Cui bono, par Sylvain Gau-Gervais
L’aride romance des cœurs meurtris
qui portent le germe fécond qu’on ne féconde
point, pondu avarié dans les franges fangeuses,
a ses fondements dans des absences au monde.
Connaissez-vous la peur de vous heurter au manque,
au vide, à l’absence (au plus plein état des choses),
au silence et à l’oubli, sans causalité,
au blanc qui demeure, à l’inécrit, aux mots et…
ah ! les mots insensés censés porter leur dose
de sens, petits vents sans fièvre, tuant l’innocence
et qui de cet assassinat
branlent la démiurgie,
destituent le néant…
combien de carats
ça pèse-t-y,
un signifiant,
un bout de néant,
qui signifie néant,
lourd morceau de dépit
à rien accroché, hormis…
hormis quoi, quoi ?
L’aride romance des cœurs féconds,
dont la meurtrissure qui pousse à la folie,
naît dans le terreau miro qui se tient absent,
du refuge introuvé, et qui les abêtit.
Je me tiens aux aguets, qu’on me conte une fable !
Et mes yeux fermés,
fable me fut contée,
qu’encore je bois comme l’on boit une robe :
(avertissement aux triskaïdékaphobes)
Antique fistule d’où s’écoule le manque,
je sais que tu verses du dehors au dedans,
j’ai pourtant l’impression que tout me vient du flanc ;
ah ! qu’as-tu toujours de tes devises en banque ?
Dionysos, cuisant torréfacteur de tous les maux !
Morphéus, oh ! rat ! adroit sophistiqueur du vide !
Éthanol, me farcis tous les foies, et mes émaux,
me les pètes, et rends toutes mes terres arides !
Rêverie, qui bâtis tes chimères sur mes terres
absentes, brodes dans le néant tes phylactères,
et tout peut arriver, je redeviens candide
l’instant durablement de ces étranges prières :
et tout le cumul : l’inflation des nulles poches
de rien, les destructions communicantes, de vase
en vase invisibles, vases d’être, tables rases
de toutes les inexistences faites, caboche
pensante, base de tout, pour que son abstraction
restante, enfante l’Enfantement nouveau, Fion
sacré, Trou démiurgique de la Totale Absence,
ô cœur fécond, natal, tu n’es plus rien mais rance,
et ta rancidité nourrit les neuves passions.
Cumul des conjurations, tremblements effrayants,
incantations qui nous tombent dessus, rareté…
« ça pèse un mot, Monsieur, autant que tout le reste et
son reste, ça pèse son menu bout de néant ».
Romance, forsenant éthéré de toute heure,
tu tourbillonnes dans toutes landes, te meurs.
Existes-tu seulement, fruit lancé, par ta source
ou bien ta destination, dans ton être et ta course ?
Sylvain Gau-Gervais
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