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Ecriture

La nuit de Zabach (II), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 08 Mai 2018. , dans Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis, La Une CED

 

Durant la veille de la nuit de Zabach, à minuit pile, alors que les femmes entonnaient des airs glorifiant le pouvoir souverain du mâle ; pendant que les hommes revendiquaient leur droit à la vengeance, un homme, géant, aux cheveux longs et blancs, aux yeux rouge vermillon, au visage gros comme un melon, aux bras noirs comme goudron, surgit du ciel. Ses yeux étaient maquillés au khôl. Son corps était drapé dans un tissu noir qui sentait la pisse bouillie. Son allure avait quelque chose d’animal et de cruel. Il portait dans sa main gauche un vêtement blanc.

L’arrivée de Abi al-Qiyâ’ma, l’annonciateur du jour de la résurrection, n’augurait rien de bon pour Mary’am ; il flottait dans l’air une odeur de défaite, affreusement pestilente ; le village exultait, pourtant !

Ya latif, ya latif !

Le malheur était à portée de la main et ceux qui s’en emparèrent en firent mauvais usage ; ils l’instrumentalisèrent et le jetèrent sur la place du village.

Rio amarillo - Histoire crépusculaire, par Patrick Abraham

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 20 Avril 2018. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

J’ai cette vision ou ce rêve dont je voudrais ici conjurer la puissance et l’effet : un garçon dort au bord d’une rivière. Peut-être s’agit-il d’un souvenir littéraire, pictural ou cinématographique, approprié ensuite par la mémoire et amalgamé à un souvenir réel jusqu’à les rendre indiscernables. Une dizaine de mètres le séparent de la berge, il est couché dans l’herbe, sur le dos, les mains derrière la nuque, un vélo près de lui. La lumière et le jeu des ombres permettent de situer la scène en milieu d’après-midi. Je suppose qu’il s’est baigné, seul ou non. Il porte un pantalon d’ouvrier et a le torse et les pieds nus pour profiter d’un soleil éphémère. Sa veste, de la même couleur que son pantalon, lui sert d’oreiller. L’herbe est assez haute. On remarque derrière lui un chemin de terre qui s’enfonce dans un bosquet. Un panier métallique, sur le devant du vélo (usagé et d’un modèle industriel), contient un sac en toile où a dû être placé le repas qu’il a pris tout à l’heure. Deux autres sacs plus volumineux sont attachés au porte-bagage. Les berges sur les deux rives sont désertes bien qu’on devine, derrière la végétation, des toits de maisons, le clocher, le campanile ou le bulbe d’une église. Je serais bien incapable de dire pourquoi cette vision me fascine.

La nuit de Zabach (I), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

« Oyez Oyez !

Ya ahl dînMary’am al adrââ a enfreint l’une de nos règles sacrées. Malheur !Ô gens pieux, Mary’am la vierge nous a déshonorés.Ô hommes de bien, allons mettre en route l’ordre moral ! Gardiens de la moralité, nettoyons nos vies, débarrassons notre existence de cette créature satanique ! Ô croyants, purifions notre descendance, adoucissons la colère d’Allah ! Sa fureur gronde ! Yalla, Yalla ! El-Elohim grogne, Son mécontentement retentit au-delà des mers et des océans ! Le Seigneur crie ; Il sermonne ! Ô gens de bien, ce soir, venez, venez nombreux et nombreuses, devant la maison de Si L’Hou-Sine, le vieux pieux, l’adorateur d’El-Elohim ! Gens de peu et Gens de bien, venez assister à la punition divine ! Venez et vous serez récompensés dans l’au-delà, au pays des eaux guérisseuses, des forêts de jade, de la grâce illuminée, du jardin des délices jonché d’orchidées pourpres, d’asphodèles et de narcisses odorantes. Sur les hauteurs de ce lieu paradisiaque, des créatures de rêve donnent naissance à des anges écarlates brillant de beauté. Venez ce soir à dix-huit heures pimpantes ! Venez et soyez nombreuses et nombreux !

Le paradis terrestre (coulisses), par Jean-Paul Gavard-Perret

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 16 Avril 2018. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

J’ai connu mes premiers émois charnels devant une statue de Notre-Dame-de-la-Salette. La beauté féminine sacrée cachait déjà mon dévoiement, mon démon et ma honte. J’imaginais derrière les plis bleus de la longue robe de la Vierge ses cuisses.

En ce lieu saint et au moment de la messe, je me plaçais toujours derrière une même femme qui semblait porter dieu en elle juste un peu plus haut que ses cuisses en partie recouvertes. Sans doute aurait-elle pu être ma mère. Cela n’enlevait rien à ses charmes. Au contraire. Il y avait belle lurette qu’en moi Œdipe s’abîmait.

Je me mettais toujours derrière la paroissienne afin de regarder la couture de ses bas lors de la génuflexion. J’imaginais leur impossible seuil que jouxtaient sans doute deux porte-jarretelles. En de telles perspectives il était peu probable que la féminité ne contienne qu’elle-même.

Et si certaines religions prescrivaient la représentation humaine ce n’était pas par hasard. Il y avait dans la femme le venin sublime – substance créée par Dieu lui-même. Et chez ma pieuse cela s’accompagnait du parfum « Soir de Paris » de Bourjois, avec un J comme joie.

Trois poèmes (in Ainsi et autres poèmes, ouvrage en cours), par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Mardi, 10 Avril 2018. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

N’avoir peut-être plus à dire si ce n’est

d’un accent qu’un rien renouvelle

 

N’est-ce pas là reconnaître l’usure ?

 

Vaudrait-il mieux,

patient du vide – où l’à-quoi-bon pourrait s’insinuer –,

ayant rongé le frein d’une impuissance

à son contraire consacrée,