute fin de ma lecture. Je résume le projet du livre : vingt-six lignes pour soixante-dix pages, équivalentes à 1820 phrases qui occupent un carré géométrique, voilà pour en finir avec la description physique de l’ouvrage. Si j’en crois la quatrième de couverture, le livre a été écrit par une dictée au dictaphone numérique, ce qui est intéressant à plusieurs égards, et notamment par le rapport chiffré de l’écriture – rapport « numérique » –, et aussi pour l’impression de souffle, de prise d’air, qui arrive à construire la phrase de bout en bout.

D1 - Troisième et dernière partie

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

 

Juin est passé. J’ai quitté l’île de Vancouver, Pacifique Nord, et traversé le continent d’ouest en est. En survolant l’Atlantique, je n’ai pas besoin de me pencher vers le hublot pour deviner sous la carlingue l’étendue bombée de l’océan épouser la couleur du ciel et, en son sein, d’autres troupes d’orques. De retour des fjords norvégiens, elles croiseront peut-être la troupe D de Colombie-Britannique au hasard de leur route.

J’ai scruté, durant mon séjour, avec une résignation croissante l’horizon. La troupe D est arrivée comme prévu. Pas Dalva. J’ai voulu imaginer que ses compagnons me chantaient de ne pas être triste, que c’est la vie. La vérité tient toute dans cette banalité, c’est la vie. Tant pis pour ceux qui l’idéalisent. Depuis quand et comment est-elle morte ? On meurt un jour parce qu’il le faut, voilà tout.

Artaud ou la machine de l’être à regarder de traviole (3 et fin)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 01 Juillet 2015. , dans La Une CED, Ecriture

 

Antonin Artaud & les Surréalistes

Ce qui signa la rupture entre Artaud et le groupe des surréalistes ne peut s’exprimer autrement que par des mots employés sur le ton d’un constat de fait, sans commentaires. Chacun y portera un jugement relatif, le sien, aligné sur ses propres convictions et son état d’esprit concernant le statut que doit revêtir la Littérature et la portée de cette dernière à ses yeux dans l’exercice et l’expérience du monde extérieur (ce que l’on nomme « la réalité pratique »).

L’éviction d’Artaud du groupe surréaliste eut pour signataires Aragon, Breton, Eluard, Péret, Unik, dans la brochure « Au Grand Jour » parue en mai 1927 et par laquelle étaient rendues publiques les exclusions d’Artaud et de Soupault du groupe surréaliste ainsi que l’adhésion des signataires au parti communiste.

Là où Artaud fut un littéraire forcené individualiste (ndla), les surréalistes furent une constellation gravitant autour de l’Astre-Phare Breton dont le charisme et le talent fédéra un groupe de fidèles partisans d’un même engagement littéraire ancré, à partir de 1927, dans la Révolution communiste.

Manger, bouger, Alger, danger, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 30 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Comme des processions obscures, pour des religions de dévorations : de longues files de gens qui, soudain, à l’heure de l’aube noire, dans l’arrière-pays, se lèvent, murmurent avec colère, se rassemblent, se mettent les uns derrière les autres, cherchent leurs chaussures puis une tête, puis s’ébranlent vers Alger. Point lointain de l’horizon qui donne à manger et mange le pays. Ville des négociations depuis les antiquités, butin, femme, prostituée, victime de viol ou de rapt, ayant épousé tour à tour un vieux soldat romain, deux frères ottomans flibustiers, suicidée, forcée à s’allier avec le français puis offerte en lien de sang avec le sang des martyrs puis cloîtrée, enfermée, prise, violée encore par les colonels de l’époque.

Ville qui tourne le dos au pays et qui le surveille à la fois. Donc au matin, l’aube est une semelle et l’heure est un chemin. La procession marche, grossit, devient obscure et forte, et lentement s’écoule de la montagne vers la plaine et de la plaine vers Alger. Et c’est là qu’elle est généralement stoppée, endiguée : on finit par en déléguer quelques-uns, les mettre dans les voitures ou des chariots, les mener vers le Bureau d’Alger et négocier Alger avec eux. La procession se disperse, se désagrège, s’émiette puis s’évapore : les gens rentrent chez eux. Alger leur a promis du pain, encore plus de semoule, de l’argent, des terres ou des postes. Jusqu’au prochain cycle. Cela dure depuis toujours ces noces alimentaires entre Alger et le reste du pays. De plus en plus.